De Napoléon à Louis Pasteur : ces “remontadas” qui ont marqué l’histoire

De Napoléon à Louis Pasteur : ces “remontadas” qui ont marqué l’histoire

1881, Louis Pasteur est dévasté. Le chimiste, âgé de 59 ans, couvert d’honneurs pour ses travaux sur le choléra et la maladie du charbon, se relève hémiplégique à la suite d’une crise d’apoplexie et constate l’échec terrible de ses essais autour du vaccin contre la rage. Tant qu’il inoculait le bacille sur des lapins en cage ou travaillait avec des levures à l’abri de son laboratoire, tout allait à merveille, mais cette fois, le voici fini. Pressé de prouver que la rage pouvait être soignée et surtout évitée, il a conduit des expériences sur deux patients, or les deux sont morts foudroyés. Dont une jeune femme. Le scandale est gigantesque, la campagne de presse impitoyable et partant, Louis Pasteur convaincu à raison que sa carrière est achevée. Et puis, voici qu’on lui amène un jeune garçon, Joseph Meister, 9 ans, mordu 14 fois par un chien enragé. La main du chimiste tremble, il a peur, refuse, hésite, sa femme l’encourage. Il inocule au petit condamné le bacille, l’enfant survit. On connaît la suite ; 350 autres personnes vaccinées, création de l’institut portant son nom et, dix ans plus tard, des funérailles nationales.

1915, Churchill a quarante ans, il doit démissionner, honteusement, de son poste de premier lord de l’Amirauté. Le débarquement de la flotte britannique dans le détroit des Dardanelles, qu’il dirigeait, fut une catastrophe – cuirassiers britanniques coulés, des milliers de soldats anglais morts, défaite totale. “En un clin d’œil je me retrouvai sans portefeuille, sans siège sans parti et sans appendice”, grince l’aristocrate à l’humour ravageur dans son journal, celui-ci ayant de surcroît été opéré d’une appendicite. Suivront vingt-cinq années de ruminations et de dépressions, qu’il conjure en peignant des aquarelles, certain que sa destinée politique est à jamais anéantie. Jusqu’à ce que son pessimisme soit récompensé. L’Allemagne envahit, le 10 mai 1940, les Pays-Bas, la Belgique et la Pologne, et voici que Churchill, qui s’égosillait depuis des mois contre le pacifisme suicidaire de Chamberlain, est appelé, triomphal, au gouvernement. Le Lion anglais n’avait pas dit son dernier mot.

Sous la direction de Clémentine Portier-Kaltenbach, ils sont ainsi quatorze historiens et journalistes à raconter dans ce livre amusant Les grandes remontadas de l’Histoire (Buchet Chastel), ces spectaculaires retours, ces échecs triomphalement retournés, “le moment où l’on se remet en selle, sursaut sublime qui peut tout changer”. Une lecture qui convainc de la justesse du propos de Churchill, justement : “Le succès c’est d’aller d’échecs en échecs sans perdre son enthousiasme”.

Napoléon, Staline et Clémenceau

Les exemples choisis édifient. Qui aurait pu ainsi croire, en août 1794, que Napoléon, emprisonné à Antibes pour complicité avec les frères Robespierre, serait un jour empereur ? Et qui, à son propos encore, aurait misé sur un retour quand celui-ci rongeait son frein en 1814 sur la rocheuse île d’Elbe, ridiculisé par toutes les cours d’Europe ? Qui aurait pu songer, au lendemain de la Révolution, que le frère, gras et placide, du défunt Louis XVI, parviendrait un jour à revenir en France pour en devenir le roi ? Se souvient-on de l’exil sibérien de Koba, futur Staline, arrêté lors d’un bal masqué, et condamné à quatre ans de bannissement pour meurtres et vols ? Le révolutionnaire au visage grêlé crève la faim dans un village à des centaines de kilomètres de Moscou, engrossant au passage la fille d’un fermier âgée de 13 ans, loin des agitations du tout nouveau parti bolchevique. Il lui faudra attendre 1905 pour croiser le chemin de Lénine, dont il deviendra le sanguinaire second.

Sait-on encore que Clémenceau perdit à 52 ans les législatives après une polémique le désignant comme un agent de l’Angleterre, corrompu dans l’affaire des emprunts pour financer le canal de Panama ? Mitterrand, Agrippine, Richelieu – congédié puis encensé dans la même journée – tous les personnages ici croqués furent vaincus avant de se relever. “Un trait de caractère frappe d’emblée, conclut Clémentine Portier-Kaltenbach, tous sont habités par la certitude d’avoir un rôle à jouer dans l’histoire, même tombés au fond du trou, jamais ces individus n’apparaissent comme losers, chez eux le désespoir n’est qu’un aléa, un incident de parcours”. Un livre à savourer pour se convaincre que l’énergie du désespoir peut servir de force.

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