24 heures de la vie d’une femme juive et universaliste : le 8 mars de la honte, par Sarah Barukh

24 heures de la vie d’une femme juive et universaliste : le 8 mars de la honte, par Sarah Barukh

8 mars 2024, 00 h 01. J’appuie sur “valider”. Sur mon compte Instagram apparaît alors une photo – près de mille paires de chaussures que nous avons peintes en rouge sang – et sous la photo, un texte qui se termine ainsi :

En ce jour consacré aux droits des femmes, notre rôle de femmes devenues féministes par la chair est d’identifier, dénoncer et condamner les zones de Non-droit visant spécifiquement les femmes. Dénoncer les systèmes gouvernementaux, religieux et traditionalistes qui autorisent à violer, soumettre, mutiler, menacer, lapider, marier de force, isoler, enfermer, terroriser, tuer, pendre et invisibiliser les femmes.

Féministes dites intersectionnelles, cessez de soutenir nos agresseurs. Nous sommes celles que vous ne voulez pas voir et nous ne nous tairons pas. Cette photo est notre réponse à votre aveuglement. Pas de paix pour les femmes sans dénonciation de leurs bourreaux.

Nous sommes iraniennes, afghanes, israéliennes, pakistanaises, algériennes, yézidis et tant d’autres, à dénoncer les ravages de l’apartheid sexuel qu’impose l’islamisme radical. Nous sommes aux côtés des femmes victimes de traditions barbares comme l’excision, en France et ailleurs. Nous sommes aux côtés de celles qui souffrent dans leur foyer, de la violence d’hommes qui les détestent. Nous sommes ces femmes dont on vend le corps, qu’on drogue pour mieux les soumettre. Nous sommes toutes et unies. Nous sommes féministes universalistes.

En arrière-plan de la photo, nous nous tenons fières, pancartes en mains, la Tour Eiffel en fond.

A côté de moi, Mona Jafarian, avec qui nous avons organisé l’événement. Elle a fui l’Iran, tout comme Hilda. Nous sommes des dizaines, de tout horizon, toute religion et même souffrance. La veille, j’ai enfin trouvé une avocate pour Aïcha*, rencontrée lors d’un groupe de parole à la Maison des femmes du 93. Elle a fui l’Algérie avec ses 3 enfants pour échapper à charia. Elle est terrifiée à l’idée que son mari la retrouve. Je pense à elle brandissant mon haut-parleur.

10 heures. Je lis les commentaires sous la photo. Il y en a de très beaux. Et puis. “C’est fou cette haine de l’Islam”, “free Palestine”, “bande d’extrémistes vous avez du sang sur les mains”.

Comme lorsque j’avais posté l’appel, et que des activistes de Nous Toutes et autres associations féministes célèbres (et subventionnées) m’avaient traitée d’islamophobe, de facho ou de “suprémaciste blanche”.

14 heures. Remise du chèque reversant les bénéfices de mon livre 125 et des milliers à l’Union nationale des familles de Féminicides. 28 000 euros pour des familles brisées par l’horrible issue fatale des violences conjugales.

16 heures. Amélie*, ancienne enfant battue, l’œil marqué d’une cicatrice laissée par son père, me contacte en panique. “On est exfiltrées, ils nous ont gazées.” Elle m’envoie des vidéos de la manifestation parisienne pour les droits des femmes. Elle tenait une pancarte d‘otage israélienne dont l’ONU a confirmé dans son rapport les maltraitances et sévices sexuels. Une trentaine de femmes juives espéraient leur apporter un soutien. Car les otages du Hamas ont été violées, mutilées et tuées PARCE que femmes, dans un effroyable projet orchestré par un mouvement terroriste prônant dans son manifeste, l’éradication des juifs, des mécréants et la soumission féminine.

Le petit cortège de grands-mères et de jeunes mamans pour la plupart, est encerclé puis étouffé par des militantes et militants “féministes” munis de drapeaux palestiniens, hurlant “sionistes fascistes”. Sur une vidéo qu’Amélie m’envoie, une jeune femme baisse son voile pour crier “sale pute”. Sur les panneaux de la CGT, supposée être apolitique, sont épinglés des drapeaux palestiniens et slogans qui n’ont rien à envier à ceux du BDS. Il faut savoir que ce cortège, que certains nomment “les juives”, a dû attendre près de 10 jours de délibération des associations organisatrices pour savoir s’il pouvait défiler avec les autres Français. Parce que pour les féministes “intersectionnelles” de notre pays, cette question fait débat. Dans la rue parisienne, la violence monte, la police choisit d’exfiltrer le petit groupe. Amélie m’appelle en pleurs : “On a essayé. J’ai mal aux yeux. Mais au moins, j’ai filmé, peut-être que cette fois, on nous croira.”

22 heures. Après une première conférence que je donne à Puteaux sur les féminicides en France, j’en commence une deuxième à l’UEJF sous le signe de l’ouverture. Je retrouve Mona et de nombreuses militantes iraniennes et afghanes, soulagée qu’enfin on les soutienne. Soulagées qu’enfin on pose les mots d’apartheid sexuel en les reliant à l’islamisme radical et son projet mondial mortifère. J’écoute le récit de Diaryatou, son mariage forcé à 14 ans en Guinée, les viols en série ensuite, son excision, “chez moi l’islam radical s’exprime comme ça”. Je bois ensuite les paroles du père Desbois qui revient d’Ukraine et me raconte sa vie auprès des femmes yézidies, son arrestation en Irak et sa condamnation à mort dans plusieurs pays désignés terre d’islam car “j’ai exprimé des propos de sympathie envers les juifs”.

1 heure. Je retrouve ma nièce qui m’attend dans mon lit. Son père est algérien. Je prends conscience qu’elle n’a pas le droit, en tant que juive, de se rendre chez ses grands-parents paternels musulmans qui vivent en Kabylie.

Je pense à Mona, à Aïcha, à Diaryatou et toutes ces femmes qui sont mes sœurs au quotidien, pas pour faire joli dans des discours, et je suis perdue face au refus d’une certaine gauche qui a tant changé depuis l’époque où elle m’a façonnée, face à son incapacité de nommer, le jour des droits des Femmes, l’islam radical et les traditions barbares qui représentent les plus grandes menaces pour elles dans le monde.

24 heures de ma vie de femme juive. Et laïque. Et sidérée.

*Les prénoms ont été modifiés

Sarah Barukh est une militante féministe

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