Tramway, vélo, trains… Strasbourg, reine des mobilités écolos

Tramway, vélo, trains… Strasbourg, reine des mobilités écolos

Cela devient une habitude… Pionnière depuis des décennies en matière de mobilités durables, Strasbourg figure toujours parmi les meilleurs élèves dans cette discipline, tous types de transports confondus. Elle vient ainsi de remporter le Passe d’or du 32e palmarès des mobilités organisé par le magazine Ville Rail & Transports et caracole en tête du classement des villes françaises pour le vélo avec 755 kilomètres de voies aménagées et 13,8 % des actifs qui l’utilisent pour se rendre au travail, contre seulement 4,3 % à Paris ! Elle se classe même au cinquième rang européen des villes cyclables, derrière Copenhague, Amsterdam, Utrecht et Anvers.

Ce succès s’explique par la mise en place d’une politique avant-gardiste, impulsée dans les années 1990 par la maire (PS) Catherine Trautmann. La ville fut ainsi la première en France à se doter d’un tramway, dont la mise en service en 1994 s’est accompagnée d’une piétonnisation des rues et de l’aménagement de pistes cyclables le long des rails. Une offre complétée plus tard par les réseaux Vélhop (6 800 vélos en libre-service) et Velostras, un maillage d’autoroutes cyclistes. Une inspiration qui vient de loin. Dès 1848, un omnibus tracté par deux chevaux sillonnait déjà ses rues, tandis que trente ans plus tard, les premières lignes de tramway à vapeur voyaient le jour.

Si, au fil des ans, Strasbourg a su conserver son titre de pionnière, c’est grâce aux politiques volontaristes des élus, “partageant une même conscience écologique, quelles que soient leurs sensibilités politiques”, reconnaît Jeanne Barseghian, l’actuelle édile (EELV) de Strasbourg. Sans compter les innombrables programmes mis en place pour accompagner les habitants : de l’opération “Au boulot à vélo” à la généralisation de l’apprentissage du deux-roues dans les écoles et les quartiers d’habitat social, “où il est un outil d’autonomie pour les jeunes”, souligne Alain Jund, vice-président de l’Eurométropole chargé des mobilités. La collectivité propose également la gratuité des transports pour les moins de 18 ans et des aides financières pour l’acquisition d’un véhicule propre.

“Malheureusement, Strasbourg s’est reposée sur ses lauriers”, estime néanmoins la maire, élue en juillet 2020. C’est qu’avec les crises, les investissements se sont restreints tandis que, depuis le Covid, d’autres villes ont aménagé à tout va des kilomètres de pistes cyclables. “De ce fait, nous avons perdu une partie de notre avance, se désole-t-elle. Mais nous lui redonnons un coup de collier en réinvestissant massivement la question des mobilités.” A ses côtés, la présidente de l’Eurométropole Pia Imbs (sans étiquette) en a fait la priorité de son mandat, “un choix dicté par l’urgence climatique, sociale et sanitaire”, précise-t-elle. Ensemble, elles ont imaginé d’audacieux programmes pour mener à bien ce qu’elles appellent la “révolution des mobilités”. Montants investis : près de 500 millions d’euros sur un mandat.

Redonner à la Prachtallee son charme d’antan

La pierre angulaire de leur projet reste le tramway. Alors que les six lignes du centre-ville sont saturées avec plus de 325 000 voyageurs par jour, deux extensions sont prévues vers l’ouest et le nord de la ville pour une mise en service prévue en 2027. “Des centaines de milliers de résidents de l’agglomération seront alors raccordés à un réseau de transports efficace, directement relié à la gare”, souligne la maire de Strasbourg. L’idée fait pourtant grincer des dents les élus d’opposition. “Nous ne sommes pas contre l’extension du tram, mais en désaccord avec son aménagement”, clament-ils à l’unisson. Première préoccupation : le coût. Initialement budgété à 120 millions d’euros, le projet s’élève désormais à… 268 millions d’euros, avant que le premier coup de pioche ait été donné. “Avec l’inflation, il pourrait atteindre 400 millions d’euros !”, s’inquiète le centriste Pierre Jakubowicz. La contestation porte aussi sur le tracé prévu le long de l’avenue des Vosges, principale artère de la Neustadt (quartier impérial) classée à l’Unesco, qu’il devrait emprunter pour desservir Schiltigheim et Bischheim au nord. “Nous réduirons ainsi les nuisances générées par le trafic sur l’une des voies les plus polluées de Strasbourg”, se défend la maire écologiste, qui souhaite redonner à cette Prachtallee (allée splendide) son charme d’antan. Exit les voitures, place aux piétons et aux bicyclettes ! De son côté, la place Haguenau se changera en un parc de 16 hectares.

“C’est mal connaître les besoins des commerçants et des professions libérales qui l’empruntent chaque jour, comme ceux des familles nombreuses qui y résident et doivent s’y garer, rétorque Jean-Philippe Vetter, conseiller municipal et eurométropolitain (LR). Ce tracé créera des embouteillages autour de l’avenue, dégradant la qualité de l’air !” Aussi l’opposition plaide-t-elle pour d’autres aménagements, plus efficaces et moins onéreux selon elle. Pierre Jakubowicz a ainsi concocté un “contre-projet”, nourri de cinq réunions publiques réunissant 500 participants et plus de 1 000 contributions citoyennes. Selon l’élu Horizons, “le tram devrait passer par les quais et l’avenue des Vosges être réaménagée, avec la construction d’une percée verte et une piste cyclable bidirectionnelle en site propre”, détaille-t-il. Et ce sans remettre en cause la voiture.

Sur le tracé du futur TGV Paris-Berlin

Pas de quoi faire dévier de sa voie Pia Imbs, qui rêve de transformer la capitale alsacienne en un carrefour européen. C’est grâce à elle si la ville, siège du Parlement de l’Union, figure sur le tracé de la future ligne de TGV Paris-Berlin. Déjà, le Réseau express métropolitain européen (Reme), connecté à trois Länder allemands et à Bâle (Suisse), dispose de 650 trains supplémentaires par semaine. “Trois nouvelles lignes devraient être créées pour desservir les communes des première et deuxième couronnes”, ajoute-t-elle. Un réseau qui s’étoffera de cars express, circulant sur les voies ferroviaires et routières le long de l’autoroute M351, avec la construction dans les gares de pôles d’échanges multimodaux facilitant les liens entre le train, la voiture ou le vélo. Depuis la mise en service fin 2023 de la ligne G du bus à haut niveau de service entre la gare et le quartier Vauban, lequel dessert les principaux services publics dont le nouvel hôpital civil, le nombre de passagers a doublé. Idem pour les lignes de bus Chron’Hop, “aussi rapides que le tramway, avec des cadences sur sept/huit minutes en heures pleines”, assure Pia Imbs. Tandis que le réseau de transport à la demande Flex’Hop fait un carton dans les communes de la seconde couronne. De quoi bannir l’automobile pour de bon ? “Avec cette palette de mobilités, on a observé une baisse inédite du nombre de voitures immatriculées (7 000 en moins) entre 2022 et 2023”, se félicite Pia Imbs.

Cela dit, le mode de transport qui remporte tous les suffrages reste la bicyclette. Si l’Eurométropole a investi 100 millions d’euros pour créer de nouvelles pistes intercommunales, la maire écologiste travaille son Ring, une sorte de périph’ pour vélos qui longera les quais intérieurs de la Grande-Ile sur 4 kilomètres. “Il permettra aux cyclistes de contourner la ville sans la traverser, réduisant le trafic en centre-ville et les conflits d’usages avec les piétons”, dit-elle. Les Strasbourgeois se sont si bien convertis à la petite reine que les deux-roues sont désormais confrontés à des… embouteillages. La rançon du succès.

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