Ecophyto : le plan controversé du gouvernement pour réduire les pesticides

Ecophyto : le plan controversé du gouvernement pour réduire les pesticides

Comme souvent, en matière d’environnement, la controverse se cache dans l’indicateur utilisé. Alors que le gouvernement présente, ce lundi 6 mai, son nouveau plan “Ecophyto”, le débat se concentre sur le changement de mesure des pratiques phytosanitaires, réclamé par les agriculteurs mais dénoncé par les acteurs environnementaux.

L’objectif affiché par le nouveau plan reste le même : réduire de 50 % les produits phytosanitaires d’ici 2030, comme le promettait en vain le premier plan Ecophyto de 2008. Cette fois, c’est la méthode qui change : la nouvelle stratégie modifie la mesure de l’usage des pesticides, et son évolution dans le temps. Or, un changement de mesure peut largement modifier l’orientation de la courbe sur les graphiques, pointent les ONG environnementales. Et donc, modifier le niveau d’efforts demandé aux agriculteurs. Pour le gouvernement, il s’agit justement de fixer des objectifs de réduction des risques et des usages de produits phytopharmaceutiques”, “tout en donnant à tous les agriculteurs les moyens de cette transition”.

Exit le “Nodu”, bonjour le “HRI1”

Pour commencer, la période de référence change : la moyenne sera désormais calculée sur les années 2011-2013, contre 2015-2017 auparavant. Mais la mesure phare, et la plus controversée, réside dans le changement de l’indicateur, soit l’instrument de mesures. Exit le Nodu (pour nombre de doses unités), qui permettait depuis 2008 de rapporter chaque pesticide à une “dose unité” spécifique : la dose maximale du produit qui peut être appliquée lors d’un traitement, sur une culture et une année donnée. Accusé d’être trop français, il provoquait, selon la FNSEA et les producteurs de phytosanitaires, une distorsion de concurrence entre l’hexagone et ses voisins européens. Autre écueil reconnu par les acteurs environnementaux : il ne tient pas compte de la toxicité des molécules, sur l’homme ou sur l’environnement, mettant ainsi tous les produits phytosanitaires dans le même sac.

C’est désormais le HRI1 qui fait son entrée, soit l’indicateur européen de risque harmonisé. Cet indice est obtenu en multipliant les volumes de substances actives par des “coefficients” censés refléter la dangerosité des divers pesticides mais ne tient pas compte des doses d’application. Selon les schémas présentés dans la nouvelle stratégie Ecophyto et consultés par l’AFP, le calcul du HRI1 fait déjà apparaître une diminution de près de 40 % de l’usage des pesticides entre 2011 et 2024. Mais pour les ONG, un “changement de thermomètre” ne fait pas baisser la fièvre. Générations Futures dénonce la baisse “trompeuse” des pesticides affichée par le HRI1 (-32 % entre 2011 et 2021) alors que le Nodu faisait, lui, apparaître une hausse de 3 % sur la même période.

1️⃣ Indicateur trompeur: La prétendue réduction de 50% des pesticides est basée sur un indicateur trompeur, le HRI1, qui ne mesure pas la consommation réelle. Le gouvernement choisit de casser le thermomètre plutôt que de réduire la fièvre. https://t.co/YeqGAhPmaT

— Générations Futures (@genefutures) May 3, 2024

Possible revue du HRI1 à la fin de l’année

Le gouvernement défend ce changement au nom de la “cohérence” européenne. La ministre de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher a néanmoins affirmé dans le journal La Tribune du Dimanche avoir “demandé à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) de travailler avec ses homologues européens pour faire des propositions afin d’améliorer, le cas échéant, le HRI1”. Le premier bilan sera fait “d’ici à la fin de l’année”, a-t-elle indiqué.

En parallèle, 250 millions d’euros sont également dédiés à la recherche de solutions alternatives, comme les produits de biocontrôle, et à l’accompagnement des agriculteurs dans le changement de pratiques, reprenant les demandes des agriculteurs : “pas d’interdiction sans solution”.

En accord avec la promesse du gouvernement d’alléger les obligations administratives et juridiques qui pèsent sur les agriculteurs, après le mouvement de colère du mois de février, un texte de loi sera aussi proposé “début juillet sur les phytosanitaires” destiné notamment à supprimer l’obligation imposée aux agriculteurs de réaliser un “conseil stratégique” pour réfléchir à leurs pratiques en matière de produits.

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