En Corée du Nord, Kim Jong-un voudrait des bébés mais…

En Corée du Nord, Kim Jong-un voudrait des bébés mais…

Kim Jong-un voudrait faire des bébés… mais ne sait pas comment s’y prendre. Ces derniers temps, le dictateur nord-coréen a une nouvelle obsession : relancer la natalité. D’où des efforts insistants pour convaincre ses compatriotes, rétifs à se reproduire davantage. Ainsi la Journée internationale des femmes, le 8 mars, a-t-elle été célébrée en grande pompe. “L’amour et l’affection pour nos femmes, fleurs de la nation, de la société et du foyer, se renforcent de jour en jour”, scande alors l’organe officiel Rodong Sinmun (le Journal des Travailleurs). L’emphase, un brin désuète, rappelle les larmes versées en décembre par le dirigeant suprême devant le cinquième Congrès national des mères. Le “grand soleil du XXIe siècle” (l’un de ses surnoms) avait alors insisté sur l’importance croissante “de la contribution des mères au renforcement de la puissance nationale et à la promotion de la révolution”. Comprendre : notre glorieuse nation a besoin d’enfants supplémentaires.

Au nord du 38e parallèle, il est bien difficile de connaître la réalité de la démographie. S’appuyant sur les recensements de 1993 et 2008 et des estimations sur la fécondité, l’ONU évalue la population à 26,2 millions d’habitants, avec un taux de fécondité de 1,8 enfant par femme. Toutefois, le centre de recherche sur la Corée du Nord de la Banque de Corée, à Séoul, situe plutôt le taux de fécondité à 1,38 sur la période 2010-2019 : un point bas historique.

D’après Era Seo, une réfugiée qui vit dans le Sud et écrit pour le site NK Insider – dédié à la Corée du Nord –, les données de Pyongyang ne sont pas fiables : “Le gouvernement central fait pression sur les autorités régionales pour les falsifier.” Dans quel but ? “Pour obtenir plus d’aide de l’ONU” et “dissimuler les chiffres des effectifs de l’armée”. Selon Era Seo, la population nord-coréenne ne dépasserait pas 18 millions d’habitants. Une dégringolade vertigineuse. Après la Guerre de Corée (1950-1953), en effet, la partie nord de la péninsule avait connu une forte croissance démographique. Mais dans les années 1970 et 1980, des programmes de contrôle des naissances enrayent cette mécanique. Et pendant la grande famine des années 1990 – le nombre de victimes se situerait entre 600 000 et 1 million – la natalité s’effondre. Depuis, les autorités s’efforcent de la relancer, sans résultat. La situation s’est aggravée pendant la pandémie de Covid-19.

L’avortement interdit

Pyongyang voit ce déclin comme un risque vital. “La Corée du Nord, qui manque de ressources et de technologies avancées, a besoin d’une main-d’œuvre suffisante pour relancer et développer son industrie”, souligne un rapport de l’Institut Hyundai, basé à Séoul. Le constat est le même dans le secteur agricole, peu mécanisé mais essentiel dans un pays qui aspire à l’autosuffisance alimentaire. Ces deux secteurs généraient respectivement 47,6 % et 22,5 % du PIB du Nord en 2017.

La chute de la natalité menace aussi la sécurité nationale. Forte de 1,3 million de soldats – le double de la Corée du Sud – l’Armée du Peuple repose en effet sur un service militaire de dix ans pour les garçons et de sept ans pour les filles. Outre les tâches militaires, les recrues sont utilisées dans la construction, l’agriculture et l’industrie. En 2021 par exemple, “le génie des génies” – autre surnom du dictateur – appelle l’armée à devenir une “force motrice” de la production alimentaire. Des milliers de soldats se retrouvent alors aux champs, à planter du riz.

Défié par le comportement malthusien de ses sujets, le président à vie décide en 2015 d’interdire l’avortement, jusqu’alors toléré, et les contraceptifs. En 2021, nouvel oukase : il ordonne la distribution hebdomadaire de produits laitiers aux mères d’enfants de moins de cinq ans. Enfin, en 2023, les familles de trois enfants ou plus bénéficient d’avantages : accès à des meilleurs logements et établissements scolaires ; gratuité de la nourriture, des médicaments et des articles ménagers. Mais rien de tout cela ne suffit à motiver les Nord-Coréens qui, déjà, rechignent à se marier en raison des difficultés économiques. Le site Daily NK raconte : “Il existe en Corée du Nord une expression populaire selon laquelle une femme est condamnée au travail forcé à partir du moment où elle se marie.” C’est dire si l’héritier des Kim est loin d’avoir remporté sa bataille.

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