Yasmina Reza, Vendela Vida, Ruth Ozeki… Les dix livres de ce mois de mai à pas manquer

Yasmina Reza, Vendela Vida, Ruth Ozeki… Les dix livres de ce mois de mai à pas manquer

Le Temps d’un visage

Par Ruth Ozeki, trad. de l’anglais par Sarah Tardy.

Belfond, 128 p., 20 €.

On l’avait découverte en 2013, venue, tout sourire, à Paris à l’occasion de la sortie en France de son épatant troisième roman, En même temps, toute la terre et tout le ciel. Et on avait été marqué par le charme indéfinissable de la lauréate de l’American Book Award (All Over Creation, 2003), fille d’un Américain, éminent anthropologue à l’université Yale et d’une Japonaise, par ailleurs nonne bouddhiste zen et ancienne réalisatrice. Ruth Ozeki (son nom de plume) nous revient avec un livre au dessein étrange, l’observation, trois heures durant, de son propre visage, qu’on a reçu, avouons-le, avec une grande circonspection. A tort ! Ce court récit est un bijou d’intelligence, de grâce et de malice.

Il est minuit, la romancière se pose devant son miroir, histoire d’observer les “bienfaits pédagogiques de l’attention immersive”. Elle a alors 59 ans, “un âge compliqué pour un visage”. “Imaginez la puberté, mais à l’envers”, écrit-elle, avant d’évacuer la question de la beauté pour se rapprocher de “l’existentiel”. Cela dit, il y a cet œil gauche, légèrement plus asiatique que le droit, caucasien, qu’elle préfère : être une métisse asiatique n’a pas toujours été facile dans le Connecticut raciste des années 1960, nous confie-t-elle. Et puis il y a ces poches sous les yeux, héritage du père, ce front, immense et strié de deux cicatrices dissimulées derrière une frange, ces pommettes plutôt plaisantes, legs de sa mère, ces sourcils, aujourd’hui clairsemés… autant de détails prétextes à exhumer les racines familiales et les souvenirs de jeunesse.

1 h 24 : “Je commence à en avoir sérieusement marre de mon visage”, s’exclame Ruth Ozeki avant d’aborder les pattes-d’oie au coin des yeux, les bajoues, etc. Pas le lecteur, qui savoure cette introspection aussi fine que divertissante. Marianne Payot

Dompter les vagues

par Vendela Vida, trad. de l’américain par Marguerite Capelle.

Albin Michel, 287 p., 21,90 €.

Le formidable roman de Vendela Vida

“Nous avons treize ans, bientôt quatorze, et les rues de Sea Cliff nous appartiennent.” Eulabee et ses amies Maria Fabiola, Faith et Julia règnent sur ce quartier chic de San Francisco, qui, les rares jours sans brume, offre une vue imprenable sur le Golden Gate Bridge. La bande fréquente une école privée pour filles, s’habille en Esprit et Guess, s’enthousiasme pour Breakfast Club, connaît par cœur les moindres recoins des falaises de Baker Beach et China Beach, et attire de plus en plus le regard des garçons. Jusqu’à ce que la sagace Eulabee se fasse exclure du groupe pour ne pas avoir soutenu la mythomanie de la belle Maria Fabiola, qui raconte à tout le monde qu’un homme s’est masturbé dans une voiture en leur demandant l’heure. Devenue une paria, elle doit se débrouiller seule (“un déjeuner sans amies, ça dure une éternité”) au milieu d’une communauté où les mensonges et malaises pullulent.

Figure de la scène littéraire branchée américaine – elle a fondé et longtemps dirigé le magazine The Believer –, Vendela Vida réussit avec Dompter les vagues un formidable roman sur l’adolescence, entre Bret Easton Ellis pour l’évocation très référencée des années 1980, Sofia Coppola pour le spleen des jeunes filles, et le film Clueless pour le regard sarcastique sur ces écolières privilégiées. Native de San Francisco où elle vit toujours avec son mari, l’écrivain Dave Eggers, Vendela Vida saisit aussi cette période particulière de la ville, après la contre-culture des hippies crasseux, mais avant les milliards des nababs de la tech. Thomas Mahler

On vient de loin. Œuvres choisies

Par Yasmina Reza.

Quarto Gallimard, 1024 p., 29 €.

Elle est sur tous les fronts, la dramaturge et romancière Yasmina Reza. Vraisemblablement aux Folies Bergères, ce lundi 6 mai, où se déroulera la 35ᵉ cérémonie des Molières (elle est sélectionnée pour le Molière de l’auteure francophone vivante), jusqu’à peu au théâtre Marigny, à Paris, où l’on jouait sa pièce James Brown mettait des bigoudis, et dans les librairies avec ce Quarto de plus de mille pages ! Après quelque trente-cinq ans de carrière riche d’une œuvre littéraire mêlant les genres (théâtre, roman, récit), il a fallu faire des choix pour composer cette édition de la très chic collection Quarto. Ont été retenus dix textes : “Art”, Hammerklavier, Une désolation, Adam Haberberg, Dans la luge d’Arthur Schopenhauer, Le dieu du carnage, L’aube le soir ou la nuit, Heureux les heureux, Babylone, Anne-Marie la beauté et Serge. Autant d’écrits traitant de violence, de fuite du temps, de solitude, d’identité, de fragilité, d’angoisse de la mort, avec, toujours, légèreté, irrévérence et ironie. A lire ou à relire.

Ce que l’on savourera aussi et avant tout, ce sont la soixantaine de documents personnels, la préface et les repères biographiques de l’auteure. Elle y fait mention de ses “violentes nostalgies pour des espaces où jamais je ne suis allée” ; de son père né à Moscou, élevé un temps en Allemagne, venu de Tachkent ou de Samarkand (Iran) ; des ses aïeux paternels, enterrés dans le carré juif de Montparnasse, “sorte de promotion sociale qu’ils soient là en plein Paris, à côté de gens connus de la culture française comme des nouveaux riches de la mort” ; de sa mère musicienne native de Hongrie, “violoniste qu’elle n’a jamais entendue” ; de ses grands-parents maternels, “quelque part en cendres à New York” ; de sa première pièce, Conversations après un enterrement, au théâtre Paris-Villette, mise en scène par Patrice Kerbrat en 1987 (“C’est là que tout a commencé”) ou encore d’Art, bien sûr, mise en scène par ce même Kerbrat en 1994 à la Comédie des Champs-Élysées et inspirée par le tableau blanc acheté par son ami Serge Goldszal, qui la pria, après le succès, de mettre un “Serge” dans chacune de ses œuvres. Demande exaucée ! M. P.

Le Huit

Par Katherine Neville, trad. de l’américain par Evelyne Jouve.

Le Cherche Midi, 752 P., 21,90 €.

La réédition d’un must de Katherine Neville

Au printemps 1790, l’abbaye de Montglane, dans le sud de la France, est en proie à une singulière agitation. Face à la menace de confiscation des biens ecclésiastiques, l’abbesse convoque les religieuses pour une révélation : dans les murs de l’enceinte sont cachées les pièces d’un jeu d’échecs au pouvoir mystérieux, qui fut offert voilà mille ans à Charlemagne par huit guerriers maures. Valentine et Mireille, deux cousines, sont chargées de convoyer deux des pièces à Paris. Deux siècles plus tard, en 1973, la jeune informaticienne américaine Catherine Velis s’apprête à partir travailler en Algérie pour l’Opep, quand l’une de ses connaissances lui demande de lui en ramener des pièces précieuses qui y seraient cachées et… pourraient être celles du jeu de Montglane.

Paru aux Etats-Unis en 1988 et traduit en France en 2002, Le Huit n’était plus disponible depuis une dizaine d’années. Le voici réédité et c’est heureux tant l’œuvre est un sommet du thriller historique, dont on devine l’influence qu’il eut sur des best-sellers comme le Da Vinci Code. Cette sorte de contre-histoire à la construction savante est un monument d’érudition, qui mêle sciences physiques, théorie musicale, alchimie, histoire, bien sûr, et dont les personnages principaux, les pièces de l’échiquier plutôt, se nomment Talleyrand, Marat, Catherine de Russie ou Napoléon. Gageure, le lecteur n’est jamais perdu dans ce dédale d’époques et d’événements, mais s’amuse comme un petit fou à tenter de comprendre le rôle du jeu d’échecs, possible explication à tous les mystères de l’univers, rien que ça. Ces 752 pages ne sont que le premier volume. La réédition du second (Le Feu sacré) est annoncée pour l’automne. Bertrand Bouard

Les Forêts de Waldenstein

Par Stéphane Héaume

Rivages, 196 p., 19,50 €.

Petit-fils de l’architecte Arthur-Georges Héaume (qui reconstruisit Le Havre avec Auguste Perret), le romancier Stéphane Héaume en a hérité un don : il sait construire des décors. Qu’il situe ses intrigues en Afrique (La Nuit de Fort-Haggar), à New York (Sheridan Square) ou à Venise (Dernière valse à Venise), il en soigne le cadre. Avec Les Forêts de Waldenstein, il crée une Mitteleuropa magique, quelque part entre Nosferatu le vampire de Murnau et The Grand Budapest Hotel de Wes Anderson. Un lieu imaginaire féerique et onirique, où l’on prend plaisir à se perdre.

L’histoire, puisqu’il y en a une, est assez simple : des années après avoir fui le village de son enfance, Wald revient à Waldenstein, une ancienne station thermale où trône un palace abandonné, le Wald Ambassador. La région est désormais sous la coupe d’un tyran. Ses patrouilles rôdent. Que sont devenus la mère, le frère et l’amour de jeunesse de Wald ? Il retrouve un témoin : Ambrose, l’organiste du coin, qui a aussi une passion pour la sculpture, vocation qu’il avait transmise à Wald. Notre héros tourmenté veut comprendre et, peut-être, se venger. On va le suivre démêler les mystères de son passé… Entre autres maîtres, Stéphane Héaume cite souvent le duo Boileau-Narcejac et Julien Gracq. Des premiers, il a repris l’art du suspense ; du second, le goût pour les ambiances envoûtantes. Par sa stylisation rare, Les Forêts de Waldenstein se distingue de la littérature contemporaine, souvent triviale dans ses sujets et lourde dans sa forme. Un livre qu’on conseillera aux esthètes fans de romans noirs – il s’en trouve ! Louis-Henri de La Rochefoucauld

Un si long mois de février

Par Clara Marchaud.

Éditions Plein jour, 280 p., 21 €.

Le récit journalistique d’un an dans l’Ukraine en guerre

En février 2021, Clara Marchaud, fraîchement diplômée en journalisme, part à Kiev réaliser son rêve : devenir correspondante pour la presse française et raconter les “évolutions et soubresauts politiques” de cette Ukraine qu’elle avait découverte, sac à dos, quelques années plus tôt. Un an plus tard, Clara se réveille sous les bombes à Kharkiv, dans l’est du pays. Vladimir Poutine vient de lancer son opération spéciale. Des premières semaines de l’agression russe, la jeune reporter a tiré un récit, tendu et très personnel, Elle y décrit la sidération d’une population qui, d’un jour à l’autre, se retrouve sur les routes et dans les trains bondés pour fuir les bombardements.

Au fil de chapitres nerveux, Clara Marchaud – correspondante de L’Express en Ukraine – raconte comment elle est devenue reporter de guerre malgré elle (« Je ne prends quasiment pas de photos de moi en travaillant, et surtout pas en gilet pare-balles. Il semble que certains vivent pour cette photo, qu’ils s’empressent de poster sur les réseaux sociaux », écrit-elle). Au-delà de sa mue personnelle, Clara Marchaud dépeint avec précision, et sans tabous, le traumatisme de millions d’hommes et de femmes victimes, depuis plus de dix ans, de la folie impérialiste d’un despote. “En décidant d’envahir l’Ukraine, Poutine a lié l’histoire entière d’une nation, d’un territoire, à la guerre. Et ce pour des générations. Ce n’est pas seulement une tentative d’effacer le passé ou de maîtriser, au présent, la vie de millions de personnes, c’est le rapt de l’avenir et des rêves.”

Au travers de ses rencontres, de ses amitiés, l’auteure brosse un portrait poignant d’un peuple auquel un homme, claquemuré dans son Kremlin, refuse tout droit d’exister et de choisir son destin. Quand on referme ce livre, une question affleure : combien d’années, de décennies, faudra-t-il aux Ukrainiens pour panser leurs plaies et vivre enfin ? Charles Haquet

La Vedette du quartier

Par Riton Liebman.

Séguier, 288 p., 21 €.

Finalement on le dévore ce livre de Riton Liebman. C’est son premier, estampillé roman, mais on le devine, l’acteur et réalisateur belge de 60 ans ne doit guère s’éloigner de la réalité de ses trente premières années. Il ne s’y donne pas le beau rôle, d’ailleurs, dans ce récit des heurs et malheurs d’un antihéros brossé avec verve et un sens de l’autodérision certain – celui-là même, on l’imagine, qui avait fait le succès de son “seul en scène” éponyme en 2019. Commençons par planter le personnage. Si cela vous avait échappé, Riton Liebman est le surdoué Christian Belœil de Préparez vos mouchoirs, de Bertrand Blier, joué à l’âge de 13 ans. Un rôle qui lui vaudra durant de très longues années des remarques du type : “Alors ? Il était sympa, Depardieu ? Il était génial, Patrick Dewaere ? Et Carole Laure, tu l’as vraiment b… ?”

Adepte du comique de répétition, il fait d’ailleurs de cette réflexion un gimmick, tout comme il se joue de la mansuétude de son père Marcel (un juif pro-palestinien de gauche, universitaire et historien réputé), de ses retards aux castings de sa jeunesse (mauvais à l’école, il est parti dès ses 16 ans à Paris tenter sa chance), de ses pitreries incessantes et de sa timidité maladive envers les femmes. On le suit ainsi d’un studio minable à la porte de Vincennes à une chambre de bonne dans le 16e, se faisant virer du Cours Florent, courant les petits rôles (pour Yves Boisset, Patrick Schulmann, Gérard Lauzier, Philippe Galland, Philippe Clair, …), passant ses nuits aux Bains Douches, côtoyant Lucas Delvaux, Florent Pagny, Vanessa Paradis, la bande du Splendid… mais, surtout, se perdant dans l’héro. On le quitte alors qu’il entre dans un centre de désintoxication, près de Soissons. Le début d’une nouvelle vie ? M. P.

La Pesée des âmes

Par Pascal Manoukian.

Erick Bonnier, 316 p., 22 €.

D’Alep à Paris, par Pascal Manoukian

La guerre, il la connaît bien Pascal Manoukian, ex-grand reporter et ancien directeur général de l’agence Capa. En 2013, dans Le Diable au creux de la main, il témoignait de ses années passées sur le front, entre Afghanistan, Syrie, Amérique latine et Bosnie, avant de s’essayer à la fiction en 2015 avec Les Echoués, relatant la destinée de trois migrants “échoués” dans la banlieue parisienne. Après ce premier essai, réussi, il a récidivé en 2017 avec Ce que tient ta main droite t’appartient (titre tiré du Coran), qui nous entraînait en Syrie, au sein d’un camp d’entraînement pour terroristes de Daech.

C’est dans cette Syrie qui lui tient tant à cœur qu’il plonge les protagonistes de son nouveau roman, La Pesée des âmes. A Alep, très exactement, assiégée, meurtrie, bombardée depuis cinq ans. Ernest, reporter à chaîne Horizon, irréductible parmi les irréductibles, comme l’était son père, mort à Sarajevo en 1993, part couvrir le siège de l’antique Alep, otage du conflit meurtrier entre l’armée de Bachar el-Assad, aidée par l’aviation russe, et le camp dit des rebelles. Au même moment, le milliardaire Victor Bellonne, informaticien ex-petit propriétaire de parkings dorénavant à la tête d’un groupe tentaculaire, s’empare de la chaîne Horizon. Ses intentions sont claires : mettre fin au “journalisme de papa” et jouer la carte du “journalisme émotionnel” à base de téléréalité.

L’auteur alterne alors les coups de boutoir du milliardaire et l’immersion de son jeune reporter dans la ville martyre. D’un côté, la bêtise et l’arrogance d’un homme d’affaires parvenu, de l’autre, la mort d’un passeur, le courage d’une jeune Arménienne, descendante de réfugiés à Alep à l’instar de milliers de ses congénères après le génocide, l’obstination du conservateur du Musée National d’Alep… Quand Pascal Manoukian se fait le témoin de deux mondes au bord de l’asphyxie. M. P.

Dans l’écho lointain de nos voix

Par Brandon Hobson, trad. de l’américain par Stéphane Roques.

Albin Michel, 306 P., 22,90 €.

Voilà quinze ans que Ray-Ray Echota n’est plus. Victime d’une bavure policière par un après-midi où le jeune Cherokee rejoignait à moto un centre commercial de Tulsa, en Oklahoma. Sa famille a tenté de faire front, mais les fissures demeurent. Si la mère, Maria, fait montre d’une énergie à toute épreuve, investie dans la vie locale, son époux Ernest perd peu à peu ses souvenirs, ensevelis par la maladie d’Alzheimer, tandis que leur fille aînée, Sonja, se lance à corps perdu dans une relation toxique, et que le cadet, Edgar, drogué, ne donne plus de nouvelles. Une éclaircie, toutefois : alors qu’approche la date anniversaire de la mort de Ray-Ray, Maria et Ernest accueillent pour quelques jours un jeune adolescent, Wyatt. Bouillonnant de vie, conteur hors pair, celui-ci ressemble comme deux gouttes d’eau à Ray-Ray, et voilà que même la mémoire d’Ernest commence à se remettre en place.

Récit choral sur la façon dont une famille surmonte ou non un deuil, Dans l’écho lointain de nos voix est davantage que cela. Aux voix de la famille, Brandon Hobson a ajouté celle d’un mystérieux Tsala, un aïeul, possiblement, qui s’exprime un siècle plus tôt, au moment où la tribu s’apprêtait à être déportée de ses terres du sud-est des Etats-Unis vers celles, bien plus ingrates, de ce qui deviendrait l’Oklahoma. Si l’auteur souligne la récurrence des épreuves endurées par son peuple, il pointe aussi, dans une écriture pudique, sensorielle, les voies pour survivre et résister, à tout le moins sur le plan spirituel. B. B.

C’est là que vous disparaissez

Par Chloé Aeberhardt.

Denoël, 384 p., 21 €.

Par Chloé Aeberhardt

Le secret, le trouble, la dissimulation, l’évaporation…. Autant de modes d’expression chers à la journaliste du Monde, Chloé Aeberhadt qui, après avoir publié en 2017 Les espionnes racontent (Robert Laffont), sort aujourd’hui un premier roman au propos profondément “libératoire”. Se libérer d’un carcan, d’une situation délicate, d’une image fallacieuse, d’une famille nauséabonde, d’ennemis potentiels… Il y a mille raisons de vouloir se libérer ou changer de peau. La jolie trentenaire Charlie Archambault, l’héroïne de C’est là que vous disparaissez, en a une bonne de raison : la journaliste phare de La Société s’est fait prendre la main dans le sac à propos d’un reportage sur Fukushima dix ans après la catastrophe nucléaire suivi de nombreux articles “pipeautés”. Vilipendée sur toutes les ondes, elle part se réfugier sur les bords d’un lac suisse, là même où vécut durant vingt-trois ans son auteur fétiche, l’écrivain Robert Walser, interné à l’asile psychiatrique de Saint-Clair dans le Haut Valais.

Elle y rencontre Joseph Merveille, l’original psychiatre, directeur de l’établissement déficitaire, financé par une milliardaire qui souhaite se débarrasser de ce gouffre financier. Alors que se nouent bientôt des relations amicales entre Charlie et Joseph (en raison, notamment, d’un passé commun qu’on laisse découvrir aux lecteurs), la journaliste a une idée “lumineuse” : renflouer les caisses de la clinique en proposant une aide (sous forme d’asile puis de logistique) à tous les candidats à la disparition. En France, chaque année, environ 10 000 adultes “s’évaporent”, paraît-il. C’est à partir de cette tendance lourde que Chloé Aeberhardt tisse ici sa fiction avec une belle imagination. M. P.

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