“Stonehouse” : une mini-série hilarante sur un piètre espion

“Stonehouse” : une mini-série hilarante sur un piètre espion

Au cinéma, les affaires d’espionnage sont une mine d’effrois ou d’hilarités selon qu’il s’agit d’un film dramatique ou d’une comédie. Mais si un film dramatique peut se passer d’hilarité, en revanche, une comédie ne peut se passer de cet effroi qu’on appelle le suspens. Démonstration avec la mini-série britannique Stonehouse : député, amant et espion, diffusée sur Arte, avec, dans le rôle-titre, Matthew Macfadyen (qui fut l’inoubliable gendre de Logan Roy, alias Rupert Murdoch, dans la série Succession).

Tout part d’une histoire vraie (youpi !). John Stonehouse a vraiment existé et il fut effectivement député, espion et mari adultère. Né en 1925, élu député de Wednesbury (Angleterre) de 1957 à 1976, avec un intermède de juillet 1968 à juin 1970 durant lequel il a occupé le poste de ministre des Postes, un portefeuille qui semble sorti d’une pièce de Feydeau.

Lâche, bête… et hilarant

Stonehouse a commencé à travailler pour les services secrets tchécoslovaques dès l’année 1962, alors qu’il était au ministère de l’Aviation. Il touche assez d’argent des communistes pour investir dans des combines financières frauduleuses, maladroites et de plus en plus visibles. Sur le point d’être découvert, il ne trouve rien de mieux que de disparaître, le 20 novembre 1974, laissant derrière lui une femme, deux enfants et un Premier ministre, Harold Wilson, dans la panade. A sa lâcheté il ajoute la bêtise de mettre en scène sa mort par noyade du côté de Miami. Déclaré mort, supposément dévoré par les requins, il est arrêté par la police le 24 décembre suivant, en Nouvelle-Zélande, où il dilapidait le fruit de ses entourloupes en compagnie de son attachée parlementaire et maîtresse, Sheila Buckley.

En Angleterre, où il est extradé et emprisonné, l’affaire fait scandale. Son procès débouche sur une condamnation à plusieurs mois de prison ferme. Il est emporté par une crise cardiaque en 1988. Ce n’est que vingt-deux ans après sa mort que ses activités d’espion sont révélées au public, le MI5 ayant préféré rester discret sur ce monumental fiasco. Ça la fout mal, en effet, qu’un ministre de sa Majesté puisse être un espion à la solde de Moscou. Comment imaginer par ailleurs que la paranoïa soviétique puisse aller jusqu’à investir sur un personnage aussi insignifiant ?

C’est sur cette absurdité que repose le scénario de la série (trois épisodes seulement !) : on bascule en permanence du réel à l’invraisemblable, de la compassion pour la femme et les enfants de ce Stonehouse à l’hilarité que nous inspirent ses combines foireuses.

Prototype du niais malfaisant

Keeley Hawes, dans le rôle de Mrs Stonehouse, est aussi efficace que l’était Sarah Ruth Snook interprétant Siobhan Roy dans Succession. Ces deux grandes actrices auront partagé l’honneur, l’avantage et le talent d’avoir été les épouses de Matthew Macfadyen, dont on se demande si la seule présence ne suffit pas à garantir la réussite d’un film, d’une série. D’un rôle à l’autre, à travers les genres, les continents et les époques, l’acteur semble emporter avec lui le même personnage, celui qu’il a créé. Prototype du niais malfaisant, de l’idiot catastrophique, perpétuellement sauvé par l’inertie bureaucratique dans laquelle il gigote comme un têtard, aidé par l’aveuglante rationalité de ceux qui nagent à ses côtés et qui ne peuvent croire à sa nullité, lui soupçonnant une grande intelligence cachée.

On est tellement ravi, ébloui, qu’on se retient d’éclater de rire, de peur de rater quelque chose. Pourtant, l’autre soir, essayant de communiquer mon enthousiasme à mon amie Fabienne, en lui racontant comment Stonehouse révèle au chef des services secrets tchécoslovaques que l’Angleterre est sur le point de sortir un avion de ligne supersonique, je suis littéralement pris d’un fou rire, mais aux larmes, et c’est à peine si j’arrive à lui réciter la réplique du Tchécoslovaque atterré : “Le principe de notre relation, Mr Stonehouse, ça n’est pas que vous nous donniez des informations qui sont parues la veille dans la presse.”

Christophe Donner est écrivain.

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