Après Valdunes, MetEx et Ascometal : ce que ces dossiers révèlent de l’industrie française

Après Valdunes, MetEx et Ascometal : ce que ces dossiers révèlent de l’industrie française

Les cinq mois écoulés depuis son arrivée au poste de directeur général adjoint n’ont guère entamé l’admiration que porte Rudolph Hidalgo à la société de biochimie Metabolic Explorer – MetEx pour les intimes. “C’est une entreprise unique : elle est une des rares start-up en France à être passée à l’échelle industrielle. Dans son usine de Carling, elle dispose d’un savoir-faire unique au monde pour répondre à sa mission, qui consiste à développer des alternatives biosourcées au pétrole”, s’émerveille ce spécialiste du management de crise, intarissable sur l’ETI clermontoise de 450 salariés. Grâce au vaste site d’Amiens – acquis en 2021 auprès du groupe japonais Ajinomoto, pressé de s’en défaire –, MetEx a été propulsé au rang de dernier producteur de lysine d’Europe, s’enthousiasme encore le dirigeant. Jugé essentiel pour l’être humain, cet acide aminé est aussi utilisé dans la nourriture animale. Il entre par ailleurs dans la production de médicaments tels que l’aspirine. Et Rudolph Hidalgo de vanter, à chaque intervention dans la presse, “la contribution de MetEx à la souveraineté alimentaire et sanitaire” de la France et du Vieux Continent.

Sauf que depuis la fin du mois de mars, les usines d’Amiens (Somme) et de Carling (Moselle) sont placées en redressement judiciaire, et l’entreprise, en sauvegarde. Entre le premier semestre 2022 et celui de 2023, son chiffre d’affaires a fondu comme neige au soleil, passant de 129 millions à 69 millions d’euros. La faute est entièrement imputable à des “facteurs exogènes”, promet la direction : la hausse des prix de l’énergie d’abord, mais surtout celle du sucre, qui entre dans la composition de la lysine. Le tout alors que la concurrence chinoise casse les prix, comme elle l’a déjà fait dans le panneau solaire. “La Chine vend sa lysine autour de 1,50 euro le kilo, soit la moitié du prix de l’usine de MetEx”, confirme un bon connaisseur du secteur. Un niveau irrattrapable selon la direction, qui en appelle à l’Etat. Objectif : ouvrir des discussions avec les fabricants de sucre dans l’espoir de fixer un prix plus compétitif. “Les investisseurs que nous avons sollicités ont tous confirmé leur intérêt pour l’entreprise, sous réserve qu’une solution soit trouvée sur le sucre”, garantit le directeur général adjoint.

Stratégie du “donnant-donnant”

A peine le sauvetage du fabricant de roues de train Valdunes acté que ce nouveau dossier chaud a trouvé sa place sur les bureaux de Bercy. Et ce, pile au moment où se rouvre celui de l’aciériste Ascometal, placé en redressement judiciaire pour la troisième fois en l’espace de dix ans. De gros cailloux dans les chaussures de l’exécutif, très soucieux de soigner son bilan en matière industrielle et de démontrer sa contribution à la réindustrialisation du pays. Pris à partie par le sénateur socialiste Rémi Cardon sur le dossier MetEx, le ministre de l’Industrie a défendu bec et ongles les efforts déjà consentis. “L’entreprise a fait l’objet d’un certain nombre d’aides : un investissement de Bpifrance [NDLR : premier actionnaire de MetEx via le fonds SPI], un PGE, une subvention dans le cadre de France 2030. On ne peut pas dire que l’Etat n’a pas été au rendez-vous”, a martelé Roland Lescure à la fin du mois de mars au Sénat. Et d’égratigner les dirigeants de la société : “Malgré cela, parce que le sucre est payé trop cher par l’entreprise et pour des raisons de management et de gestion, l’entreprise n’a pas été au rendez-vous de la performance économique que l’on est tous en droit d’attendre”.

Comme pour chaque dossier de sauvetage, le gouvernement s’en tiendra à sa philosophie, fait-on valoir au sein de son cabinet. Des aides oui, mais à condition que la feuille de route et les repreneurs soient crédibles, et les parties prenantes pleinement investies dans le projet. La contribution à la souveraineté nationale est bien sûr scrutée de près. D’où l’empressement du ministre de l’Industrie à se rendre dès lundi 8 avril dans les locaux de MetEx à Amiens – la mobilisation d’une partie de la gauche derrière le député LFI François Ruffin n’y étant pas non plus étrangère… Pas question, en revanche, d’assortir des obligations de résultat aux aides octroyées. Reste à voir si le sauveur de Valdunes, le serial-repreneur Europlasma, et ceux qui lui succéderont au chevet d’entreprises en détresse, joueront tous le jeu du “donnant-donnant” si cher à Roland Lescure.

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