Politique du logement : le mirage de la décentralisation

Politique du logement : le mirage de la décentralisation

Pour résoudre la crise polymorphe de l’immobilier, le gouvernement pense avoir trouvé la formule magique : “décentralisation”. La clef du problème, alors que les permis de construire ont chuté de 28 % sur un an ? Le projet de loi du ministre du Logement est en tout cas annoncé d’ici le printemps 2024 autour de cette idée. “Les élus doivent prendre pleinement conscience de l’enjeu que constitue le maintien d’une production neuve pour répondre aux besoins et éviter de renforcer la crise du logement. Ce qui suppose que chacun prenne sa part dans l’acte de construire”, explique Patrice Vergriete, lui-même ancien maire de Dunkerque. Et c’est là que le bât blesse. “La décentralisation existe de fait depuis des années car ce sont les maires qui délivrent les permis”, pointe Le promoteur Philippe Zivkovic, 40 ans de carrière dans le secteur immobilier. Sous la pression d’administrés peu enclins à se faire de nouveaux voisins, ils freinent des quatre fers. “Par défaut, il est interdit de construire !”, déplore un urbaniste.

Une fiscalité en lien avec le nombre d’habitants

Le hic, c’est que les édiles sont incités… à ne pas ouvrir les vannes. De nouveaux habitants sont synonymes d’investissements en nouveaux équipements : crèches, écoles… Or, la suppression de la taxe d’habitation complique l’équation. “Cette décision a été bénéfique pour le pouvoir d’achat et d’un point de vue politique pour Emmanuel Macron. Mais elle a cassé l’incitation à construire pour les maires. Nous appelons à une réflexion sur une fiscalité en lien avec le nombre d’habitants”, soutient Erwann Tison, directeur des études de l’Institut Sapiens. Comme il n’est pas question de ressusciter la taxe d’habitation, une solution pourrait être de flécher une partie de l’impôt sur le revenu des administrés vers leur commune. Ou bien d’imaginer un nouvel impôt local, compensé par la baisse d’autres taxes.

Au-delà du financement, gare à ne pas perdre de vue que les besoins en logements se concentrent sur quelques régions seulement. “Il faut une stratégie globale sur les objectifs d’occupation des différents bassins de vie, déclinée ensuite au niveau des départements, puis des maires”, insiste Erwann Tison. Du côté des promoteurs, le président de la fédération professionnelle, Pascal Boulanger, ne cache pas son scepticisme face à cette volonté farouche de décentralisation : “J’ai l’impression que c’est une façon de passer la patate chaude et de porter la faute sur les territoires”. En cas d’échec sur ce sujet sensible du logement des Français, c’est le gouvernement qui risque de se brûler les doigts.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *