Colère des agriculteurs : qu’est-ce que le thiaclopride, ce pesticide ciblé par Attal ?

Colère des agriculteurs : qu’est-ce que le thiaclopride, ce pesticide ciblé par Attal ?

C’est l’une des nombreuses mesures annoncées jeudi lors d’une conférence de presse à Matignon. Gabriel Attal a indiqué qu’il allait prendre “sans délai” une “clause de sauvegarde” afin d’empêcher l’importation en France de fruits et légumes traités avec le pesticide thiaclopride, un produit interdit en Europe.

Cette décision représente, selon le Premier ministre, un exemple de “clause de sauvegarde” ou de “mesure miroir” – un mécanisme qui impose aux produits importés de respecter les mêmes règles que celles imposées aux agriculteurs européens -, que la France peut prendre pour éviter “la concurrence déloyale”.

Disponibles depuis le milieu des années 1990, des produits neurotoxiques comme le thiaclopride sont des insecticides couramment utilisés dans le monde. Le thiaclopride, une substance accusée de participer au déclin massif des colonies d’abeilles et autres pollinisateurs, est interdit en France depuis le 1er septembre 2018, comme d’autres produits à base de néonicotinoïdes.

Mais ce produit n’avait jusqu’à présent pas totalement disparu. Si un agriculteur issu d’un pays hors UE l’utilisait dans ses champs, les produits qu’il exportait en France ne faisaient en effet pas l’objet d’une interdiction. Cette situation de concurrence déloyale a été dénoncée par de nombreux d’agriculteurs, dont la colère s’est exprimée en France ces derniers jours.

Un potentiel perturbateur endocrinien

Le thiaclopride fait partie d’une famille d’insecticides souvent décrits comme des “tueurs d’abeilles”, les néonicotinoïdes. C’est un produit développé par la firme Bayer, sous les noms de “Calypso” et “Biscaya”. Il permet entre autres de lutter contre les pucerons et les doryphores, deux insectes qui s’attaquent aux cultures de colza, de maïs, de betteraves et de pommes de terre, rappelle Le Figaro.

Le 22 octobre 2019, l’Union européenne avait indiqué qu’elle n’entendait pas renouveler l’autorisation du thiaclopride, dont la licence expirait en avril 2020. La substance est donc proscrite pour tout usage agricole dans les pays membres de l’UE depuis 2020. Le thiaclopride, tout comme la clothianidine et le thiaméthoxame, a été classé comme “perturbateur endocrinien suspecté” par la Commission Européenne. Il est classé reprotoxique de catégorie 1B pour ses effets sur la fonction sexuelle et la fertilité.

En janvier 2019, l’Efsa, l’agence européenne pour la sécurité des aliments, avait émis un avis défavorable et estimé que le thiaclopride “ne devrait pas satisfaire aux critères d’approbation”, selon un porte-parole de l’agence. Ses propriétés de perturbateur endocrinien en avaient déjà fait un “candidat à la substitution”, c’est-à-dire un pesticide pour lequel les autorités nationales doivent faire une évaluation pour établir si des alternatives – y compris des méthodes non chimiques – existent, rappelait alors la Commission européenne. L’Efsa avait notamment souligné un problème de “concentration dans les eaux souterraines”, identifié “comme un sujet de préoccupation”.

Les pesticides en France

Un produit suspecté d’être cancérogène

Dans un avis daté du 7 novembre 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait estimé “qu’au regard des caractéristiques de danger du thiaclopride, des éléments sur les expositions croissantes et les incertitudes, il est souhaitable de réduire au maximum les usages pour les produits à base de cette substance dès 2018”.

L’Anses rappelait que le thiaclopride a été classé en mai 2017 comme cancérogène de catégorie 2, c’est-à-dire une substance suspectée d’être cancérogène pour l’Homme, à la suite d’une proposition du comité d’évaluation des risques de l’Agence européenne des produits chimiques.

En outre, le thiaclopride a entraîné des tumeurs utérines malignes et des tumeurs thyroïdiennes bénignes chez le rat ainsi que des tumeurs ovariennes bénignes chez la souris. De plus, dans des études chez le rat, on a observé des dystocies et des effets sur le développement embryo-fœtal.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *