Accès aux soins : la “dette de santé publique” qui pèse sur les hôpitaux  

Accès aux soins : la “dette de santé publique” qui pèse sur les hôpitaux  

La dette publique donne des frissons à Bercy. Celle de la santé fera-t-elle le même effet avenue de Ségur ? Dans son baromètre réalisé en partenariat avec FranceInfo et publié ce lundi 18 mars, la Fédération hospitalière française (FHF) fait l’inventaire des retards accumulés dans la prise en charge de nombreuses pathologies. Avec un point de rupture clairement identifié : la crise sanitaire du Covid-19 qui a fait chuter le nombre de séjours hospitaliers de 15,9 millions en 2019 à 13,9 millions en 2020.

“Le Covid a déstructuré les organisations médicales”, confirme au Parisien François Salachas, neurologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris. Problème : ces retards de prise en charge, qui selon la FHF “n’ont pas été purgés”, se traduisent par la multiplication de diagnostics tardifs. Pour nos confrères du Parisien, le maire de Reims, et directeur de la Fédération française hospitalière, Arnaud Robinet illustre : si un “patient atteint d’un diabète de type 2”, ne dispose pas de médecin traitant, ce dernier “risque de voir son cas s’aggraver jusqu’à nécessiter une amputation du pied”.

Diagnostics tardifs

Ainsi, tout en s’inquiétant de l’insuffisante prise en charge des “diabétiques de plus de 35 ans”, la FHF tire la sonnette d’alarme sur le retard pris sur la détection de certains cancers. “Le suivi d’un cancer en ville devient un parcours du combattant, et les chances de survie diminuent faute de bonne prise en charge”, alerte la porte-parole de France Assos Santé, Catherine Simonin interrogé par Le Parisien.

Mais d’après les résultats du baromètre publiés sur le site Internet de FranceInfo, les patients atteints d’autres pathologies ne sont pas mieux lotis. Depuis 2019, les consultations ont reculé de 11 % pour les maladies digestives, de 12 % pour les affections rhumatologiques, et de 13 % pour les maladies cardiovasculaires. Au total, plus de 3,5 millions de séjours ont été annulés ou reportés au cours des cinq dernières années.

Déserts médicaux et précarité financière

Un phénomène qui s’explique autant par la situation de tensions que connaît l’hôpital public, que par le renoncement de certains patients à se faire soigner. Et le constat “progresse de manière préoccupante”, s’inquiète le président de la Fédération hospitalière de France. D’après l’association qui réunit la plupart des établissements publics de santé français, plus de 60 % des Français ont déjà renoncé à au moins un acte de soin au cours des cinq dernières années.

Une difficulté d’accès aux services de santé accentuée par la précarité économique et matérielle. D’après la FHF, quatre Français sur dix auraient renoncé à se faire soigner en raison de difficultés financières. “Avoir une mutuelle devient une charge très lourde beaucoup de gens”, confirme à nos confrères du Parisien Philippe Froguel, diabétologue et endocrinologue au CHU de Lille. Raison pour laquelle 13 % des personnes sondées par l’institut Ipsos dans le cadre du baromètre, préfèrent se rendre aux urgences plutôt que d’avancer les frais d’une consultation.

Un temps d’attente multiplié par deux en cinq ans

La raréfaction de l’offre médicale, en particulier en milieu rural, est également pointée par la Fédération hospitalière française comme une des composantes de la “dette de santé”. On parle notamment de “déserts médicaux“, ces zones géographiques dépourvues de services médico-sociaux. Un fléau qui concernerait entre 9 % et 12 % de la population française – soit entre 6 et 8 millions de personnes – d’après un rapport sénatorial dressé en janvier 2020.

Pour les ruraux, “le temps d’accès aux soins reste généralement supérieur de 52 % à celui des urbains”, souligne le sondage d’opinion Ipsos réalisé pour la FHF. Ainsi, une personne habitant en dehors d’une grande ville attendra deux fois plus de temps qu’un citadin pour obtenir un rendez-vous chez l’ORL, par exemple. Et pour une consultation dans une maternité, la différence avoisine un tiers.

Les urgences en première ligne

Force est toutefois de constater que la pénurie de services de santé ne concerne pas seulement le monde rural. D’après le baromètre, cinq Français sur dix auraient renoncé à se faire soigner en raison du temps d’attente pour prendre un rendez-vous. Sur l’ensemble du territoire celui-ci aurait quasiment doublé en cinq ans. Et ce, “sur la majorité des spécialités”, souligne la Fédération hospitalière française. Un temps d’attente qui pousse de plus en plus de Français à se rendre aux urgences.

Parmi eux, 30 % disent ne pas avoir trouvé de rendez-vous chez un généraliste ou un spécialiste dans un délai acceptable. En outre, près d’une personne sur deux interrogée privilégie le choix de la proximité : les urgences de l’hôpital seraient plus proches de leur domicile que le cabinet médical le plus proche. Un constat d’autant plus inquiétant, que les hôpitaux peinent à gérer l’afflux de patients dans leurs services d’urgence. L’an dernier, le député LR des Hauts-de-Seine Philippe Juvin, également chef des urgences de l’hôpital Georges Pompidou à Paris, avait interpellé l’opinion publique en révélant que 100 à 150 personnes étaient décédées sur un brancard dans les hôpitaux français, sur un mois, faute de soins”. Des chiffres tirés de Samu-Urgence France, un syndicat de médecine d’urgence.

Plus récemment, Gilles Pialoux, chef de service des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Tenon à Paris a alerté dans L’Express sur le phénomène “d’embouteillage” au sein des urgences qui a donné naissance au “patient-brancard”. Ces patients ayant consulté dans les services des urgences, dont “la prise en charge médicale aux urgences est terminée et qui attendent, souvent dans des conditions précaires, qu’un lit se libère”, explique le professeur qui rappelle les données mises en lumière par une récente étude : “Une nuit passée sur un brancard augmente de 40 % le risque de mortalité des patients âgés.”

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