A Pau, la culture béarnaise au service de l’économie

A Pau, la culture béarnaise au service de l’économie

Et si la culture locale permettait de renforcer la compétitivité des entreprises ? Et si l’on remplaçait une journée de saut à l’élastique par un atelier de danse traditionnelle ? Cette idée un peu folle a été lancée voilà quelques mois par le Pays de Béarn, un pôle métropolitain présidé par François Bayrou, regroupant les intercommunalités de ce petit territoire pyrénéen. Et les premiers résultats ont dépassé toutes les espérances. “Nous sommes partis d’une intuition simple : ici, depuis toujours, la culture est une machine à cohésion. Nous avons pensé que ce principe qui fonctionne dans les villages pouvait être décliné dans les entreprises ou les collectivités”, explique Vincenç Javaloyès, le directeur de La Ciutat, un tiers-lieu qui met en valeur la langue et la culture locales.

L’analyse était séduisante. Encore fallait-il la valider. Alors, dans un premier temps, quatre expérimentations ont été lancées dans des structures différentes. Une entreprise de BTP, Despagnet, s’est essayée au jeu des quilles de neuf ; un espace d’animation économique, La Station, au chant polyphonique ; l’association Habitat jeunes formation, au conte. Quant à Gaz Systèmes, une jeune société d’une quinzaine de personnes composée pour l’essentiel de cadres et d’ingénieur, elle s’est confrontée aux sauts béarnais. “Au début, les collaborateurs étaient un peu dubitatifs, mais tous ou presque ont participé aux sessions organisées sur place, raconte Jean-Edouard de Cumont, son fondateur et PDG. Et l’impact sur notre cohésion a été positif. Sans doute aurions-nous pu obtenir un résultat similaire avec une autre activité, mais j’ai senti une plus grande implication de la part des salariés attachés à la culture régionale. Aujourd’hui, je recommande sans réserve cette expérience à d’autres entreprises.”

Mieux : ces stages améliorent non seulement l’esprit d’équipe, mais aussi les compétences individuelles comme la prise de parole et la confiance en soi. “Le chant polyphonique est une expérience très forte qui nous a apporté énormément. Chacun a dû se caler sur les autres et développer sa capacité d’écoute”, témoigne Stéphanie Philippe, de La Station.

“Sortir de la folklorisation”

Après le succès de la phase d’expérimentation, l’heure est désormais à la commercialisation de ce “produit” unique en son genre. Le nom initial, Biarnés Team Building, imbrication étrange d’occitan-gascon (biarnés = béarnais) et d’anglais managérial, cohabite désormais avec le très local Acampat (“rassemblé”) et le plus neutre “séminaire de cohésion d’équipe”. La méthode ? Dans un premier temps, le client reçoit les vidéos présentant les quatre activités. Son choix effectué, un atelier est organisé sur place avec un intervenant. In fine, les salariés appliquent leur nouveau savoir-faire lors d’une fête de village, un bar, un carnaval… “Si l’on commençait directement par l’immersion, les salariés resteraient spectateurs. Et si l’on se limitait aux ateliers, ils n’auraient pas l’occasion de vivre vraiment cette culture”, explique Vincenç Javaloyès.

Au-delà de l’économie, c’est bien sûr la survie de la culture régionale qui est recherchée. “Nous voulons la sortir de la folklorisation en la plaçant dans le monde du travail, là où on ne l’attend pas, souligne Marion Llorach, chargée de mission développement local au Pays de Béarn. Ce type d’opération permet aux habitants de se réapproprier des pratiques qu’ils connaissent peu et qui, ici comme ailleurs, se trouvent menacées par la standardisation.”

Cerise sur le gâteau : l’idée semble si bonne que même les Basques commencent à s’y intéresser. Ce qui, pour un Béarnais, vaut toutes les récompenses…

Un article du dossier spécial de L’Express “Ces villes qui font bouger la France”, paru dans l’hebdo du 4 avril.

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