Taylor Swift, ses préceptes économiques : travail, perfectionnisme et partage de la valeur

Taylor Swift, ses préceptes économiques : travail, perfectionnisme et partage de la valeur

Beaucoup de choses ont été écrites dans la presse du monde entier sur le Eras Tour de Taylor Swift qui passe ces jours-ci par la France. Cette tournée est en effet celle qui aura généré le chiffre d’affaires le plus important de toute l’histoire de la musique : 2 milliards de dollars environ, pour une centaine de concerts dans une vingtaine de pays. En France, 250 000 billets ont été vendus pour les quatre concerts parisiens et les deux concerts lyonnais. Aux Etats-Unis, le prix des billets peut dépasser 1 000 euros, ce qui explique que certaines familles américaines viennent voir le concert à Paris. Les titres de Taylor Swift sont streamés chaque année des dizaines de milliards de fois sur les plateformes. La chanteuse vend des centaines de milliers de disques, CD ou vinyles. Ce succès inouï lui permet d’être l’une des rares musiciennes – auteur, compositeur et interprète – aujourd’hui milliardaire grâce à sa musique.

La réussite de cette artiste est spectaculaire parce que son engagement, son perfectionnisme et son travail le sont. En témoigne le concert auquel j’ai assisté vendredi soir à La Défense Paris Arena, la plus grande salle couverte d’Europe qui peut accueillir 40 000 personnes – quelle chance pour notre capitale de bénéficier d’une telle infrastructure. L’économie de Taylor Swift – ou “Swiftonomics” – repose finalement sur des ressorts classiques. Le premier, c’est donc le travail. Ce spectacle éblouissant de chant, de danse et de lumières dure 3 heures sans temps mort. Il est millimétré et ne retombe jamais grâce à un perfectionnisme et une dépense d’énergie qui ne faiblissent pas.

A seulement 34 ans, Taylor Swift déroule un répertoire déjà très riche, de la country à la pop en passant par une musique plus sophistiquée, notamment celle de son dernier album The Tortured Poets Department, sorti il y a quelques semaines alors qu’elle était en pleine tournée. Cet opus est le cinquième depuis 2019, soit un rythme élevé qui rappelle celui des groupes des années 1960 – au moins un disque par an. Le travail obsessionnel et acharné est la condition – non suffisante – du succès.

L’abnégation génère des recettes qu’il faut ensuite diffuser. Deuxième ressort des “Swiftonomics” : le partage de la valeur. En août 2023, on a appris que Taylor Swift avait laissé un pourboire de 100 000 euros à chaque chauffeur routier de l’entreprise de transport Shomotion, mobilisée sur la première partie de sa tournée, soit une cinquantaine de salariés, qui ont en outre reçu chacun un mot manuscrit personnalisé.

Rester maître de sa carrière

Le troisième ressort des “Swiftonomics”, c’est l’autonomie. Taylor Swift compose, écrit les paroles de ses chansons, et elle est instrumentiste. Dans son spectacle, elle alterne mises en scène à la Madonna et chansons folks pour lesquelles elle s’accompagne elle-même à la guitare, voire au piano. Autonomie artistique mais aussi économique. Taylor Swift ne détenait pas les droits de ses six premiers disques et n’avait pas réussi à les racheter. Les contrats qu’elle avait signés quand elle avait 15 ans n’étaient évidemment pas à son avantage. Qu’à cela ne tienne : elle les réenregistre l’un après l’autre pour régler cette injustice économique. “Vous méritez de posséder l’art que vous créez”, a-t-elle déclaré il y a quelques années. Comment réussir si l’on n’est pas maître de sa carrière ?

Un symbole de liberté et d’audace

Le quatrième ressort des “Swiftonomics”, c’est la capacité à proposer une vision de monde qui rassemble, sans tomber dans l’affadissement du discours. On le sait, Taylor Swift est féministe. Ce féminisme incite les jeunes femmes à prendre leur destin en main mais sans agressivité. Il n’exclut pas les hommes. Taylor Swift est démocrate et pourrait bien appeler à voter Joe Biden, ce qui, dans une élection aussi serrée, pourrait avoir un impact sur le résultat final, aux dires des politologues américains. Mais elle vient de la country, elle en joue encore et reste proche d’une fanbase républicaine. L’éditorialiste Emmanuel Lechypre, croisé à ce concert, me disait : “Cette fille fait ressortir le meilleur de nous-mêmes.” De fait, les 40 000 personnes réunies dans la salle – une majorité de filles portant des robes à paillettes – étaient là pour faire la fête dans l’esprit le plus positif qui soit.

Les dictateurs de Chine ou de Russie voient dans le progressisme à la Taylor Swift le symptôme d’un Occident qui se dévirilise, s’affaisse dans le divertissement, se délite dans le pacifisme. C’est tout le contraire. Il est l’avatar d’une liberté et d’une audace qui font de l’Amérique du Nord et de l’Europe des endroits vers lesquels des habitants du monde entier veulent migrer. Cette jeune fille née en Pennsylvanie, et devenue la plus grande star mondiale de la pop musique, est un exemple pour des millions de jeunes. Tout est donc encore possible dans les démocraties libérales.

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