Comment sortir l’ONU de la paralysie ? Trois idées pour rendre l’organisation plus efficace

Comment sortir l’ONU de la paralysie ? Trois idées pour rendre l’organisation plus efficace

Réformer l’ONU ? Une idée aussi vieille que l’institution ! En octobre 1947, deux ans à peine après sa création, le Sénat américain suggère déjà de corriger ses dysfonctionnements. En 2005, le secrétaire général Kofi Annan propose de “revitaliser l’ONU”. Et Antonio Guterres, à son tour, a de grandes ambitions pour son Sommet de l’avenir, en septembre prochain. Serpent de mer, le grand soir onusien n’est pas près d’arriver. Ce qui n’empêche pas de réfléchir à des pistes d’amélioration.

Elargir le Conseil de sécurité

A New York, tout le monde est – à peu près – d’accord : le Conseil de sécurité doit évoluer. Guy Ryder, le n° 2 de l’ONU, le dit lui-même à L’Express : “Sa composition et son mode de fonctionnement sont fondés sur la géopolitique de 1945, mais cette architecture ne reflète pas la réalité des rapports de puissance actuels”. Pour rappel, le “P5” compte cinq membres permanents et dix non-permanents, renouvelés tous les deux ans. Si la France et le Royaume-Uni sont prêts à agrandir le cénacle (avec l’entrée au P5 d’un représentant africain, mais aussi de l’Allemagne, du Brésil, de l’Inde et du Japon), la Chine y est farouchement opposée.

Impliquer le Sud

“Il faut reprendre le chantier de l’élargissement du Conseil de sécurité. Mais aussi, plus globalement, étendre le dialogue Nord-Sud aux questions de sécurité, dans l’enceinte de l’ONU. Actuellement, on est dans une situation malsaine où les grands pays du Sud reprochent aux Occidentaux l’inefficacité du règlement des crises, mais sans prendre eux-mêmes leurs responsabilités. Cela permettrait de les impliquer davantage”, insiste l’ancien ambassadeur Michel Duclos, conseiller à l’institut Montaigne.

Mais agrandir le club des membres permanents du Conseil de sécurité relève quasiment de la mission impossible, au vu des blocages institutionnels et politiques. “Le Conseil de sécurité est impossible à réformer. Pourquoi ? Parce qu’il faudrait une majorité des deux tiers à l’Assemblée générale et l’accord du Conseil de sécurité lui-même, pose Bruno Tertrais, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique. Il faut donc vivre avec ce système extrêmement imparfait.”

Le veto, une soupape de sécurité

De fait, “le Conseil de sécurité n’est pas totalement paralysé, tempère Alexandra Novosseloff, chercheure associée au Centre Thucydide (université Paris-Panthéon-Assas). Il adopte quand même une cinquantaine de résolutions par an. Rien à voir avec l’époque de la guerre froide !” En réalité, le problème tient surtout au droit de veto, utilisé de façon effrénée par les Russes et les Américains. Le supprimer purement et simplement, comme le suggère à L’Express José Ramos-Horta, président du Timor ? Pas si simple. “Le veto est une soupape de sécurité, elle permet de garder les grandes puissances au sein du système et d’éviter qu’elles ne se fassent la guerre”, estime Alexandra Novosseloff. La solution pourrait être de le rendre plus compliqué à exercer. C’est le sens d’une décision adoptée en avril 2022, qui stipule que chaque membre recourant au veto devra désormais le justifier dans les dix jours devant l’Assemblée générale. Bonne idée. Seul problème, cette résolution n’est pas contraignante…

Repenser le système financier mondial

Prendre davantage en compte les intérêts des pays émergents, écrasés par le poids de la dette, permettrait aux grandes puissances – notamment occidentales – de réduire la fracture avec le “Sud global”. L’ONU en est consciente. “Nous avons proposé toute une série d’actions allant des processus de gouvernance au sein des institutions financières aux questions portant sur la liquidité et les droits de tirage spéciaux [NDLR : unité de compte du FMI], relate Guy Ryder. Elles abordent également la question du traitement de la dette. Il est alarmant de constater que de nombreux pays du monde en développement dépensent plus pour le service de la dette que ce qu’ils consacrent au budget de la santé ou de l’éducation.” Mais là encore, les blocages sont nombreux.

Renforcer la coopération avec des agences régionales

C’est un fait difficilement contestable : les budgets onusiens sont insuffisants. D’où cette idée : plutôt que de déployer des forces sur toute la planète, l’ONU va renforcer la coopération avec des organisations régionales et des pays particuliers.

Ce modèle est déjà en test. “En octobre, illustre l’expert Richard Gowan, le Conseil de sécurité a par exemple autorisé le Kenya à diriger une mission multinationale d’assistance à la sécurité en Haïti.” En Afrique, l’ONU pourrait aussi financer des missions de stabilisation menées par des forces locales, dans l’espoir qu’elles seront plus impliquées que les Casques bleus pour combattre des milices : “Cette approche, très novatrice, va rendre nos opérations de paix plus efficaces”, espère Guy Ryder. Et, aussi, coûter moins cher aux Nations Unies.

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