Pays pauvres : une aide française au rabais, par Eric Chol

Pays pauvres : une aide française au rabais, par Eric Chol

“La France sera à la hauteur du défi de l’aide au développement !” assurait le président Macron, peu après sa première élection, lors d’une allocution devant les étudiants de l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso. Engagement pris, engagement tenu, du moins au cours de son premier quinquennat : alors que, sous François Hollande, l’aide aux pays pauvres avait été rognée, elle a bondi entre 2018 et 2022, passant de 10 à 15 milliards d’euros. Mieux, le chef de l’Etat peut s’enorgueillir d’avoir dépassé l’objectif de 0,55 % du PIB fixé dans son programme présidentiel : en 2022, l’aide publique au développement (APD) a atteint 0,56 %, plus très loin du fameux cap de 0,7 % arrêté par les pays riches en 1970 au titre de leur devoir de solidarité internationale.

Un objectif que la France n’avait jusque-là jamais respecté, mais une nouvelle loi votée par l’ensemble des partis politiques, en 2021, avait ravivé cet espoir, en crantant l’année 2025 pour y parvenir.

La dynamique alors bien réelle s’est définitivement brisée lors du deuxième quinquennat d’Emmanuel Macron. Pour quelles raisons ? A cause des coups d’Etat à répétition en Afrique, du dérapage complet du déficit budgétaire français ? Ce qui est certain, c’est que, depuis l’été 2023, la France a revu drastiquement à la baisse ses ambitions, d’abord, en renvoyant à 2030 le fameux seuil de 0,7 % et puis en amputant de 742 millions le budget de l’aide publique au développement. “Il n’y a rien de surprenant, c’est la variable d’ajustement par excellence et, à l’inverse des agriculteurs, il n’y a pas de syndicats pour protester”, relève l’universitaire Philippe Marchesin*, spécialiste de la coopération.

Les ciseaux de l’exécutif n’y sont pas allés de main morte : selon les calculs du think tank Focus 2030, le report de cinq années de l’objectif de 0,7 % du PIB revient à un manque à gagner de 11 milliards d’euros d’aide pour les pays les plus vulnérables…

Un peu plus d’exemplarité

Quant à l’effort financier requis par Bercy au titre de l’aide aux pays pauvres, il est 10 fois plus important que pour les autres lignes budgétaires… De quoi faire pâlir l’image de la France généreuse, qui était parvenue à se hisser au quatrième rang mondial des bailleurs d’aide publique au développement.

Pourtant, malgré cette diète imposée, la France n’entend pas renoncer à sonner le clairon de la solidarité internationale. Le 15 avril, elle accueillera une conférence humanitaire en faveur du Soudan. En juin, elle coorganisera, avec ses partenaires africains et internationaux, un événement pour lancer l’opération “accélérateur de la production des vaccins en Afrique”.

Et, en décembre, se tiendra à Paris un sommet pour reconstituer les ressources de l’Association internationale de développement – le bras financier de la Banque mondiale –, avec l’objectif de procéder à une mobilisation de fonds record en faveur des pays les plus vulnérables. Trois grands rendez-vous de solidarité internationale en 2024 à Paris, qui nécessiteraient un peu plus d’exemplarité côté français.

* La Politique française de coopération. Je t’aide, moi non plus, par Philippe Marchesin (L’Harmattan, 2021).

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