Débat Bardella-Hayer : les dilemmes de la Macronie

Débat Bardella-Hayer : les dilemmes de la Macronie

Enfin dans l’arène. Une impatience non feinte agite la Macronie à l’approche du débat télévisé entre Valérie Hayer et Jordan Bardella. La tête de liste Renaissance aux européennes, encalminée à 17 % d’intentions de vote, affronte ce jeudi soir sur BFMTV le chef de file du Rassemblement national, en tête des sondages. Cette joute mettra en lumière la stratégie de chaque camp.

La partition est connue. Valérie Hayer compte emmener son rival sur les thématiques européennes et démontrer sa fragilité. Le camp présidentiel dépeint Jordan Bardella en bête médiatique à la peine sur les sujets techniques et sans bilan à Bruxelles. “Si elle arrive à le déstabiliser à quelques reprises, ce sera positif”, glisse un cadre de la campagne. L’eurodéputée avait été déstabilisée par Marion Maréchal lors d’un débat sur CNews. L’aplomb de la candidate Reconquête, au ton politique et aux vérités assénées avec la force de l’évidence, l’a mise en difficulté. L’exercice lui a servi d’entraînement.

Face au procès en incompétence, Jordan Bardella promet, lui, un débat de “fond” à sa rivale. Mais ne dévie pas de stratégie. Le président du RN érige la campagne en référendum anti-Macron et compte bien attirer Valérie Hayer sur des sujets nationaux, comme l’insécurité ou le pouvoir d’achat. “Il ne faut pas fuir la politique nationale”, a ainsi conseillé la tête de liste Renaissance de 2019 Nathalie Loiseau à sa successeure.

“On n’est pas dupes”

Le conseil résume l’ambiguïté stratégique de la campagne menée par le camp présidentiel. Et les injonctions contradictoires soumises à Valérie Hayer. La députée européenne souhaite porter un message européen, mais n’échappe pas au débat national. 58 % des électeurs promettent de voter sur des propositions nationales et non européennes, selon une enquête Ipsos pour Le Monde. Les partisans de la liste Renaissance ont un prisme davantage européen, mais n’échappent pas au phénomène. 26 % d’entre eux se penchent d’abord sur des sujets hexagonaux pour faire leur choix. “On rêverait de ne parler que d’Europe dans la campagne, mais on n’est pas dupes, note un ministre. Elle se fera aussi sur des sujets franco-français, comme la violence des jeunes ou le pouvoir d’achat.”

Cette nationalisation est subie. Provoquée, parfois. Le Premier ministre Gabriel Attal s’est résolu à débattre face à Jordan Bardella, malgré ses réserves initiales. Le chef de gouvernement redoutait d’offrir un “cadeau” au leader frontiste. “Ça accrédite ce que souhaite le RN, à savoir la nationalisation de la campagne”, glissait-il en privé en février. Le chef du gouvernement, guère identifié sur les thématiques européennes, est l’objet du “vote sanction” vanté par l’extrême droite.

“Macron prend un risque”

Tout comme Emmanuel Macron, auteur d’un discours à la Sorbonne sur l’Europe, au risque que le messager n’éclipse le message. “Il a pris un risque, note un eurodéputé. Son intervention en fait un vote pour ou contre Macron.” Mais nécessité fait loi. La Macronie doit prendre des risques pour mobiliser son socle électoral, quitte à réveiller celui de ses adversaires.

Les Français ne sont encore pas entrés en campagne. Les principales figures de la majorité ont dressé ce constat mardi 30 avril lors d’un comité politique, au siège du parti Renaissance. La bataille électorale n’est aujourd’hui qu’une toile de fond de l’actualité nationale. Les annonces du gouvernement contre la violence des mineurs ou la “taxe lapin” agitent davantage l’opinion que les propositions de Valérie Hayer. La Macronie n’a d’autre choix que de naviguer entre deux eaux. “On doit répondre aux préoccupations du quotidien de nos concitoyens, sans se faire ensevelir par le débat politique national”, résume le directeur de campagne Pieyre-Alexandre Anglade. Imposer sa stratégie, sans s’interdire d’aller sur le terrain de l’adversaire. L’exercice est complexe.

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