Macron vs Le Maire : fuites, couacs, règlements de comptes… Quand l’Elysée déballe tout

Macron vs Le Maire : fuites, couacs, règlements de comptes… Quand l’Elysée déballe tout

La présidence Macron avait commencé par une leçon de choses que le secrétaire général de l’Elysée, Alexis Kohler, avait développée en allant chercher chez le chancelier allemand Otto von Bismarck la justification de ne rien raconter sur les coulisses du pouvoir : “Si les gens savaient comment on fabrique des saucisses, il n’est pas sûr qu’ils continueraient à en manger.” Autant dire que les portes et les fenêtres du palais étaient fermées aux curieux journalistes, un moyen de plus de rompre avec le quinquennat Hollande. Le président lui-même avait publiquement repris la recette. “Je n’ai jamais raconté les coulisses”, remarquait-il en 2018 au cours d’une conférence de presse avec le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, alors qu’il était interrogé sur un coup de fil houleux avec Donald Trump. Et de citer aussitôt Bismarck…

Ici, on verrouille. C’est le message que transmet un certain Alexis Kohler à un certain Bruno Le Maire à l’automne 2017. Le ministre de l’Economie est furieux de lire dans Le Canard enchaîné qu’Emmanuel Macron ne décolérerait pas contre lui. Le secrétaire général de l’Elysée est formel : croix de bois croix de fer, le président ne s’est pas exprimé de la sorte. Le chef de l’Etat demande même à son entourage d’appeler la rédaction de l’hebdomadaire pour démentir.

C’est fou comme les temps changent. On oublie tout et on fait exactement l’inverse. Depuis quelques jours, l’Elysée s’est lancé dans une opération Portes ouvertes dont la principale victime s’appelle Bruno Le Maire. Episode 1 : le 4 avril, Le Figaro publie un article très bien informé sur “le coup de sang de Macron contre Le Maire”. Une scène d’une réunion du président avec quelques ministres y est relatée, ponctuée par cette citation du chef de l’Etat : “Bruno, ça fait quand même sept ans que tu es là.” Episode 2. Le 8 avril, Emmanuel Macron passe une tête de manière tout à fait inhabituelle lors de la réunion hebdomadaire de coordination qui rassemble autour d’Alexis Kohler des responsables de la majorité. Normalement, rien de ce qui s’y dit ne sort des murs. Cette fois-ci, les trompettes sont de sortie. Les propos d’Emmanuel Macron font le tour de Paris : “J’entends parler de PLFR (projet de loi de finances rectificative, un texte d’origine gouvernementale qui vise à rectifier le budget voté pour l’année, NDLR). Je n’en vois pas l’intérêt. Le gouvernement doit faire les choses avec sérieux pour tenir nos objectifs. Nous n’avons pas un problème de dépenses excessives, mais un problème de moindres recettes.” L’Elysée se permet même de les confirmer au journal Le Monde – l’époque des démentis paraît bien lointaine.

Au départ, il ne devait pas y avoir de saucisse au menu. Cette fois, osera-t-on dire que la saucisse est un peu grosse ? C’est donc dans la presse que se déroule l’affrontement entre le chef de l’Etat et le ministre de l’Economie. Ce président qui n’aimait pas les fuites semble désormais les organiser… L’affolement de l’exécutif devant la situation financière du pays est-il tel qu’il entraîne un oubli de toutes les règles du début ? Les colères sont mises en scène de manière de plus en plus répétées, et le hasard a rarement sa place. “Emmanuel Macron prépare parfois à l’avance certaines petites phrases qu’il prononce ensuite en conseil des ministres et s’arrange pour qu’elles sortent du huis clos élyséen”, raconte un ancien conseiller du palais.

Il arrive que les saucisses tournent au vinaigre, et ce n’est jamais bon signe. Si le hasard n’existe pas, la maladresse confine parfois à l’amateurisme : quand on organise des fuites, on évite de se prendre les pieds dans le tapis. Pour preuve, l’incroyable pataquès sur le Rwanda. L’Elysée, le jeudi : “Le chef de l’Etat rappellera que quand la phase d’extermination totale des Tutsis a commencé, la communauté internationale avait les moyens de savoir et d’agir […] et que la France, qui aurait pu arrêter le génocide avec ses alliés occidentaux et africains, n’en a pas eu la volonté.” Le président, le dimanche : “Je crois avoir tout dit ce 27 mai 2021 quand j’étais parmi vous. Je n’ai aucun mot à ajouter, aucun mot à retrancher de ce que je vous ai dit ce jour-là.” Les voix du président sont décidément impénétrables.

En matière diplomatique, Emmanuel Macron n’en est pas à son premier essai – en termes de gaffes s’entend, ou de calculs trop subtils pour être compréhensibles. On se souvient de la diffusion, dans un documentaire Un président, l’Europe et la guerre sur France 2, d’une conversation téléphonique Macron-Poutine, enregistrée à l’insu de ce dernier, qui avait poussé Moscou à parler de violation de “l’étiquette diplomatique”. On était alors au cœur de la cuisine internationale, celle que le monde entier suit de très près…

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *