Emploi des seniors : ces entreprises qui n’hésitent pas à recruter des plus de 55 ans

Emploi des seniors : ces entreprises qui n’hésitent pas à recruter des plus de 55 ans

C’est un angle mort de la politique en matière d’emploi menée depuis sept ans par le gouvernement : la place des seniors. Cette catégorie d’actifs est pourtant un maillon essentiel de l’économie. Elle conditionne aussi l’atteinte – bien que fortement compromise – de l’objectif fixé par Emmanuel Macron d’un taux de chômage proche de 5 % en 2027, soit l’équivalent du plein-emploi pour la France. L’équation est complexe : comment convaincre les entreprises d’à la fois conserver et embaucher ces personnes âgées de plus 55 ans ? Comment remettre le pied à l’étrier de celles restées trop longtemps éloignées d’une activité ? Depuis novembre dernier, patronat et syndicats ferraillent pour négocier un accord sur le sujet. Une ultime réunion doit avoir lieu ce lundi 8 avril avec l’espoir d’arracher un compromis satisfaisant pour chaque partie.

Le temps presse. En 2030, la France comptabilisera 21 millions de personnes de plus de 60 ans, soit 3 millions de plus qu’il y a cinq ans. En 2022, le taux d’emploi des seniors atteignait 56,9 %, loin des 62,4 % de la moyenne européenne. Forcément, la réforme des retraites, en repoussant l’âge de départ à 64 ans, a changé la donne. Pour Xavier Ragot, président de l’Observatoire français des conjonctures économiques, la tâche s’annonce de longue haleine. “On parle ici de changer la culture de l’emploi des seniors et l’état d’esprit dans les millions d’entreprises françaises. Il n’y a pas la magie d’un levier fiscal. Ce n’est pas un impôt qui va changer ça, cela va aider, mais il faut peut-être des réglementations, modifier les droits des seniors, le cumul emploi-retraite…”, souligne l’économiste. “Les entreprises doivent changer d’attitude et considérer que leur maintien en emploi ou l’accueil de leurs compétences peuvent apporter quelque chose”, ajoute l’économiste Christine Erhel.

L’expérience, un atout clé

Les exemples encourageants ne manquent pourtant pas. En Loire-Atlantique, à Saint-Herblain, le dirigeant de 3G Industrie, une PME industrielle d’une vingtaine d’employés, spécialisée dans l’assemblage et la soudure de structures métalliques, n’a pas une seule fois regretté d’avoir embauché trois seniors. “Pour la petite anecdote, j’ai d’ailleurs créé l’entreprise il y a six ans avec deux seniors qui ont pris des parts minoritaires. J’ai voulu bénéficier de leur expérience d’artisan, en apportant ma vision industrielle”, raconte David Guiheux. L’expérience, un des atouts majeurs mis en avant par les travailleurs les plus âgés pour convaincre les chefs d’entreprise de faire appel à eux. Et c’est loin d’être un mythe confirme le patron : “Cela ne s’acquiert qu’avec le temps. Dans l’industrie, c’est essentiel, encore plus que dans d’autres métiers, du fait la technicité de nos procédés”.

Lorsqu’il reçoit un CV, David Guiheux assure qu’il ne regarde jamais l’âge. Les avantages se révèlent nombreux. Ils apportent “leur savoir-être avec un état d’esprit souvent irréprochable”. Au sein de l’entreprise, plusieurs générations cohabitent, pour le meilleur. “Quand il y a de la mixité, cela se passe toujours mieux. Cela amène du sens à notre société, qui n’est pas qu’un centre de profits. Vous avez la fougue des jeunes et l’expérience des anciens”, décrit le dirigeant.

La transmission du savoir-faire

Les trois employés seniors de 3G Industrie n’hésitent à raconter leur parcours professionnel, leurs anecdotes, à donner des conseils, tout en diffusant leur savoir-faire. “L’épanouissement d’une personne qui va partir en retraite est d’autant plus important quand elle a réussi à transmettre ses compétences. Si elle n’y parvient pas, ce sera une frustration pour elle. Un salarié licencié à 58 ans pour des raisons économiques ne s’en remettra jamais parce qu’il n’aura pas pu partager ses connaissances”.

David Guiheux juge aujourd’hui le soutien de l’Etat quasiment inexistant. “Nous n’avons pas d’incitation et ce n’est pas normal. Il y a une dizaine d’années, il y en avait davantage”, regrette-t-il. Il milite notamment pour la mise en place d’exonérations de charges, afin de lisser les coûts. “Tout le monde y trouverait son compte. L’apprenti aurait un ancien comme maître de stage et le senior trouverait tout l’intérêt de former celui qui prendra sa suite. C’est gagnant-gagnant.”

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