Colère des agriculteurs : “Une exemption de la taxe sur le GNR ne serait pas une bonne idée”

Colère des agriculteurs : “Une exemption de la taxe sur le GNR ne serait pas une bonne idée”

Alors que certains agriculteurs réclament une baisse du gazole nonroutier (GNR), toutes les études indiquent qu’il faut cesser de subventionner certaines catégories professionnelles dans leur consommation d’énergies fossiles, insiste l’économiste Christian Gollier. Ce qui n’empêche pas de les aider à travers d’autres mécanismes.

L’Express : La fin progressive d’une partie de la niche fiscale sur le GNR inquiète les agriculteurs. Le gouvernement doit-il rester ferme ?

Christian Gollier : C’est la meilleure option. Effectivement, il existe des agriculteurs qui ne gagnent pas beaucoup d’argent et pour lesquels chaque centime compte. Mais ce n’est certainement pas une bonne idée de soutenir le revenu de ces personnes en difficulté en leur offrant une exemption des taxes carbone que les autres Français payent. Je rappelle quand même qu’en 2019, lors du mouvement des gilets jaunes, l’une des sources de révolte provenait du fait que certaines catégories de professions étaient exemptées de cette taxe, comme les taxis, les camionneurs, les pêcheurs ou les agriculteurs. Il était insupportable pour les manifestants de voir d’autres citoyens passer entre les gouttes.

Les économistes pensent également que ces différences de traitement constituent une erreur. Depuis plusieurs années, tous les rapports publiés en France et dans le monde montrent qu’il faut arrêter de subventionner les produits fossiles pour certaines catégories de population. En revanche, rien n’empêche ensuite d’aider financièrement les personnes plus en difficulté, avec les recettes fiscales issues de la taxe carbone. L’essentiel, c’est que l’aide ne dépende plus du volume de carburant consommé.

Rester ferme sur le GNR, c’est aussi éviter de voir les revendications faire tache d’huile ?

Absolument ! Si l’on exempte les agriculteurs, pourquoi pas demain les plombiers, et ensuite une autre partie de la population ? L’autre problème de la situation actuelle, c’est que les grandes exploitations agricoles profitent aussi de la ristourne alors qu’elles n’ont pas de difficultés financières. Tout cela rappelle le bouclier tarifaire conçu en 2022-2023 pour empêcher les ménages les plus modestes de trop souffrir de la hausse des prix de l’énergie. Finalement, ce dispositif a surtout bénéficié aux grands consommateurs d’essence et de gaz.

Cette absence totale de ciblage est une absurdité. Elle coûte beaucoup d’argent public. Enfin, rappelons une évidence : si le gouvernement décidait d’exempter les agriculteurs de cette taxe carbone, ce serait dommageable d’un point de vue du climat. Les efforts doivent être partagés. Instaurer un mécanisme efficace de réduction des émissions de CO2, c’est un effort de tous les jours. C’est comme un château de cartes : si vous retirez un élément, tout s’effondre. Il faut donc de la justice et de la transparence.

Les efforts doivent être partagés par tous, mais les Français, d’une manière générale, sont-ils prêts à cela ?

Effectivement, la population n’a pas encore totalement pris conscience que pour réduire de 55 % les émissions de CO2 d’ici à 2030, il va falloir faire des efforts et des sacrifices, qui ne sont pas marginaux. Lorsqu’ils regardent la situation des agriculteurs, à qui on demande de plus en plus d’efforts, beaucoup se disent scandalisés. Mais ils ne réalisent pas les changements qui se préparent et qui les concernent. Au niveau européen, par exemple, l’ajustement de la taxe carbone aux frontières aura sans doute un effet inflationniste.

Par ailleurs, en 2027, le système de permis d’émissions de CO2, auquel se soumettent déjà les entreprises du secteur de l’énergie, s’étendra aux transports et à la mobilité. Par ricochet, il se répercutera sur le coût de l’essence, du fioul domestique ou du gaz naturel pour le chauffage. Pour l’heure, on cache encore aux Français les vrais coûts de la transition.

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