Nadine Herrati : “Pourquoi je quitte Les Ecologistes…”

Nadine Herrati : “Pourquoi je quitte Les Ecologistes…”

Douze années au sein d’Europe Ecologie-Les Verts, c’est long. Douze années de militantisme et d’engagement où elle a croisé la route de Yannick Jadot, Cécile Duflot, Julien Bayou et autre Marine Tondelier. Nadine Herrati, présidente du conseil fédéral, le parlement interne des écologistes, membre de la motion majoritaire au sein du parti, claque la porte de la maison verte. Elle déplore l’évolution idéologique d’EELV, le traitement de l’affaire Bayou et le harcèlement en ligne dont elle s’estime victime.

L’Express : Vous démissionnez et rendez la carte de votre parti alors même que la campagne européenne débute. Pourquoi avoir pris cette décision à cet instant ?

Nadine Herrati : Il se crée une distance croissante entre ce que je crois juste pour représenter l’écologie politique et la direction que prend le parti. L’emprise croissante d’une frange d’ultragauche vociférante chez les verts, qui exerce une forme de terrorisme intellectuel, à la manière de la révolution culturelle Maoïste, paralyse la majorité EELV à mener à bout ses actions. Et personnellement, je suis fatiguée des raids et insultes sur les réseaux sociaux à mon égard.

À vous entendre, on croirait que la direction des écologistes est bien trop tendre avec les motions minoritaires les plus radicales, alors même que Marine Tondelier a récemment entrepris de réduire leur poids dans l’appareil politique d’EELV…

Cette réforme des statuts [NDLR : adoptée à la mi-mars et prévoyant la suppression des motions] est une bonne chose, mais les cadres et autres responsables du parti demeurent dépourvus d’arsenal disciplinaire. Ils ont surtout intériorisé qu’ils n’arriveront pas à bout de ces personnes. Alors face à leur pouvoir de nuisance, ils essayent de les cajoler et de les maintenir chez nous ; c’est contreproductif, car il s’agit là de personnes qui veulent du mal au parti !

La réalité, c’est aussi que Les Ecologistes surfent sur les ambiguïtés modérés-radicaux, pour conserver un maximum d’alliés et devenir un parti de masse. Nous sommes progressistes, nous nous battons contre toutes les discriminations. Mais il ne faut pas oublier une chose : nos électeurs sont des modérés, pas des décérébrés. La modération demande courage, alors que la démagogie est très confortable.

C’est ainsi que vous lisez le dénouement de “l’affaire Bayou”, qui divise encore les écolos ? La victoire d’une “minorité vociférante” sur une “majorité paralysée” ?

Je ne veux surtout pas minorer le sujet des violences sexistes et sexuelles en politique, car je suis attachée à la promotion de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes. Certains se saisissent de cette affaire pour mettre une pression excessive à la direction et exercer des menaces. La grève militante par exemple [NDLR : quelque 80 adhérents et cadres régionaux ont lancé cet appel le 1er avril], alors que la campagne est déjà assez compliquée, a été décrétée après que le groupe parlementaire a voté contre l’exclusion de Julien Bayou ! La direction a cédé en demandant un appel à témoignages aux adhérents.

De l‘extérieur, ce pourrait être perçu comme un procès hors-cadre judiciaire par délations. L’ancien secrétaire national s’est retrouvé victime d’un activisme antidémocratique. D’autant que rien de pénalement répréhensible ne lui est, pour l’heure, reproché. Il ne faut pas créer de confusion en mettant en compétition deux formes de justice. En tant qu’élus, cette posture est intenable dans les réunions publiques. Nous avons l’impératif de la modération.

Chez EELV, vous présidiez le groupe de travail de lutte contre l’antisémitisme. Quel bilan dressez-vous ?

De l’avis de tous, le sujet de la lutte contre l’antisémitisme a progressé depuis la création de ce groupe de travail, en 2021. Je trouve néanmoins que nous sommes en train de régresser. Car il y a quelque chose d’insoutenable dans le manque de mesure qu’expriment Les Ecologistes, en qualifiant la situation à Gaza de “génocide”. Or, cette qualification répond des critères onusiens très précis et ne devrait jamais faire l’objet d’une quelconque instrumentalisation politique. Mais comme trop souvent, certains ont forcé la main de la direction pour qu’elle se prononce ainsi, ce qui participe de l’antisémitisme ambiant dans notre pays. Ma démission permettra peut-être d’appréhender ces enjeux.

La campagne européenne commence sérieusement, et Marie Toussaint peine à se démarquer dans les sondages. Êtes-vous optimiste pour la suite ?

Marie Toussaint a la lourde charge de rétablir la crédibilité des écologistes. C’est une jeune femme intelligente, pleine de capacités et consciente de l’ampleur des enjeux. Mais elle ne peut, à elle seule, régler l’ensemble des défaillances structurelles du parti. Un sursaut est-il, pour autant, possible ? Raphaël Glucksmann a profité de nos errements pour prendre le large à gauche. C’est très compliqué. Peut-être faudra-t-il s’adresser aux gens autrement pour retrouver le chemin de la raison et du travail de fond.

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