Dans les cinémas russes, le flop de la propagande de guerre de Poutine

Dans les cinémas russes, le flop de la propagande de guerre de Poutine

Parcourant les tranchées sous les bombes, Nikolaï Ryabinine, un écrivain moscovite à succès, recherche son frère soldat disparu dans le Donbass à l’été 2015. Dans les territoires occupés, des soldats russes pacifiques vivent en harmonie avec les Ukrainiens russophones, mais sont harcelés par l’armée ukrainienne, sanglante et sans pitié. Le héros n’a d’autre choix que de prendre les armes à son tour, martèle la bande-annonce d’Indicatif : Passager, qui sort dans tous les cinémas de Russie ce 14 mars.

Le film viendra grossir la vague des récits de guerre qui inonde les salles obscures depuis six mois. Les intrigues se focalisent de plus en plus sur l’”opération militaire spéciale”. Parmi eux, Le Témoin, tourné dans le Donbass, suit un musicien belge en tournée en Ukraine, qui devient prisonnier de guerre et assiste, derrière les barreaux, aux crimes des “ukronazis”, présentés comme une armée de violeurs achevant des vieillards sur les routes. Après s’être échappé, il témoigne sur un plateau de télévision américain pour “faire éclater la vérité”.

Flop d’audience

Garanties 100 % conformes à l’idéologie du Kremlin, mettant en scène les vaillants soldats russes face à l’Occident perverti, ces productions sont commandées et financées par l’Etat. Elles sont censées relancer l’élan patriotique à l’approche de l’élection présidentielle (du 15 au 17 mars), selon des rapports confidentiels de l’administration présidentielle russe divulgués par des journalistes estoniens. Une “opération culturelle spéciale” orchestrée à coups de centaines de millions de roubles.

Seul problème, la recette ne prend pas. Le Témoin a fait un flop mémorable l’année dernière (seulement 50 000 entrées). Et les autres blockbusters de guerre peinent généralement à atteindre les 500 000 spectateurs, “car ils sont mal réalisés, les scénarios bâclés”, juge le critique de cinéma Anton Dolin, en exil en Lettonie.

Propagande plus subtile

D’autres fictions de propagande, beaucoup moins violentes, rencontrent en revanche un franc succès ; elles glorifient les “valeurs traditionnelles russes” et la grandeur de la Russie. La comédie Au gré de l’humeur du brochet (8,5 millions de spectateurs en 2023) met en scène un conte populaire : un poisson du lac Baïkal aux pouvoirs magiques finit par sauver, avec son acolyte humain, le royaume d’un tsar russe menacé par les Anglais. La très populaire série Slova Patsana évoque, quant à elle, la précarité et les guerres des gangs à Kazan dans les années 1980. Une manière de faire prendre conscience de la nette progression du niveau de vie depuis la fin de l’Union soviétique…

Un réalisateur fait cependant exception. Le Russo-Américain Mikhaïl Lokchine, opposé à la guerre, a brillamment adapté le roman de Mikhaïl Boulgakov Le Maître et Marguerite. L’autorisation de sa diffusion, depuis janvier, reste un mystère, tant le film contredit la ligne officielle. Contrairement aux nanars de guerre, il fait un carton : plus de 5 millions de spectateurs ont découvert ces aventures d’un jeune écrivain censuré dans le Moscou des années 1930. Un rare hymne à la liberté au milieu de toutes ces odes à la violence.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *