Attaque de l’Iran : entre Israël et des pays arabes, les dessous d’une improbable alliance

Attaque de l’Iran : entre Israël et des pays arabes, les dessous d’une improbable alliance

Il est presque minuit, le 13 avril, lorsque des centaines de drones iraniens font irruption dans l’espace aérien jordanien. Leur cible ? Israël, pays frontalier du royaume hachémite. Alertée par les Etats-Unis, l’aviation jordanienne prend en chasse les intrus. La plupart sont détruits. En s’impliquant aussi efficacement dans cette bataille, les Jordaniens ont directement participé à la défense d’Israël. Au grand dam d’une bonne partie de l’opinion arabe. “Les dirigeants arabes – tout particulièrement la monarchie jordanienne – sont accusés par leurs peuples de ne rien faire pour protéger les Gazaouis mais de tout faire pour protéger Israël”, constate, pour le déplorer, Fadi Quran, un politologue palestinien, sur X (ex-Twitter).

Malgré les critiques, la Jordanie assume. Son ministre des Affaires étrangères convoque même l’ambassadeur iranien pour lui reprocher l’intrusion d’aéronefs chargés d’explosifs dans l’espace aérien jordanien. “Tout ce qui représente une menace pour la Jordanie et la sécurité des Jordaniens, nous l’affrontons avec toutes nos capacités et nos compétences”, affirme-t-il, tout en appelant à la désescalade. Cette alliance stratégique avec Israël obéit à une double logique. Comme la plupart des Etats sunnites de la région, la Jordanie redoute d’abord et par-dessus tout la possibilité d’une domination chiite. Depuis de longues années, la République islamique tisse sa toile autour de la fragile monarchie. L’Iran dispose de puissantes milices à sa botte en Irak, en Syrie, au Sud-Liban et – beaucoup plus au Sud – au Yémen avec les Houthis. Téhéran organise en outre le trafic de stupéfiants et d’armes à la frontière jordano-syrienne. En janvier, l’armée jordanienne a mené une vaste opération pour démanteler ces réseaux. Le pouvoir a dénoncé l’implication du Hezbollah pro-iranien dans ces activités mafieuses.

En second lieu, les massacres du 7 octobre et la guerre à Gaza ont ravivé la crainte d’une déstabilisation du régime jordanien. Dirigé par une minorité hachémite qui détient les principaux leviers du pouvoir et du commandement militaire, le pays est constitué aux deux tiers de Palestiniens. Parmi eux, de fervents partisans du Hamas expriment bruyamment leur soutien aux islamistes de Gaza dans les rues d’Amman depuis le début la guerre. “Orchestrées par les Frères musulmans et le Hamas en coordination avec l’Iran, ces manifestations ont pour objectif de miner le pouvoir du roi Abdallah de Jordanie et de créer un nouveau front pour Israël”, explique Yoni Ben Menahem, analyste au JPCA, un centre de recherche à Jérusalem. Depuis le traité de paix de 1994, la Jordanie a toujours scrupuleusement respecté les accords sécuritaires avec Israël.

Coopération de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis

Le pays de la reine Rania n’est pas le seul Etat arabe à coopérer avec Jérusalem. L’armée américaine a indiqué que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis ont également apporté leur soutien à la destruction des drones et missiles iraniens en partageant des renseignements. Sur fond de menace iranienne, ces deux pays du Golfe ont entamé un rapprochement avec l’Etat hébreu depuis une dizaine d’années. En août 2020, les Emirats ont signé les accords d’Abraham, parrainés par Donald Trump. Aujourd’hui, ceux-ci produisent des fruits spectaculaires avec une explosion des échanges commerciaux et un renforcement de la coopération militaire.

En coulisse, les Saoudiens suivent le même chemin, le prince Mohammed ben Salmane ne cachant pas sa fascination pour la haute technologie et l’industrie d’armement de l’Etat hébreu. La normalisation entre les deux pays devait être formalisée fin octobre 2023… Malgré la guerre à Gaza, elle reste d’actualité. “Je ne vois aucune trahison des Palestiniens dans le fait que des pays arabes et Israël nouent une collaboration”, déclare l’analyste politique Ahmed Amleh sur la télévision israélienne en arabe Makan. “On voit bien ce que nous coûte le terrorisme financé par l’Iran avec les 30 000 morts de Gaza, ajoute-t-il. Les pays arabes et Israël coopèrent pour la stabilité régionale ; c’est dans l’intérêt de tout le monde.”

Paradoxalement, la coopération entre Israël et les pays arabes se renforce au moment même où l’image de l’Etat juif se dégrade à cause de la guerre à Gaza. Mais dans ces régimes autoritaires, la rue ne fait pas la loi. Et l’opinion publique ne pèse guère sur les décisions de politique étrangère des gouvernants.

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