Punk : dans les archives des Bérurier noir à la BnF

Punk : dans les archives des Bérurier noir à la BnF

Ce sont les premières archives du mouvement punk français à intégrer les fonds d’une institution publique. En 2021, deux ex-Bérurier noir, le chanteur Fanfan, dit aussi FanXoa (François Guillemot), et le saxophoniste mastO (Thomas Heuer), ont fait don de leurs archives à la Bibliothèque nationale de France (BnF), qui les expose aujourd’hui sur le site François-Mitterrand, à Paris XIIIe, jusqu’au 28 avril. Une centaine de pièces, photographies, carnets, affiches, vidéos sont ainsi déployées pour proposer aux visiteurs une véritable immersion dans l’émergence de la scène musicale alternative en France.

Fanfan et Loran (Loran Béru) fondent Bérurier noir en 1983, sous l’influence de la vague punk qui déferle sur l’Hexagone à la fin des années 1970. Faute de lieu dédié, le tandem, accompagné par sa boîte à rythmes Dédé, se produit dans des friches industrielles et squats parisiens, dans la rue ou le métro. Leurs premiers enregistrements sortent avec le soutien des labels indépendants Visa et Bondage, tandis que de nouveaux membres issus de la musique ou du cirque renforcent la troupe. Parmi eux, mastO, cofondateur du groupe culte Lucrate Milk, est passé par les Beaux-Arts de Paris, tout comme Fanfan. Ensemble, ils forgent l’identité visuelle des Bérus – BxN en abrégé -, le premier immortalisant avec son objectif tournées et répétitions, le second composant, au côté du dessinateur Laul, affiches, pochettes et fanzines.

Photomatons des membres de Bérurier Noir ayant servi à la composition de la pochette de l’album “Abracadaboum !” sorti en 1987.

Les concerts de la bande se muent bientôt en performances déjantées : aux guitares saturées s’ajoutent des accessoires loufoques – masques asiatiques, nez de cochon ou crocs de boucher -, trimballés dans les fameuses malles qui deviendront l’emblème de Bérurier noir et de son “petit théâtre de force”. Le succès arrive, les Bérus passent de l’usine de Pali-Kao, à Belleville, aux Zénith de France, jusqu’au triomphe final à l’Olympia qui marque leur auto-sabordage public.

Car, alors que le mouvement punk s’est politisé en France, la première génération de rebelles arty laissant place aux keupon, les RG surveillent de près Bérurier noir, qu’ils soupçonnent de connivence avec les mouvances terroristes, à l’instar de Black War. Si les aspirations libertaires des Bérus rejoignent celles de certains groupuscules extrémistes côtoyés dans les squats, “leur engagement peut se résumer par l’adage ‘Tant qu’il y a du noir y’a de l’espoir'”, pointent Benoît Cailmail et Emilie Kaftan, de la BnF. “On se définit comme un groupe de folklore de la zone mondiale, qui commente l’actualité et envisage la culture de façon globale. On défend les droits de l’homme partout. Comme des reporters autonomes”, confie BxN à Libé en mars 1988. Au sommet de sa gloire, le groupe garde du punk son rejet de l’ordre social, mais se distingue par sa volonté de transformer la lutte en énergie positive. “Ecoutez jeunesse de France/Soyez unis pour gagner/L’av’nir c’est pas la violence/Mais la solidarité…”, clame-t-il dans le titre Mineurs en danger sorti dans les bacs cette même année.

Détail de la pochette de l’album “Concerto pour détraqués” de Bérurier noir, 1985.

Au fil de leurs albums mythiques, de Concerto pour détraqués (1985) à Souvent fauché, toujours marteau (1989), les Bérus sont, en l’espace de six folles années, les acteurs et les témoins clés de l’éclosion du rock alternatif français. Et même si le groupe se reformera sporadiquement entre 2003 et 2006, c’est cette période débridée des années 1980 qui reste dans la mémoire collective, quand ces adeptes décomplexés du DIY (Do It Yourself) cristallisaient l’éclosion d’une nouvelle scène organisée en dehors des majors et des circuits traditionnels.

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