30 ans du Sidaction : “5 000 personnes découvrent encore leur séropositivité chaque année en France”

30 ans du Sidaction : “5 000 personnes découvrent encore leur séropositivité chaque année en France”

Ces 22, 23 et 24 mars se tenait la trentième édition du Sidaction, événement annuel de collecte de dons pour la lutte contre le VIH organisé par l’association du même nom. L’heure n’est cependant pas à la fête pour le Sidaction. Outre la légère baisse des dons observée ces dernières années, la lutte contre le VIH pâtit d’un désintérêt croissant et d’un manque d’informations des jeunes sur ce virus.

En témoigne une étude de l’Ifop parue en novembre dernier sur “les idées reçues des jeunes sur le sida”. “Les préjugés sur le VIH et les discriminations envers les personnes séropositives progressent de façon inquiétante : les indicateurs enregistrés sont les plus mauvais depuis la création du sondage en 2009”, alerte l’institut d’études.

Par exemple, un quart des jeunes (entre 15 et 24 ans) estime que le VIH peut se transmettre en s’asseyant sur un siège de toilettes publiques ou en buvant dans le verre d’une personne séropositive. Comment expliquer la persistance de ces idées reçues ? Sont-elles liées à la baisse des dons observée ces dernières années ? Entretien avec Florence Thune, directrice générale du Sidaction.

L’Express : Quelques heures avant la fin de la collecte du Sidaction, êtes-vous satisfaite de cette édition 2024 ?

Florence Thune : A ce stade, nous avons collecté 3,25 millions d’euros – un chiffre équivalent à celui de l’année dernière. Nous restons toutefois attentifs à la façon dont les dons vont évoluer d’ici la fin de la collecte. Je suis toujours impressionnée et admirative de voir que, malgré la conjoncture, l’inflation et l’actualité susceptible de rendre moins visible un événement comme le Sidaction, les dons se poursuivent.

Ces dernières années, le montant de la collecte s’élevait à 4 millions d’euros environ. C’est en légère baisse, notamment depuis la crise sanitaire. Notre action se maintient mais nous devons déployer plus d’efforts, à la fois pour communiquer autour du Sidaction, mais également pour rappeler des messages essentiels autour de la sensibilisation.

Etablissez-vous un lien entre cette légère baisse des dons, ces dernières années, et le manque de connaissances des jeunes concernant le VIH ?

Ce sont deux tendances parallèles qui peuvent éventuellement se nourrir. Indépendamment des enjeux de collecte, les personnes jeunes – et parfois, moins jeunes – peuvent considérer que ce n’est plus une priorité, qu’on en parle moins et que le VIH aurait disparu. J’aimerais leur donner raison mais c’est malheureusement contredit par les chiffres. Encore 5 000 personnes découvrent leur séropositivité chaque année [NDLR : en France].

La persistance de ces idées reçues et des mauvaises informations sur les modes de transmission du VIH peuvent alimenter un sentiment de protection naturelle contre ce virus. Le risque, c’est qu’on considère à nouveau que le VIH ne concerne que les autres.

Le désintérêt et le manque de connaissances des jeunes concernant le VIH sont-ils de plus en plus prégnants ?

Même si les indicateurs sont particulièrement inquiétants dans le dernier sondage Ifop, on note depuis plusieurs années un désintérêt et un manque d’informations. D’ailleurs, les deux vont ensemble. Cela s’explique notamment par le fait qu’on en parle moins en milieu scolaire. En mars 2023, avec le Planning familial et SOS homophobie, nous avons intenté une action contre l’Etat pour non-application de la loi de 2020 sur l’éducation à la sexualité.

Si les jeunes ont ces idées reçues, c’est qu’ils n’ont pas une information suffisante. Par ailleurs, ces idées sont alimentées par les réseaux sociaux, où l’on retrouve parfois des thèses complotistes selon lesquelles, par exemple, le VIH n’existe pas.

Selon le sondage de l’Ifop, 79 % des jeunes estiment avoir les connaissances suffisantes sur le VIH et, en parallèle, 30 % de cette catégorie de population pensent que le sida peut se transmettre en embrassant une personne séropositive. Comment expliquer ce paradoxe ?

Ces personnes qui pensent qu’on peut contracter le VIH en embrassant une personne séropositives pensent être bien informées. Cela relève d’une information qui est véhiculée par la peur irrationnelle que représente le sida depuis quatre décennies et qui n’évolue pas. Quand une personne est atteinte du VIH, son entourage cherche à savoir comment elle l’a attrapé. En comparaison, si quelqu’un est diabétique – une maladie chronique, comme le sida – personne ne cherche à savoir comment c’est arrivé.

Cela fait partie d’un imaginaire autour du VIH dont nous avons du mal à nous défaire, malgré les générations qui passent et les avancées scientifiques. Par ailleurs, cela peut provenir d’un manque de croyance en la science, notamment depuis la crise du Covid. Aujourd’hui, il faut savoir que les personnes sous traitement restent en bonne santé et n’ont aucun risque de transmission, y compris lors de relations sexuelles sans préservatif.

Au Sidaction, comment luttez-vous contre ces fausses croyances ?

Ces trois jours du Sidaction constituent une importante fenêtre de communication, mais c’est très court. On pense que le gouvernement devrait à nouveau lancer une campagne d’information au niveau national sur ce qu’est le VIH aujourd’hui. Cela permettrait d’inciter au dépistage et de lutter contre les idées reçues.

Au Canada, l’épidémie repart, comme le montrent les derniers chiffres [NDLR : le pays a connu une augmentation de 24,9 % des nouveaux cas de VIH en 2022 par rapport à 2021, selon la Fondation canadienne de recherche sur le sida]. C’est un signe d’alerte. Tant que l’épidémie ne sera pas contrôlée, il y a un risque de reprise y compris dans les pays “riches”.

Quelles sont les dernières avancées en termes de traitement contre le VIH ?

Jusqu’à présent, les traitements étaient pris au quotidien. Aujourd’hui, des solutions injectables tous les deux mois commencent à apparaître. L’idée, c’est de montrer qu’un traitement est efficace sur la durée et c’est l’un de nos enjeux majeurs en termes de financement pour les années à venir. A terme, pourquoi ne pas envisager un traitement qui soit efficace pour toute la durée de vie des personnes ? A défaut d’avoir un vaccin rapidement, ce traitement injectable est une piste très intéressante. La recherche continue de progresser, d’où notre combat qui ne s’arrête pas.

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