Déficit public : la France, l’un des cancres de l’Europe

Déficit public : la France, l’un des cancres de l’Europe

Ces chiffres étaient très attendus, et viennent confirmer les inquiétudes qui montaient depuis plusieurs jours. L’Insee a publié ce mardi matin les chiffres définitifs du déficit public pour l’année 2023. Et comme redouté, celui-ci est “significativement” plus élevé que celui initialement prévu, des mots même du gouvernement ces dernières semaines, s’élevant à 5,6 % du PIB, contre 4,9 % dans toutes les prévisions jusqu’ici.

Ce chiffre est très légèrement inférieur à celui qu’avait révélé le rapporteur général de la commission des Finances du Sénat, Jean-François Husson, qui avait fait une visite surprise à Bercy jeudi dernier, usant du pouvoir de contrôle que lui octroie son poste et qui prévoyait un déficit à 5,6 % pour 2023. Il avait alors dénoncé la “gestion budgétaire calamiteuse” du gouvernement, lui reprochant d’être “incapable de suivre la trajectoire budgétaire qu’il a lui même fait adopter”. Il faut dire que ce niveau de déficit public place la France parmi les mauvais élèves de l’Union européenne, bien loin de pays comme le Portugal ou le Danemark, en excédent budgétaire, l’Allemagne, ou même l’Espagne.

Troisième pays le plus endetté de la zone euro, la France n’est pas le plus mauvais élève européen en matière de déficit public sur l’année 2023, avec l’Italie et ses 7,2 % faisant figure d’épouvantail. Mais cette nouvelle annonce reste une très mauvaise nouvelle pour Bercy. Notamment car elle éloigne toujours un peu plus la France de son objectif de repasser sous la barre des 3 % de déficit avant 2027, une ligne que le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a promis vendredi dernier de tenir “coûte que coûte”.

“Ça va être très difficile à atteindre”, met en garde auprès de l’AFP l’économiste Mathieu Plane, car “la marche d’escalier pour revenir sous les 3 % sera d’autant plus haute” que le déficit 2023 sera élevé. C’était pourquoi le chiffre publié par l’Insee était tant attendu, car chaque décimale compte. “Pour faire simple, chaque 0,1 point” de PIB de déficit supplémentaire en 2023 “représente environ 3 milliards” d’euros manquant dans les caisses de l’Etat, explique l’économiste.

5,7 % de déficit en 2024 ?

Les règles budgétaires de l’Union européenne ont certes été assouplies en ce début d’année 2024, avec une renégociation du Pacte de stabilité et de croissance qui était en place depuis 1997 et la fin de la règle des 3 % de déficit public et 60 % de dette publique. Mais cette annonce place la France toujours plus en opposition aux pays dits “frugaux”, comme l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore le Danemark, partisans d’une rigueur budgétaire bien plus stricte au sein de l’UE.

D’autant plus que les autres chiffres pour les prochaines années glanés par le sénateur Jean-François Husson à Bercy ne poussent pas vraiment à l’optimisme, en tablant sur un déficit à 5,7 % en 2024 (contre 4,4 % actuellement prévu) et à 5,9 % en 2025 (contre 3,7 %). “Ce ne sont pas des prévisions, mais des notes techniques qui n’intègrent pas nécessairement des mesures supplémentaires, ni la révision d’un certain nombre d’indicateurs macroéconomiques qui fluctuent dans le temps”, a tenu à rassurer auprès de l’AFP le député Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du Budget à l’Assemblée nationale toutes ces dernières années à l’Assemblée nationale. Admettant néanmoins un “décrochage très significatif par rapport à ce qui était prévu” et une situation qui “inquiète”.

De nouvelles coupes budgétaires prévues

Cette situation relance le débat sur la meilleure manière de stabiliser les finances publiques au sein même de la majorité, entre hausse des impôts et augmentation des recettes, ou au contraire coupes budgétaires et réduction des dépenses. Alors que certains membres de la majorité, comme la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet ou le président du MoDem François Bayrou ont esquissé l’idée d’une hausse de certains impôts, notamment les taxes sur les superprofits, l’idée semble pour l’instant écartée par Bruno Le Maire.

Pas question de “dévier de notre ligne économique”, a rétorqué le ministre de l’Economie et des Finances, plaidant pour une meilleure maîtrise des dépenses publiques après avoir déjà annoncé 10 milliards d’économie sur le budget de l’Etat en février dernier. Un effort “à compléter”, des mots même d’Emmanuel Macron, alors que le gouvernement espère réaliser 20 milliards d’économie en 2025. Quels que soient les choix, la situation devrait imposer des changements.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *