Mars 2026, la crue centennale de la Seine ravage Paris : nos scénarios noirs de l’eau

Mars 2026, la crue centennale de la Seine ravage Paris : nos scénarios noirs de l’eau

Entre une région touchée par des inondations et une autre frappée d’une sécheresse historique, il n’y a que mille kilomètres. Paradoxal et saisissant effet d’un climat toujours plus bouleversé, et de tensions grandissantes sur les ressources en eau du pays. Chaque été, désormais, impose son débat sur ses usages et sur son accès, alors que les pluies parfois torrentielles de l’hiver ravagent certains territoires. Comment adapter la France à cette nouvelle réalité ? L’Express a souhaité apporter sa pierre à l’édifice d’un débat plus nécessaire que jamais. Ces six “scénarios noirs” de l’eau à l’horizon 2030 en sont la traduction. Ils ne sont ni des prévisions, ni des prédictions. Mais des hypothèses sur lesquelles travaillent déjà plus ou moins directement les pouvoirs publics et industriels, et dont les trames ont été affinées et enrichies par la quarantaine d’experts interrogés : chercheurs, météorologues, hauts fonctionnaires, ingénieurs, assureurs… Tous sont unanimes : la résilience du pays face à ces événements se construit dès maintenant.

Le 12 mars 2026, des barques de fortune circulent péniblement sur la place de la Concorde, à Paris, recouverte de 0,70 mètre d’eau. La Seine est sortie de son lit depuis dix jours. “Dans le cas d’une crue centennale, il faudrait entre une semaine et dix jours pour qu’elle atteigne son pic”, explique Baptiste Blanchard, directeur général de Seine Grands Lacs, l’établissement public chargé d’actions de prévention des inondations. Depuis le début du mois, des trombes d’eau se sont abattues sur l’Ile-de-France et les régions voisines, le sol durci par le gel empêchant leur infiltration. Les quatre bassins de rétention d’eau en amont de Paris sont pleins aux deux tiers. “Ils parviendraient à faire baisser la crue de 50 à 70 centimètres, reprend Baptiste Blanchard, mais pas plus.”

Trois jours après le début des pluies, la mairie de Paris commence à fermer les premières voies sur berge dans le XVe arrondissement, puis les rend inaccessibles quand la crue tutoie les 6,10 mètres. La RATP ferme 41 stations de métro devant la montée rapide des eaux. “La tâche est difficile : à New York, on a vu lors d’inondations qu’il suffisait qu’une bouche de métro soit ouverte pour inonder tout ou partie du réseau souterrain”, note Eric Gaume, directeur du département de géotechnique à l’université Gustave-Eiffel. Depuis plusieurs jours, les pouvoirs publics préviennent la population de la montée des eaux. “Dans ce scénario, la première alerte serait donnée plusieurs jours avant que la Seine n’atteigne ce niveau historique, avec des mises à jour régulières”, indique la préfecture de police de Paris.

Le zouave et le pont de l’Alma, vigies des crues de la Seine.

Plus d’électricité

Malgré les alertes, la montée des eaux surprend plusieurs Franciliens. Le 11 mars, cinq personnes sont portées disparues. Le lendemain, le niveau de la crue dépasse celui de 1910, et atteint les 9,11 mètres. La statue du zouave du pont de l’Alma a désormais de l’eau jusqu’aux épaules. “L’extrême densité de population rendrait l’épisode complexe à gérer. Un million de personnes se trouvent aujourd’hui en zone inondable, explique Ludovic Faytre, responsable des études risques majeurs et aménagement à l’Institut Paris Région. 5 millions de gens seraient directement ou indirectement exposés aux inondations.” Plus de 300 communes sont inondées. Intra-muros, les Champs-Elysées, l’Assemblée nationale et le Champ-de-Mars sont inaccessibles sans se mouiller, comme une bonne partie des 15ème, 8e et 12e arrondissements. Une quarantaine d’établissements de santé de la capitale sont affectés. Des protections physiques contre la crue sont mises en place, et des systèmes électriques de passe sont activés.

“On ne sait pas faire fonctionner les ouvrages électriques sous l’eau. Enedis couperait donc l’électricité de manière préventive et au fur et à mesure de la montée du fleuve, secteur par secteur, explique Nicolas Perrin, directeur régional d’Enedis Paris. En cas de crue centennale, ces mesures pourraient concerner environ 300 000 de nos clients en Ile-de-France.” Au total, un peu plus d’un million de Franciliens n’ont plus d’électricité. Les réseaux d’eau potable fonctionnent aussi de manière dégradée. “De très nombreux dysfonctionnements surviendraient sur les usines de production et sur la distribution en petite couronne, explique Frédéric Gache, directeur adjoint de l’appui aux territoires chez Seine Grands Lacs. Pour les habitants dans les zones où l’eau potable ne serait plus délivrée au robinet, le retour à la normale est inconnu. Il serait estimé à plusieurs semaines.” Pour faire face, l’Etat distribue 3 litres d’eau en bouteille par jour et par personne. Maires et préfets délivrent des consignes d’évacuation. “Les pompiers et les services de secours seraient fortement mobilisés pour prendre en charge les publics les plus vulnérables”, poursuit-il.

Le quartier de la Défense, centre névralgique pour de nombreuses grandes entreprises, bien que non inondé, est aussi touché. Même avec leurs employés en télétravail, l’impact de la crue se fait sentir. Avec une inondation de cette ampleur, il faut attendre un mois pour que la Seine rentre dans son lit, et que la vie reprenne peu à peu son cours normal. “Enedis rétablirait l’électricité zone par zone dès les premiers signes de décrue”, assure Nicolas Perrin. Le retour à la normale s’étale sur cinq mois. Le montant du sinistre est estimé à plus de 30 milliards d’euros. “On ne prend en compte que les dommages directs de la crue, prévient Baptiste Blanchard. Le coût total, en incluant les dommages indirects, devrait atteindre les 50 milliards.”

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