Menaces d’attentat : une semaine d’alertes dans les écoles

Menaces d’attentat : une semaine d’alertes dans les écoles

Six mois après l’assassinat de Dominique Bernard à Arras, l’ombre du terrorisme plane toujours sur l’Education nationale. Davantage encore à l’heure où des menaces d’attentat inondent les environnements numériques de travail (ENT). Dans une série de messages envoyés au personnel d’établissements scolaires et aux élèves, des anonymes menacent de commettre des attaques contre des collégiens, lycéens et professeurs. En une semaine, plus de 150 établissements ont été ciblés, concentrés sur trois régions voisines : l’Ile-de-France, les Hauts-de-France et le Grand Est. Le parquet de Paris, qui avait déjà ouvert une enquête sur des menaces contre des lycées franciliens le 21 mars, a indiqué ce mercredi que deux nouvelles enquêtes avaient été ouvertes dans la capitale sur les cyberattaques ayant visé des établissements scolaires ces derniers jours.

Les premières alertes remontent au mercredi 20 mars. Au beau milieu de l’après-midi, un message se glisse dans la boîte mail ENT de 74 établissements scolaires d’Ile-de-France. Le verbe est d’une violence rare : “Demain jeudi 21 mars, je ferai exploser l’établissement tout entier vers 11/15 heures et je décapiterai tous vos corps de kouffar pour servir Allah le tout-puissant qui règne sur le monde ? J’ai mis du C4 (un puissant explosif, NDLR) partout dans le lycée et dans les classes”, annonce l’expéditeur, citant un verset du Coran débutant par “Tuez ceux qui ne croient pas en Allah”. Puis de monter d’un cran dans l’abomination : “J’espère que vos corps de kuffars vous exploser (sic) en 1 000 morceaux, je ramènerais (sic) mes chiens pour venir vous déchiqueter bande de mécreants”. Ainsi s’achève l’avertissement.

Dans son courriel, l’expéditeur qui se réclame de l’Etat islamique et signe d’un “Gloire à Allah”, invite son destinataire à ouvrir un fichier en pièce jointe : une vidéo, présentée comme un guide “qui montrera comment tuer facilement tous ces mécréants”. Car l’objet du message est également de “trouver des acolytes […] pour mener ce projet à bien”. Le clip qui s’étend sur plus d’une minute, est une scène de double décapitation. Des images qui datent du 20 juillet 2016, et qui ne sont pas inconnues des services de renseignement français. L’individu qui décapite un homme menotté, n’est autre que Rachid Kassim, djihadiste franco-algérien. Décédé à Mossoul en 2017, le terroriste y fait l’éloge de l’attentat de Nice perpétré quelques jours plus tôt, le 14 juillet. “Nous venons ici nous féliciter et nous réjouir de l’attaque de Nice. Ô Mohamed qu’Allah t’accepte parmi les hauts degrés du paradis”, fredonne-t-il.

Des menaces prises très au sérieux

Dès la fin de journée, l’incident remonte immédiatement aux services de police. Les menaces sont tout sauf prises à la légère. Des services d’enquêtes spécialisés sont mobilisés, le mot d’ordre est donné : identifier le plus rapidement possible les auteurs de ces messages. En parallèle, les parquets des villes concernés sont saisis. De même que la Brigade de lutte contre la cybercriminalité, de la direction de la police judiciaire parisienne (BL2C). Le soir même, un courrier informe les parents d’élèves que des agents de police seront présents jeudi 21 mars dans les établissements visés. Et indique “qu’il s’agit d’un piratage de compte d’élèves du lycée”. Raison pour laquelle la messagerie de l’ENT a été désactivée.

Mais 48 heures plus tard, rebelotte. Vendredi 22 mars au soir et samedi 23 mars, de nouvelles menaces d’attentat envahissent les messageries d’établissements scolaires. Cette fois-ci, c’est la région des Hauts-de-France qui est prise pour cible. Le message est court, sans équivoque : “Lundi, 122 établissements vont exploser”. La procédure est désormais rodée : les établissements visés déposent plainte. Le rectorat de Lille aussi. La plateforme d’échanges des établissements est mise en veille “jusqu’à nouvel ordre”. Au micro de BFM Grand Lille, la rectrice de l’académie de Lille, Valérie Cabuil, explique traiter “cette question d’un piratage de l’ENT qui peut toucher tous nos établissements et toutes nos écoles. Il faut le prendre au sérieux techniquement”. Quelques heures seulement après les annonces de la ministre de l’Education nationale, Nicole Belloubet. Parmi lesquelles, un audit à venir sur la sécurité des environnements numériques de travail.

Patrouilles des forces de l’ordre aux abords des lycées

À la veille de la reprise des cours, l’inquiétude monte crescendo. Certains hésitent encore à envoyer leurs enfants à l’école. Dans un message publié dimanche 24 mars, la préfecture du Nord tente de rassurer temps bien que mal les parents : les élèves seront accueillis dans des conditions de sécurité renforcées lundi. Avec des policiers et gendarmes aux abords des collèges et lycées menacés. Et des services mobiles de sécurité de l’Education nationale présents dans l’enceinte des établissements.

Un dispositif similaire sera déployé dans 29 établissements de la région Grand Est. Car dans la nuit de dimanche à lundi, plusieurs établissements scolaires du Bas-Rhin, du Haut-Rhin, de Meurthe-et-Moselle, Moselle, Meuse et des Vosges ont été la cible de menaces d’attentat. Selon les villes touchées, les messages varient. À Strasbourg par exemple, le pirate indique être armé, et avoir placé des bombes au lycée Kléber dont les portes sont restées closes lundi matin. Aux abords de 7h40, la direction prévient les parents : seuls les personnels seront autorisés à pénétrer dans l’enceinte de l’établissement. Au total, une trentaine de lycées alsaciens annuleront les cours lundi matin. À Colmar, le lycée Bartholdi restera même fermé toute la journée.

Des établissements scolaires fermés

Bis repetita ce mercredi 27 mars à Paris. Plusieurs centaines d’élèves ont été privés de cours. Plus d’une cinquantaine d’établissements scolaires, essentiellement des collèges, ont été visés par de nouvelles menaces d’attentat, a indiqué la mairie de Paris dans un communiqué. D’après les informations de nos confrères du Parisien, les collèges Georges-Courteline dans le 12e arrondissement de la capitale, Pierre-Alviset dans le 5e, et Montgolfier dans le 3e sont notamment concernés. Le procédé est analogue à celui observé ces derniers jours : les alertes proviennent toutes de la plateforme Paris Classe Numérique (PCN), l’ENT des établissements scolaires parisiens. Des équipes de déminage ont été immédiatement déployées. Mais “les vérifications des équipes cynophiles n’ont rien signalé d’anormal”, indique Le Parisien, sur la base d’informations communiquées par des sources proches du dossier.

La veille, le locataire de Matignon Gabriel Attal, s’est engagé à “renforcer les effectifs sur le terrain, en particulier à proximité des établissements scolaires”. Sur les ondes de France Inter, la ministre de l’Education nationale a de son côté annoncé avoir “demandé la suspension de toutes les messageries concernées”. Et de temporiser : “Ce n’est pas le système entier qui est pénétré”. Reste que ces fausses alertes, qualifiées de “canulars” par certains observateurs, resserrent un peu plus l’étau autour de l’exécutif. Dimanche soir, le gouvernement a rehaussé à son niveau maximal le plan Vigipirate. Une décision prise à la suite de l’attaque de Moscou qui a causé la mort d’au moins 139 personnes dans une salle de concert. Invité du JT de France 2 lundi soir, le ministre de l’Intérieur l’assure : la menace terroriste est bel et bien présente en France : “On n’a jamais autant déjoué d’attentats qu’aujourd’hui en France.”

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