Atos lâché par Airbus : “Certaines entreprises ont intérêt à un démantèlement”

Atos lâché par Airbus : “Certaines entreprises ont intérêt à un démantèlement”

Décidément, tout va de travers. Airbus ne rachètera finalement pas les activités Big Data & Security (BDS) d’Atos. L’avionneur franco-allemand a annoncé ce mardi matin dans un communiqué laconique mettre fin aux discussions. Une déconvenue de plus pour le groupe de services informatiques au bilan fragile – plus de 2 milliards d’euros de dette nette à fin 2023. Il y a quelques semaines, la cession de sa branche de conseil Tech Foundations au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky avait elle aussi tourné court. En Bourse, la sanction a été à la mesure de la déception : l’action a dévissé de 19 % mardi. De son côté, Bercy confirme son intention de se mêler de l’affaire : dans un communiqué paru dans la soirée, le ministère prévient : “S’agissant des activités sensibles d’Atos, en particulier Big Data & Security, l’Etat construira dans les prochaines semaines une solution nationale de protection des activités stratégiques.”

Le fonds activiste Ciam était déjà monté au créneau sur ce dossier brûlant, dénonçant la mauvaise communication de la direction précédente. L’une de ses cofondatrices, Catherine Berjal, s’étonne de l’issue funeste des discussions avec Airbus. Et s’interroge sur les enjeux politiques de cette négociation avortée.

L’Express : Comment en est-on arrivé là ?

Catherine Berjal : Le projet de scission qu’avait porté l’ancien numéro un, Bertrand Meunier, n’était pas viable. Le président actuel, Jean-Pierre Mustier, a compris que les deux activités [NDLR : Tech Foundations dans l’infogérance et Eviden dans la cybersécurité et le cloud] étaient imbriquées. Il n’était pas d’accord pour faire le deal avec Daniel Kretinsky. Aucun des actionnaires qui se sont exprimés ne soutenait cette opération, en tout cas pas au prix annoncé. Il n’y avait guère que les banquiers d’affaires, Bertrand Meunier et certains membres du conseil pour la défendre. Ce dernier est parti il y a six mois. Le temps a joué contre Atos.

A quoi peut ressembler la suite ?

Le groupe va peut-être parvenir à vendre Syntel, sa branche américaine. Ses activités offshore [NDLR : les effectifs sont localisés dans des pays à bas coût, comme l’Inde] sont intéressantes pour Atos, mais à part ça, elle n’a pas la taille critique, elle est trop petite aux Etats-Unis. Syntel avait été achetée pour près de 3 milliards de dollars en 2018. Aujourd’hui, cette entité vaut évidemment moins. Elle avait été payée avec une prime de contrôle par Thierry Breton, alors PDG d’Atos, et cette activité gagne moins qu’auparavant.

La direction devait communiquer sur la valorisation de ses actifs demain, à l’occasion de la publication des comptes annuels, mais cette présentation a été reportée sine die. Atos vaut de l’argent, mais les mauvaises nouvelles s’accumulent. Les vendeurs à découvert [NDLR : investisseurs qui font le pari d’une baisse de l’action] ont intérêt à ce que le cours chute, et certaines entreprises ont intérêt à un démantèlement pour racheter des actifs à bas prix.

Comment expliquez-vous qu’Airbus abandonne les négociations en vue du rachat de BDS ?

Ce dernier rebondissement a été une surprise, car les discussions semblaient très bien engagées. Il y avait une question de prix, mais la fourchette de 1,5 à 1,8 milliard d’euros nous paraissait convenable. Si BDS avait été vendu à Airbus – encore une fois, nous étions plutôt optimistes sur ce sujet -, cela aurait renfloué les caisses d’Atos, et la machine pouvait repartir après une mauvaise passe. L’échec de cette négociation pourrait rejaillir sur Thierry Breton, qui brigue un mandat de président de la Commission européenne… Les Allemands d’Airbus étaient plutôt défavorables à cette opération et le contexte pré-élections européennes a sûrement joué aussi.

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