“Tous les salariés y seront confrontés…” : comment manager quelqu’un qui a peur du changement ?

“Tous les salariés y seront confrontés…” : comment manager quelqu’un qui a peur du changement ?

“C’était mieux avant.” “On sait ce qu’on perd, on ne sait pas ce qu’on va trouver.” “Vous êtes sûr que l’herbe est plus verte ailleurs ?” “Réfléchissez avant de lâcher la proie pour l’ombre !” En matière de changement, il existe beaucoup de locutions pour expliquer qu’il est préférable de ne pas bouger. Les plus récentes parlent de “zone de confort”. Pour le chanteur Bénabar, c’est On s’en fout, on n’y va pas/On n’a qu’à se cacher sous les draps… Au travail, c’est se contenter de ce que l’on fait et tenter de se faire oublier quand la tornade du changement surgit. Même les plus revendicatifs baissent parfois d’un ton, expliquant qu’ils n’ont pas fait le tour du sujet et qu’avant de tout démolir, il serait utile de réfléchir. Le stress, la peur de perdre et de devoir tout recommencer, la hantise de se trouver d’autres références pour avancer sont des ressentis bien connus de ceux qui sont terrorisés par une évolution, non comprise, non admise, dans leur milieu professionnel.

En outre, 73 % des salariés déclarent être fatigués du changement et “seuls 29 % des responsables RH sont convaincus que les processus actuels de leur organisation sont efficaces pour aider les employés à atteindre et maintenir leur meilleur rendement possible”, indique Kayla Velnoskey, directrice principale de la recherche chez Gartner (“Gartner HR Survey reveals less than half of employees are achieving optimal performance”, 23 mai 2023). Or, “le changement est aujourd’hui une donnée structurelle”, affirme David Guillocheau, directeur général du cabinet ZestMeUp. “Tous les salariés y seront confrontés”… même si, seulement 26 % des dirigeants affirment que leurs initiatives de transformation ont été couronnées de succès (“Losing from day one : Why even successful transformations fall short”, McKinsey, 7 décembre 2021).

Certes, il existe aussi les tenants du changement, prêts à chaque modification et qui s’agitent pour tout repeindre du sol au plafond. Ils doivent être canalisés sans pour autant être muselés car leur attrait pour la nouveauté peut être contagieux et efficace pour une équipe. Ils peuvent servir de guides rassurants. S’il n’est pas à négliger, ce point d’appui ne suffit pas toujours. “Aider au changement est une compétence managériale très importante, insiste David Guillocheau. Au niveau humain, plus que de la résistance, c’est de l’inquiétude.” Chaque manager doit décoder ceux qui s’opposent par principe ou par suivisme et ceux qui ont une trouille bleue de ce qui va arriver, même s’ils l’expriment par de l’agressivité. Lorsqu’on les met au pied du mur, l’angoisse peut être décuplée et donc provoquer le rejet. Ne pas les surprendre. “En amont, il faut bien préparer le déploiement à gérer. Ne pas faire du curatif mais de la prévention. Instaurer un climat de confiance de sécurité psychologique pour faciliter la gestion du changement”, précise l’expert.

Au manager de permettre au salarié de parler et de prendre en considération ses questions, ses craintes, même s’il les exprime mal. Y répondre au mieux, sans évidemment mentir ou “promettre la lune”. “Il faut dissocier les sentiments d’avec les faits”, insiste David Guillocheau. Ne pas juger et éviter les formules comme : “Tu as tort d’avoir peur”. Au contraire, présenter ce qui doit se passer : “Voici les éléments qui doivent nous faire évoluer”. Ne surtout pas être frontal quant au ressenti de son collègue, mais traiter au mieux ce qui le soucie. Pour un changement dans le travail, présenter la formation prévue, le mettre en contact avec ceux qui l’ont déjà faite ou ont modifié leurs tâches. Infuser par l’exemple. Si le changement permet de gagner du temps, le mettre en évidence. “Trop souvent, on a la destination mais on n’explique pas les étapes progressives pour y arriver. Il faut découpler le temps en évitant ‘l’effet tunnel’ hyper stressant”, poursuit l’expert.

Pour ce faire, le manager doit mettre en place son plan de route et féliciter à chaque petite victoire dans cette conduite du changement. “A chaque étape, apporter du soutien, montrer que l’on est présent.” Le pilote du changement doit mettre en place un baromètre consultable à tout moment, un outil de mesure du changement en cours comme ICAP, que recommande David Guillocheau. Ce processus est indispensable pour suivre l’évolution, modifier l’avancée si nécessaire : “Selon le cabinet de conseil Towers Watson, conclut ce dernier, communiquer efficacement avec les employés pendant les périodes de changement donne 3,5 fois plus de chances d’obtenir des résultats supérieurs par rapport aux entreprises qui ne le font pas.”

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *