Affaire d’Outreau : ces documentaires qui tentent de s’approcher de la vérité

Affaire d’Outreau : ces documentaires qui tentent de s’approcher de la vérité

L’affaire d’Outreau a inspiré près d’une trentaine de livres en vingt ans, une demi-douzaine de documentaires et un “film de fiction”, Présumé coupable. Tiré du livre d’Alain Marécaux, l’huissier accusé avec sa femme de viols d’enfants, le film de Vincent Garenq raconte l’affaire, depuis l’irruption, à 6 heures du matin, au domicile des Marécaux, du juge Burgaud et des policiers qui viennent arrêter les époux, jusqu’à l’issue du second procès aux assises à l’issue duquel ils sont tous les deux acquittés après trente mois de prison, deux tentatives de suicide et une grève de la faim. Le film de Garenq, sorti en 2011, est sidérant, en partie grâce à la performance de Philippe Torreton qui, pour incarner Alain Marécaux, est allé jusqu’à maigrir de 27 kilos, ce qui lui a valu une dépression grave.

Il y a infiniment moins de professionnalisme dans le documentaire réalisé en 2013 par Serge Garde, professeur de français et d’histoire-géo à la retraite, émargeant comme journaliste à L’Humanité où il traite de faits divers, avec une préférence pour les affaires de pédophilie dont il n’a de cesse de dénoncer les ramifications secrètes. L’affaire d’Outreau correspond tout à fait à ses goûts. Et c’est tout naturellement que Serge Garde va aider Chérif Delay à écrire son livre Je suis debout. La phrase d’accroche sur la couverture du livre, “L’aîné des enfants d’Outreau sort du silence”, ferait sourire car du silence, Chérif Delay et sa mère Myriam Badaoui en sont sortis dès le départ, en accusant, en plus des époux Marécaux, une soixantaine d’autres personnes, également reconnues innocentes par la suite. Son livre n’ayant pas épuisé sa logorrhée, Chérif Delay a participé au documentaire de Serge Garde intitulé Outreau, l’autre vérité, qui fut pour lui, à 23 ans, une nouvelle occasion d’accuser tous ceux que ses affabulations avaient conduits en prison.

Aborder l’affaire d’une façon nouvelle

On serait presque apitoyé en l’entendant prétendre parler au nom “des petits enfants”, tous innocents calomniateurs, victimes en effet mais de leurs propres fantasmagories (aux viols ils ajoutèrent un meurtre, de la zoophilie et de la prostitution), et qui se sont rétractés les uns après les autres. Le calomniateur ne fait pas plus pitié que le juge Burgaud ne parvient à convaincre. Il est pourtant beaucoup plus à l’aise que lors de son audition devant la commission d’enquête parlementaire, sept ans plus tôt, sans doute parce qu’il se sent, face à la caméra de Serge Garde, en confiance, et même en bonne compagnie, celle des psychologues qui ont donné foi aux fables des enfants d’Outreau, et des magistrats ayant soutenu le juge Burgaud durant son instruction. On sort de là avec la conviction que le cinéma, qu’il soit documentaire ou de fiction, ne réussira jamais autre chose qu’à faire de bons ou de mauvais films. Rendre justice est un autre métier.

L’année dernière, une mini-série de quatre fois 52 minutes sobrement intitulée L’Affaire d’Outreau prétendait pourtant s’approcher de la vérité en abordant l’affaire d’une façon nouvelle. Les réalisateurs, Agnès Pizzini et Olivier Ayache-Vidal, posaient courageusement la question de la représentation du réel au cinéma en mêlant interviews, documents d’archives, reconstitutions et, grande originalité, le making-of de ces reconstitutions sur le plateau desquelles certains protagonistes de l’affaire étaient invités à intervenir pour éventuellement rétablir des vérités. Malheureusement, dans ce conflit des interprétations qui était mis en scène, l’affrontement n’a pas eu lieu, le mode narratif audacieux apportant plus de confusion qu’autre chose. La vérité sur l’affaire d’Outreau semblant plus que jamais se cogner au réel comme une bille dans un flipper.

La mini-série documentaire diffusée en ce moment sur Netflix, Outreau, un cauchemar français, réalisée par Camille Le Pomellec et Marika Mathieu, parvient à nous passionner tout au long des quatre fois 52 minutes. Elle constitue la pierre la plus solide d’un édifice qui n’est pas près d’être achevé.

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