BlackRock séduit par la France : “Nous avons investi 232 milliards d’euros”

BlackRock séduit par la France : “Nous avons investi 232 milliards d’euros”

Avec 10 000 milliards de dollars d’encours, BlacRrock domine la gestion d’actifs au niveau mondial. Le groupe de Larry Fink, qui gère les pensions de retraite de 35 millions d’Américains, a un pied en France depuis 18 ans. Des investissements considérables ont déjà été réalisés, en actions du CAC 40 mais aussi dans les PME tricolores – comme Renner Energies, dans le solaire -, les infrastructures, l’immobilier. Le marché français offre de nombreux atouts, affirme Estelle Castres, la responsable de BlackRock dans l’Hexagone.

L’Express : Il y a eu beaucoup de fantasmes en France sur BlackRock et son influence sur la finance mondiale. Concrètement, que faites-vous ?

Estelle Castres : BlackRock est une société de gestion. Nous gérons l’argent de nos clients qui sont très divers : des institutionnels comme des entreprises, des assureurs, des fonds de pension, mais aussi des banques privées et des distributeurs comme des banques de réseau ou des plateformes digitales. Nous ne proposons pas nos produits en direct aux clients particuliers, mais toujours au travers d’intermédiaires comme les réseaux de distribution, par exemple BoursoBank en France.

Notre offre s’appuie sur une plateforme technologique intégrée qui permet d’aller au-delà de la simple mise à disposition d’un produit mais accompagne aussi nos clients dans leurs besoins d’investissement, la gestion de leurs risques et la construction de leurs portefeuilles pour le long terme. Cette vision longue nous a permis d’être innovants et pionniers sur de nombreux sujets avec pour but constant de démocratiser l’épargne financière. C’est le cas par exemple de l’investissement dans les infrastructures, y compris renouvelables, depuis plus de dix ans. Il y a 20 ans, nous avons lancé le premier ETF sur l’or, et au début de cette année, aux Etats-Unis, celui sur le bitcoin, ainsi que les ETF obligataires datés en Europe [NDLR : les ETF, aussi appelés fonds indiciels cotés, permettent à leur détenteur de suivre à moindre coût l’évolution du cours d’un actif, d’un indice boursier…].

BlackRock est d’ailleurs surtout connu pour ses ETF, mais votre périmètre d’action est plus large.

Oui, sur les marchés actions par exemple, nous investissons selon la composition d’un indice pour suivre ses variations, mais aussi, selon nos convictions sur telle ou telle entreprise – on parle de gestion active. Par exemple, lorsqu’on dit que BlackRock détient 2,3 % du CAC 40, il faut comprendre que ce sont les clients qui ont confié leur argent à BlackRock qui détiennent 2,3 % de l’indice parisien, que ce soit au travers de nos ETF ou de nos fonds de gestion active. Nous investissons aussi pour le compte de nos clients dans les “marchés privés”, c’est-à-dire directement dans des actifs non cotés – en capital ou en dette privée- comme les PME, les ETI, les infrastructures, l’immobilier.

Quelles sont vos positions en France ?

Nous sommes présents depuis 18 ans ! Nos encours ont fortement progressé sous l’effet de la multiplication du nombre de nos clients et du développement de nos activités. Les équipes de BlackRock sont passées de 50 en 2018 à 230 aujourd’hui. Nous gérons plus de 41 milliards d’euros pour le compte de clients français, mais les montants investis par BlackRock dans l’Hexagone pour le compte de ses clients internationaux sont presque six fois plus importants, de l’ordre de 232 milliards d’euros tout confondu : grandes capitalisations, dette souveraine, capital-investissement avec des participations dans des entreprises de taille intermédiaire, dette d’entreprise, projets d’infrastructures. Nous prévoyons de continuer à investir dans l’économie française et d’y apporter localement notre expertise globale.

Qu’est-ce qui motive l’intérêt de BlackRock pour notre pays ?

Nous apprécions la vitalité des écosystèmes. La France comptait à peine trois licornes il y a 7-8 ans, elles sont aujourd’hui une trentaine. L’initiative Tibi [NDLR : plan gouvernemental imaginé par l’économiste Philippe Tibi en vue de mobiliser l’épargne des investisseurs institutionnels notamment en faveur de la tech en France] a créé un vrai dynamisme. Le contexte français est aussi porteur pour nos investissements dans les infrastructures énergétiques, le solaire, l’éolien, les réseaux de chaleur “verts”, le déploiement de bornes de recharge rapides électriques… Nos clients du monde entier veulent accélérer leurs investissements dans la transition énergétique et nous trouvons en France des projets pour répondre à cette demande.

Il y a aussi de très bonnes écoles, un vivier de talents. Nous parvenons à y trouver des profils très pointus, alliant technologie et expertise des marchés privés, ce qui n’est pas évident. La France abrite trois centres d’excellence pour BlackRock, dans les marchés privés, la technologie et l’investissement durable.

La transition énergétique est un de vos thèmes d’investissement privilégiés. Vous présentiez aujourd’hui une opération emblématique, celle de l’entreprise Renner Energies, dans l’industrie solaire.

C’est un secteur où les besoins sont considérables. Selon le BlackRock Investment Institute [NDLR : organe de réflexion du groupe], l’investissement dans le système énergétique mondial devrait doubler à 4 000 milliards de dollars par an d’ici à 2050, les sources d’énergie bas carbone représentant 70 % du mix d’énergie total à cet horizon.

Dans les énergies renouvelables, nous avions commencé historiquement à financer des projets pour les développer puis les revendre. Aujourd’hui, nous sommes positionnés sur l’ensemble de la chaîne de valeur, depuis le lancement du projet, jusqu’à sa construction et à sa gestion. Nous avons considéré que cela avait du sens d’investir directement dans les entreprises afin de faciliter le déploiement des projets de Renner Energies, et c’est ainsi que nous avons acquis cette entreprise via l’un de nos fonds d’infrastructure renouvelable. Cela a permis à la société d’accélérer son développement. Jusqu’alors, elle devait revendre les projets sitôt développés pour en lancer d’autres. Désormais, elle est en mesure d’en mener davantage de front, puis de les exploiter en les gardant à son bilan. Depuis l’entrée de notre fonds au capital de Renner Energies, elle s’est diversifiée de l’éolien vers le solaire, elle a multiplié le nombre de ses projets par trois et ses effectifs par deux. Elle a aujourd’hui une soixantaine de projets solaires en cours de développement et une trentaine dans l’éolien.

Quels sont les autres secteurs qui vous intéressent ?

Nous investissons dans les secteurs influencés par ce que nous appelons les “méga-forces”, ces tendances structurelles qui redessinent l’économie mondiale, comme l’intelligence artificielle ou les changements démographiques. Dans le capital-investissement, nous investissons notamment dans la technologie, l’IA ou la santé. Nous détenons de belles licornes ou futures licornes au sein de nos portefeuilles, à l’image d’une participation dans ContentSquare, spécialiste de l’expérience client digitale (sites Internet, chatbot…). En dette privée, nous finançons des entreprises de la French Tech, comme Brevo, dans le marketing digital. Nous ne sommes pas là pour faire des “coups”, notre horizon est de 5, 10 ans, voire davantage dans les infrastructures.

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