Biden – Netanyahou, une relation qui se délite : récit en 5 actes

Biden – Netanyahou, une relation qui se délite : récit en 5 actes

Le fossé entre le président américain et son homologue israélien semble se creuser un peu plus chaque jour. Joe Biden, qui a soutenu Tel-Aviv de manière quasi-inconditionnelle depuis l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre, s’éloigne de plus en plus ostensiblement de Benyamin Netanyahou. Les deux chefs de l’Etat se sont parlé pour la dernière fois le 15 février. Depuis, Joe Biden ne cesse de hausser le ton à l’égard de son homologue concernant l’aide humanitaire ou un possible cessez-le-feu…

Cette évolution peut aussi s’expliquer par un contexte national : à quelques mois des élections américaines, prévues en novembre 2024, sa fermeté à l’égard de Netanyahou pourrait lui faire gagner quelques voix, alors que son soutien à la politique menée par Israël est de plus en plus critiqué.

Un calcul électoral qui ne devrait pas affecter les milliards de dollars d’aide militaire américaine à Israël – une nouvelle enveloppe de 14 milliards (dont 10,6 en armement) est à l’examen au Congrès. À croire que Joe Biden a du mal à trouver un point d’équilibre entre son soutien à Israël et son hostilité vis-à-vis de Benyamin Netanyahou. Retour sur leurs dernières passes d’armes.

Acte I : Biden dénonce des “bombardements indiscriminés”

Mardi 12 décembre 2023. Joe Biden affiche pour la première fois ses divergences avec l’exécutif israélien, déclarant qu’il s’agit du “gouvernement le plus conservateur de l’histoire d’Israël.” Celui qui brigue un second mandat affirme que, contrairement à Washington, le gouvernement israélien” ne (veut) pas d’une solution à deux Etats” avec les Palestiniens, et demande au Premier ministre Benyamin Netanyahou de “changer” son gouvernement.

Deux jours plus tard, le président américain dénonce publiquement les “bombardements indiscriminés” menés dans la bande de Gaza par l’armée israélienne. Une expression qui n’avait jusqu’alors jamais été employée, preuve de l’érosion du soutien international initialement accordé à l’Etat hébreu. “Nous n’avons pas besoin des Américains pour comprendre que nous voulons limiter les pertes” civiles, réplique un haut gradé israélien lors d’une discussion avec quelques journalistes, dont un de l’AFP.

Acte II : Biden critique la riposte “excessive” d’Israël

Jeudi 8 février 2024, Joe Biden va plus loin. Lors d’un échange avec des journalistes à la Maison Blanche, il juge la riposte d’Israël “excessive” à Gaza. Le chef de l’Etat avertit le même jour d’un “désastre” à Rafah. Mardi 5 mars, Joe Biden réitère son appel au “cessez-le-feu” à Gaza avant le début du ramadan, tout en maintenant la pression sur Israël pour faire entrer plus d’aide humanitaire dans l’enclave menacée de famine. Il prévient : la situation pourrait devenir “très dangereuse” en Israël et particulièrement à Jérusalem si les hostilités continuaient pendant le mois saint de l’islam.

Acte III : L’aide humanitaire n’est pas “une monnaie d’échange”

Trois jours plus tard, Joe Biden demande à son allié l’acheminement de plus d’aide humanitaire. Pour lui, cette dernière “ne peut être une considération secondaire ni une monnaie d’échange”. Par ailleurs, le président est surpris en train de dire qu’il aurait une discussion franche avec le Premier ministre israélien sur la guerre à Gaza. “Je lui ai dit, Bibi, il va bien falloir que tu te le rentres dans la tête”, a glissé Joe Biden lors d’un aparté avec un sénateur et Antony Blinken, en utilisant le surnom du Premier ministre israélien. Réalisant qu’un micro capte cet échange informel, le président américain, loin d’apparaître contrarié, dit : “C’est bien.”

Autre signe de prise de distance : au même moment, Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien, est invité à Washington. Le centriste, grand rival du Premier ministre Benyamin Netanyahou, n’a pas rencontré Joe Biden mais il voit le 5 mars son conseiller à la sécurité nationale, Jake Sullivan, ainsi que la vice-présidente, Kamala Harris. Cette dernière lui fait part de sa “profonde inquiétude ” face à la crise humanitaire à Gaza.

Acte IV : Netanyahou “fait plus de mal que de bien à Israël”

La tension monte encore d’un cran samedi 9 mars. Le président américain affirme que Benyamin Netanyahou “fait plus de mal que de bien à Israël” par sa conduite de la guerre à Gaza. Le locataire de la Maison-Blanche tient également des propos ambigus sur la question d’une “ligne rouge” que fixeraient les Américains. “Il a le droit de défendre Israël, le droit de continuer à attaquer le Hamas. Mais il faut qu’il fasse plus attention aux vies innocentes perdues à cause des actions entreprises”, réclame Joe Biden dans un entretien avec la chaîne MSNBC, en ajoutant : “A mon avis, il fait plus de mal que de bien à Israël.”

Sans attendre, Benyamin Netanyahou réagit à la critique américaine. Il répond que son homologue a “tort”, dans une interview accordée le lendemain au journal Politico. “Je ne sais pas exactement ce que le président voulait dire, mais s’il entendait par là que je mène une politique personnelle contre le souhait de la majorité des Israéliens, et que je vais contre les intérêts d’Israël, alors il a tort sur les deux points”, rétorque le Premier ministre israélien. Dans la foulée, il réaffirme sa détermination à attaquer la ville surpeuplée de Rafah contre l’avis des Etats-Unis.

Acte V : Un sénateur charge Netanyahou, Biden salue son “remarquable discours”

Joe Biden salue, vendredi 15 mars, le “bon discours” prononcé la veille par le chef des sénateurs démocrates, Chuck Schumer, qui s’est montré très critique envers le Premier ministre Benyamin Netanyahou. “Il a fait un bon discours et je pense qu’il a exprimé des préoccupations importantes, qui ne sont pas seulement les siennes mais qui sont partagées par de nombreux Américains,” applaudit le président à propos de cette intervention de Chuck Schumer, personnalité juive la plus haut placée du pouvoir législatif américain.

Le sénateur avait estimé la veille que “de nouvelles élections étaient la seule manière de permettre la tenue d’un processus décisionnel sain” sur l’avenir du pays, en jugeant que “le Premier ministre Netanyahou (s’est) égaré, laissant sa survie politique passer avant l’intérêt supérieur d’Israël”. Une façon pour le président américain de dire qu’il ne serait pas contre un changement d’interlocuteur.

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