Attentat de Moscou : l’EI-K, cette branche djihadiste qui menace aussi la France

Attentat de Moscou : l’EI-K, cette branche djihadiste qui menace aussi la France

Au moins 137 morts et 182 blessés. C’est le dernier bilan communiqué de l’attentat survenu vendredi soir à Moscou, au Crocus City Hall. Cette fusillade revendiquée dès vendredi soir par le groupe djihadiste Etat islamique (EI) n’est pas qu’un message sanglant adressé par l’EI à la Russie : cette attaque montre à l’ensemble de la communauté internationale qu’elle est vit aussi sous la menace.

Si la branche de l’organisation ayant commis l’attentat n’a pas été précisée, les regards des experts se tournent vers la section afghane de Daech, l’Etat islamique du Khorasan (EI-K), du nom historique d’une partie du sous-continent indien. L’EI-K, qui a été créé en Afghanistan par des émissaires de l’EI venus d’Irak et de Syrie, affronte les talibans au pouvoir dans ce pays.

Cette filiale de l’EI voit au-delà de l’Afghanistan. “L’EI-K s’est imposé comme la branche de l’EI la plus tournée vers l’international. Il a produit de la propagande dans plus de langues que n’importe quelle autre filiale depuis l’apogée du califat (autoproclamé) en Irak en Syrie”, analyse auprès de l’AFP Lucas Webber, cofondateur du site spécialisé Militant Wire.”Ils ont des liens très étroits avec la centrale, bien plus que les autres filiales” du groupe dans le monde et obtiennent les fonds dont ils ont besoin, assure de son côté à l’AFP Hans-Jakob Schindler, directeur de l’ONG Counter Extremism project (CEP) et ancien expert des Nations unies sur le terrorisme.

“Cette organisation menace la France”

Comme plusieurs Etats, la France s’inquiète de la menace que représente cette branche de l’EI. Dimanche soir, Gabriel Attal a annoncé “rehausser” le plan Vigipirate en France à son niveau le plus élevé à la suite de l’attaque de Moscou. “Compte tenu de la revendication de l’attentat par l’Etat islamique et des menaces qui pèsent sur notre pays, nous avons décidé de rehausser la posture Vigipirate à son niveau le plus élevé : urgence attentat”, a indiqué le Premier ministre sur le réseau social X à l’issue d’un conseil de défense à l’Elysée. Le plan Vigipirate avait été rétrogradé au niveau 2 (“sécurité renforcée – risque attentat”) en janvier dernier.

“La revendication de l’attentat de Moscou provient de l’État islamique au Khorasan. Or, cette organisation menace la France et a été impliquée dans plusieurs projets d’attentats récents déjoués dans plusieurs pays d’Europe, dont l’Allemagne et la France”, a précisé Matignon à l’AFP. Ce lundi, Emmanuel Macron a révélé que cette branche du groupe djihadiste Etat islamique “impliquée” dans l’attaque de Moscou “avait conduit ces derniers mois plusieurs tentatives” sur le “sol” français. “Et donc, compte tenu de ses ramifications et de ses intentions, par mesure de précaution mais avec des éléments crédibles et solides”, il a “décidé de hausser la posture de Vigipirate”.

En novembre 2022, un ressortissant tadjik et un Tchétchène qui venaient d’entrer en France avaient été interpellés à Strasbourg. Comme le rappelle Mediapart, ils étaient manipulés à distance par un membre de l’État islamique du Khorasan.

“La France n’a jamais cessé d’être une cible”

“La France n’a jamais cessé d’être une cible de l’Etat islamique. Elle fait partie des cibles prioritaires de l’Etat islamique”, indique sur RMC Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste du djihadisme. “Plusieurs attentats ont été déjoués en Europe et France avec des ressortissants des anciennes républiques soviétiques missionnés par cette branche de l’EI”, poursuit-il. Wassim Nasr estime par ailleurs que les prochains Jeux olympiques, à Paris cet été, un événement international, sont “évidemment une cible potentielle”, même si la police, la gendarmerie et les renseignements français “seront prêts”, a tenu à rassurer lundi le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin.

“Les menaces sont prises au sérieux depuis plusieurs mois par la France. Ce qu’il s’est passé à Moscou a permis de rendre visible ce qui était un élément de préoccupation majeur des services de renseignement”, indique à BFMTV Alain Bauer, professeur de criminologie au CNAM.

Alors que, ces dernières années, le gouvernement et les services de renseignement français insistaient sur une menace endogène de plus en plus jeune et peu qualifiée, un haut cadre de la DGSI rencontré par Mediapart fin 2023 évoquait “une nouvelle tendance” : le retour de la menace projetée depuis l’extérieur, telle que la France l’avait connue lors des attentats du 13-Novembre.

Selon une enquête de l’AFP publiée en décembre 2017, de nombreux Français avaient rejoint l’État islamique du Khorasan dès la fin de l’année 2017. Les pertes territoriales de Daech, en Irak comme en Syrie, avaient à l’époque entraîné un afflux de combattants en direction de l’Asie Centrale. D’après un rapport de l’ONU daté de février 2022, qui se base sur plusieurs États membres, “les effectifs de l’État islamique d’Iraq et du Levant-Khorasan (EIIL-K) seraient passés de 2200, d’après les estimations précédentes, à près de 4000, à la suite de la libération de plusieurs milliers de prisonniers”. En outre, selon un État membre, l’EIIL-K “serait composé pour près de moitié de combattants terroristes étrangers.”

L’Allemagne elle aussi menacée

L’EI-K est donc depuis longtemps dans le viseur des polices et services de renseignement occidentaux. La menace pèse sur plusieurs pays européens. Les autorités allemandes ont arrêté le 19 mars deux djihadistes afghans présumés soupçonnés d’avoir préparé un attentat près du parlement suédois, dans un contexte de menace terroriste élevée dans le pays scandinave après les autodafés de Coran. L’un d’eux aurait rejoint l’EI-K depuis l’Allemagne. Plusieurs réseaux ont été démantelés auparavant en Europe, notamment un premier réseau russo-tadjik en Allemagne en 2020. D’autres avaient subi le même sort en 2022 et 2023.

En juillet 2023, rappelle Le Monde, les polices allemande, néerlandaise et belge ont arrêté les membres d’un groupe terroriste projetant, selon le parquet de Karlsruhe (Bade-Wurtemberg), des actions “à forte visibilité” en Allemagne. Tous ces membres originaires d’Asie centrale – Turkménistan, Tadjikistan et Kirghizistan -, étaient, d’après la justice, en contact avec des cadres de l’EI-K.

Par ailleurs, depuis la fin de l’année 2023, plusieurs opérations extérieures menées par la province du Khorasan ont été déjouées en Inde, en Iran, en Allemagne, en Autriche, en Espagne, aux Maldives, au Qatar, en Turquie et au Kirghizistan, rappelle Mediapart, démontrant, malgré leur échec, la volonté de l’EI-K de s’internationaliser.

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