Reconnaissance d’un Etat palestinien : quels pays ont déjà franchi le pas ?

Reconnaissance d’un Etat palestinien : quels pays ont déjà franchi le pas ?

“La communauté internationale ne pourra pas aider l’Etat palestinien si elle ne reconnaît pas son existence”. Mercredi 10 avril, le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, parmi les voix les plus critiques en Europe vis-à-vis d’Israël, a déclaré devant les députés que Madrid était prête à reconnaître la Palestine en tant qu’Etat. Une telle reconnaissance “est dans l’intérêt géopolitique de l’Europe”, a-t-il affirmé, sans toutefois préciser de date. Lors d’une tournée au Moyen-Orient la semaine passée, le socialiste avait confié à la presse que cette reconnaissance pourrait avoir lieu d’ici la fin du mois de juin.

Une éventualité longtemps taboue pour les pays occidentaux, mais désormais évoquée par les dirigeants de plusieurs d’entre eux. La veille, le ministre irlandais des Affaires étrangères, Michael Martin, a également annoncé son intention de soumettre au gouvernement une proposition formelle sur la reconnaissance d’un Etat palestinien quand des “discussions internationales plus larges” seront terminées. La reconnaissance du statut d’Etat “pourrait servir de catalyseur pour aider la population de Gaza et de Cisjordanie et pour faire avancer une initiative de paix menée par les Arabes”, a-t-il déclaré par la suite au site d’informations irlandais The Journal, indiquant que la proposition formelle serait faite “dans les prochaines semaines”. Le même jour, l’Australie avait laissé entendre qu’elle pourrait faire de même.

Reconnu par 137 pays

Dans l’Union européenne, où seuls 9 des 27 membres considèrent la Palestine comme un Etat – essentiellement les anciens pays du bloc de l’Est – l’Espagne et l’Irlande tentent de faire bouger les lignes depuis le début du conflit à Gaza. Fin mars, les deux pays ont ainsi publié une déclaration commune avec les représentants maltais et slovènes, dans laquelle tous se disaient “prêts à reconnaître la Palestine”.

Le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez, doit également rencontrer ces prochains jours ses homologues portugais et norvégiens à ce sujet, a indiqué mardi la porte-parole du gouvernement espagnol, Pilar Alegría. En février, le président français, Emmanuel Macron, avait aussi franchi un cap, estimant qu’une reconnaissance unilatérale d’un Etat palestinien n’était “pas un tabou pour la France”.

Membre observateur à l’ONU

Dans le monde, la majorité des pays reconnaissent l’Etat de Palestine : 137 pays, soit 70 % des 193 Etats membres de l’ONU. Mais ce n’est pas le cas de beaucoup de pays d’Europe occidentale, de ceux d’Amérique du Nord, de l’Australie ni du Japon et de la Corée du Sud.

En septembre 2011, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, avait lancé la procédure demandant “l’adhésion de l’Etat de Palestine à l’ONU”, qui n’était jamais allée à son terme. Les Palestiniens ont depuis 2012 le statut “d’Etat non-membre observateur”.

Les pays qui reconnaissent un Etat palestinien

A défaut d’un statut de membre à part entière avec droit de vote, le titre d’Etat observateur donne accès à des agences de l’ONU et des traités internationaux. Fort de ce nouveau statut, les Palestiniens vont rejoindre en 2015 la Cour pénale internationale, ce qui permet l’ouverture d’enquêtes pour des opérations militaires dans les territoires palestiniens. Les Etats-Unis et Israël dénoncent cette décision.

Proclamé indépendant depuis 1988

La revendication d’un Etat palestinien est vieille de plusieurs décennies. C’est le 15 novembre 1988, quelques mois après le début de la première Intifada, que l’État de Palestine est officiellement proclamé à Alger par l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Cette dernière revendique la souveraineté en Cisjordanie, dans la bande de Gaza, et Jérusalem pour capitale.

L’Algérie est ainsi le premier pays à reconnaître la Palestine, suivie une semaine après d’une quarantaine d’Etats dont la Chine, l’Inde, la Turquie et la plupart des pays arabes. Viendront après presque tous les pays du continent africain et du bloc soviétique. Enfin, dans les années 2010 et 2011 principalement, ce sera au tour de la plupart des pays d’Amérique centrale et d’Amérique latine.

Entre 1993 et 1995, Israël et l’OLP signent les accords d’Oslo pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien, établissant l’Autorité palestinienne (AP) comme administration autonome dans la bande de Gaza et sur une partie de la Cisjordanie. Mais après l’assassinat de l’ancien Premier ministre israélien Yitzhak Rabin par un extrémiste religieux juif en 1995, les négociations entre Israël et l’AP se sont enlisées, si bien que la lutte pour la reconnaissance d’un Etat palestinien se fait sans l’assentiment de Tel-Aviv.

L’actuel Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahou, au pouvoir pour la première fois en 1996, et personnalité politique qui a passé le plus d’années à la tête du gouvernement d’Israël, est quant à lui opposé à la reconnaissance d’un Etat palestinien.

Nouvelle demande d’adhésion à l’ONU

Mettant en avant l’offensive actuelle israélienne à Gaza, l’Autorité palestinienne a relancé, début avril, la demande d’adhésion dans un courrier adressé au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce dernier doit répondre d’ici fin avril à la demande d’adhésion pleine et entière des Palestiniens aux Nations unies, une démarche qualifiée d'”historique” par son ambassadeur, Riyad Mansour.

Un succès est cependant plus qu’improbable. Il faudrait en effet d’abord une recommandation positive du Conseil de sécurité (au moins neuf votes pour, sans veto d’un membre permanent), puis un vote à une majorité des deux tiers à l’Assemblée générale. Mais les observateurs prédisent un veto des Etats-Unis, qui s’étaient déjà opposés à cette adhésion en 2011. “Notre position est connue et n’a pas changé”, a répété lundi l’ambassadrice américaine, Linda Thomas-Greenfield, à l’issue de la première réunion à huis clos du “comité sur l’admission de nouveaux membres”, une formation ad hoc du Conseil.

Les Etats-Unis estiment que l’ONU n’est pas le lieu pour la reconnaissance d’un Etat palestinien, qui devrait selon eux être issu d’un accord entre les Palestiniens et Israël (opposé à une solution à deux Etats). Ils mettent également en avant une loi américaine qui prévoit de couper le financement de l’ONU si le Conseil de sécurité accepte un Etat palestinien hors d’un tel accord bilatéral.

L’ambassadeur israélien à l’ONU, Gilad Erdan, a lui dénoncé avec virulence la requête palestinienne. “Le Conseil de sécurité discute en ce moment de la reconnaissance d’un Etat palestinazi”, a-t-il lancé à la tribune de l’Assemblée générale. En cas de veto américain, ce ne serait pas la première fois qu’une demande d’adhésion à l’ONU serait bloquée au Conseil de sécurité. Le dernier veto date de 1976, quand les Américains avaient bloqué l’entrée du Vietnam, allié de l’URSS, après leur défaite dans la guerre.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *