Assurance-chômage : Attal ou la tentative de transformer une mauvaise nouvelle en opportunité

Assurance-chômage : Attal ou la tentative de transformer une mauvaise nouvelle en opportunité

La première fois, tout était réglé comme du papier à musique. Le 5 décembre 2023, un organisme indépendant, l’OCDE, gifle la France pour ses résultats scolaires, via le classement Pisa. Gabriel Attal, alors ministre de l’Education, a anticipé : cela fait des semaines qu’il prépare son “choc des savoirs”. “Il ne faut pas juste encaisser, confiait-il. Dans la foulée, il doit y avoir un sursaut. J’ai donné huit semaines à la mission Exigence des savoirs, comme ça les mesures que j’annoncerai auront été concertées.” Le même jour, il présente donc dans une grande conférence de presse son plan d’action.

Mardi 26 mars, c’est au tour de l’Insee de gifler la France pour l’ampleur de son déficit, largement supérieur aux prévisions. Gabriel Attal, désormais Premier ministre, a anticipé : il a déjà programmé son 20 Heures sur TF1 depuis plusieurs jours. Avec toujours l’idée de faire du judo et de transformer une mauvaise nouvelle en opportunité politique. Sauf que l’effet de surprise ne fonctionne plus comme la première fois et, surtout, que le costume de Premier ministre ne ressemble pas du tout à un kimono.

Le choix du moment brouille en effet la réception du message, ainsi en est-il de la vie d’un chef de gouvernement. Gabriel Attal a annoncé mercredi soir 27 mars (pour son cinquième 20 Heures sur TF1 en moins de vingt mois) une nouvelle réforme de l’assurance-chômage en donnant forcément l’impression qu’elle répondait d’abord à des considérations financières, vu l’état des comptes publics. Ce n’est pas un hasard s’il avait laissé Bruno Le Maire participer à ce même journal de la première chaîne il y a quelques semaines, pour annoncer dix milliards d’économies, même si le Premier ministre a veillé à revendiquer hier ce rabotage : “J’ai pris une décision historique”. Mais sa priorité est autre : lui veut d’abord montrer à l’opinion qu’il réforme sur le fond.

En séminaire, quelques heures plus tôt, Gérald Darmanin avait été le premier à prendre la parole après les ministres concernés, pour mettre en garde contre une “jospinisation” de sinistre mémoire – de bons résultats en termes d’emplois et pourtant une élimination dès le premier tour de l’élection présidentielle, en 2022. D’autres ministres s’inquiètent de la tournure prise par les événements. “La bonne entrée sur la réforme de l’assurance chômage n’est pas budgétaire, on ne peut pas dire aux Français qu’on va réformer car on veut faire des économies”, note l’un d’eux.

Le slalom du judoka

Gabriel Attal veut construire une marque, qu’incarneraient quelques mots clés : une ligne claire, l’autorité (“J’ai décidé que l’État allait porter plainte pour diffamation contre l’élève qui a menacé le proviseur du lycée Maurice-Ravel”, a-t-il opportunément indiqué sur TF1), le devoir. Et aussi le travail, terme répété à longueur de phrases, et encore mercredi soir. Il a son théorème de l’abaya, une mesure rapide (“Je vous annonce, j’ai décidé”, disait-il le 27 août 2023), qui montre que le politique peut encore agir et qui frappe l’opinion – une mesure dont il considère qu’elle a plus fait pour répondre au délitement de la société que les 200 brigades qu’annonce et installe régulièrement sur le territoire français Gérald Darmanin.

Avec l’assurance chômage, le judoka doit slalomer : offrir le moins de prise possible aux syndicats avant les Jeux olympiques, mais mobiliser son électorat avant les européennes. C’est pourquoi cette réforme valorisant le travail est poussée en avant, quand celle de la fonction publique sera menée “à fond, mais après l’été”, dit-on à Matignon. Car le travail est aussi un moyen, estime Gabriel Attal, de mettre le RN en difficulté, tant les positions du parti de Marine Le Pen sont peu homogènes sur le sujet. On ne saurait reprocher à un Premier ministre de faire de la politique ; mais on pourrait lui en vouloir d’échouer en économie.

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