En Pologne, la pilule du lendemain au cœur d’une bataille politique

En Pologne, la pilule du lendemain au cœur d’une bataille politique

“Le président n’a pas profité de l’occasion pour se ranger du côté des femmes. Nous mettons en œuvre le plan B”, a lancé, vendredi 29 mars, le Premier ministre polonais et ancien président du Conseil européen Donald Tusk. Un peu plus tôt, le président conservateur, Andrzej Duda, annonçait mettre son veto à la loi visant à libéraliser l’accès à la pilule du lendemain.

Voté en février, au Parlement, par 244 voix contre 196, le texte prévoit d’ouvrir l’accès sans prescription à la pilule du lendemain, “à compter de l’âge de 15 ans”. Car depuis 2017, il n’est, en Pologne, accessible que sur prescription médicale, une décision prise à l’époque par le gouvernement du parti PiS, un parti politique conservateur et eurosceptique. Selon un rapport de 2018 de la Fédération internationale pour les droits humains, “cette législation régressive a un effet dissuasif sur les femmes et les jeunes filles, qui peuvent être contraintes de poursuivre leur grossesse ou de recourir à des avortements clandestins et dangereux.” Rouvrir cet accès était une promesse électorale de la coalition pro-Union européenne (UE) menée par Donald Tusk, au gouvernement depuis les élections parlementaires de décembre 2023.

Mais le président Andrzej Duda, allié du PiS et catholique déclaré, a décidé de “renvoyer l’amendement à la loi sur les produits pharmaceutiques au Parlement en lui demandant de réexaminer la loi (veto)”, a indiqué vendredi un communiqué de la présidence. Le chef de l’Etat a motivé son refus par le respect des “normes de protection de la santé des enfants”. Il “ne peut accepter des solutions légales permettant aux enfants de moins de 18 ans d’avoir accès à des médicaments à usage contraceptif sans contrôle médical et sans tenir compte du rôle et de la responsabilité des parents”, précise le communiqué. Andrzej Duda s’est toutefois “déclaré ouvert aux solutions envisagées par la loi en question, en ce qui concerne les femmes majeures”.

“Plan B” lancé pour contourner le veto

Dans la foulée, le gouvernement polonais pro-européen a donc annoncé lancer son “plan B” pour contourner ce veto. L’objectif est d’autoriser les pharmaciens à délivrer des ordonnances pour la pilule. “Nous sommes dans la dernière étape pour convenir des détails avec les pharmaciens et la Chambre suprême pharmaceutique. La pilule du lendemain sera disponible en tant que service pharmaceutique à partir du 1er mai”, a ainsi affirmé le ministère de la Santé. “La pilule du lendemain sera disponible, quelle que soit l’opinion du président sur la question, qui fonde sa décision sur la superstition plutôt que sur les connaissances médicales”, a ajouté la ministre de l’Égalité, Katarzyna Kotula.

Prezydent zawetował nowelizację Prawa farmaceutycznego dotyczącą tabletki “dzień po”. ❕ Ustawa ta jest bardzo ważna, oczekiwana i potrzebna. Mamy plan B na najbliższy rok. ✅ Jesteśmy na końcowym etapie uzgadniania szczegółów z farmaceutami i Naczelną Izbą Aptekarską. 💊… pic.twitter.com/lVly7CSqX6

— Ministerstwo Zdrowia (@MZ_GOV_PL) March 29, 2024

Pour sa collègue à l’Éducation, Barbara Nowacka, Andrzej Duda n’a “ni surpris ni déçu” car il y a, selon elle, “longtemps qu’il s’est déclaré contre les femmes”. A un an de la prochaine élection présidentielle en Pologne, elle a souhaité que plus jamais un président ne “se cache derrière une idéologie ou la foi pour ne pas se placer clairement du côté des droits, de la santé et de la sécurité des filles et des femmes”.

Recul des droits depuis huit ans

Cet affrontement très politique se joue alors que la Pologne a connu un recul des droits reproductifs des femmes pendant les huit années du gouvernement du parti nationaliste populiste Droit et Justice (PiS). Dans la loi actuelle, l’avortement n’est légal que si la grossesse résulte d’un viol ou d’un inceste, ou lorsque la vie de la mère est en danger – une nouvelle restriction introduite en octobre 2020 interdisant l’avortement en cas de malformation du fœtus. La sanction pour tentative d’avortement ou pour aider à un avortement est de trois ans de prison. Cela en fait un des pays les plus restrictifs d’Europe, selon l’ONG Center for Reproductive Rights.

Quatre projets de loi visant à libéraliser l’avortement ont déjà été soumis au Parlement, mais les travaux n’ont pas débuté. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), la contraception d’urgence devrait être “systématiquement incluse” dans tous les programmes nationaux de planification familiale.

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