Etats-Unis : comment expliquer le déclin du recours au préservatif ?

Etats-Unis : comment expliquer le déclin du recours au préservatif ?

Au cours des années 2000, son utilisation s’est généralisée. Aujourd’hui, elle tend à décliner. C’est ce que révèle une étude publiée dans la revue AIDS and Behavior mardi 27 février sur le recul de l’usage du préservatif aux Etats-Unis. Les scientifiques ont suivi près de 45 000 hommes ayant des relations homosexuelles entre 2014 et 2019. Ils ont constaté que la proportion d’hommes séronégatifs (non infectés par le VIH) qui avaient déclaré avoir eu des rapports sexuels sans préservatif au cours des douze derniers mois augmentait systématiquement dans le même groupe l’année suivante. Cette part passait d’environ 68 à 70 %, mais l’augmentation était plus marquée encore dans certains groupes ethniques et catégories d’âge.

Environ 1,2 million de personnes vivaient avec le VIH aux Etats-Unis en 2021, selon les chiffres du Centre américain de contrôle et de prévention des maladies (CDC). Et bien que le nombre d’infections ait baissé de 12 % depuis 2017, l’inquiétude grimpe face à la baisse du recours au préservatif.

Le revers de la médaille de la PrEP

Un recul qui s’explique en partie par la généralisation de nouveaux traitements préventifs. C’est notamment le cas de la prophylaxie pré-exposition, plus connue sous le nom de PrEP, qui a fait son apparition en 2012. Administré quotidiennement, ce médicament antirétroviral permet d’éviter le risque de contracter le VIH, le virus responsable du Sida.

Si l’efficacité de la PrEP a été scientifiquement démontrée, plusieurs spécialistes tirent toutefois la sonnette d’alarme sur les répercussions de la généralisation de ce type de traitements. Pour les auteurs de l’étude, ça ne fait aucun doute : la PrEP a rendu l’usage du préservatif has-been. La PrEP a “éclipsé d’autres méthodes de préventions, comme le préservatif”, observent les scientifiques. Et de décrypter : “Des décennies durant, les préservatifs ont été le principal outil de prévention du VIH […] mais l’arrivée de la PrEP a bouleversé l’usage du préservatif en tant que norme universelle.” Le risque étant par ailleurs qu’en se sentant protégés par la prise d’un traitement préventif, les individus aient tendance à baisser leur garde face aux maladies sexuellement transmissibles (MST).

Un usage moins répandu chez certaines communautés

Autre fait marquant soulevé par l’étude : le recours au préservatif varie selon les communautés ethniques. En moyenne, les préservatifs sont plus souvent délaissés par les hispaniques séronégatifs. Plus de 75 % d’entre eux affirment en effet avoir eu des relations sexuelles anales non protégées dans les douze derniers mois. Contre 66 % d’hommes appartenant à la communauté afro-américaine et 69 % des hommes blancs.

La faute aux autorités sanitaires et aux écoles qui ne répondraient pas suffisamment aux besoins de santé sexuelle des jeunes hommes hispaniques, selon le docteur Carlos Saldana, spécialiste des maladies infectieuses à la faculté de médecine de l’université Emory. “Lorsque je suis arrivé à Atlanta en 2020, il n’y avait aucun message en espagnol et aucun message culturellement sensible en matière de santé sexuelle pour les communautés hispaniques”, a-t-il déclaré à nos confrères du New York Times. En un an seulement, le taux d’infection au VIH chez les homosexuels hispaniques a augmenté de 3 %, alors qu’il se stabilise chez les homosexuels noirs et blancs.

Un phénomène d’autant moins surprenant lorsque l’on observe la faible popularité de la PrEP chez les hommes latinos. Comme le souligne le journal américain, les millions de dollars injectés dans la promotion du traitement préventif n’ont pas permis de généraliser son utilisation chez les hommes afro-américains et hispaniques.

Un écart plus ou moins important selon l’âge et le revenu

L’usage du préservatif est moins systématique chez les hommes issus de milieux populaires. À l’inverse plus le revenu annuel augmente, plus le recours à cette méthode de prévention est fréquent. Ainsi, selon l’étude, 68 % des hommes séronégatifs dont les revenus annuels sont supérieurs à 75 000 dollars n’ont pas utilisé de préservatifs au cours des 12 derniers mois. Un ratio qui grimpe à près de 74 % pour ceux gagnant moins de 20 000 dollars par an.

Les pratiques divergent aussi selon l’âge. Les plus jeunes ont tendance à délaisser davantage le préservatif. Ce, quelle que soit la communauté. Ainsi, 81,2 % des Américains hispaniques âgés de 15 à 24 ans et trois quarts des hommes blancs ont eu des rapports sexuels anaux non protégés dans l’année, contre 70,5 % et 68 % des plus de 25 ans. Les hommes afro-américains font toutefois figure d’exception dans cette catégorie d’âge, les moins de 24 ans étant plus nombreux que dans d’autres communautés à avoir recours à cette méthode de prévention.

D’après l’Organisation mondiale de la Santé, près de 40 millions de personnes dans le monde vivent avec le VIH. 10 millions d’entre elles n’auraient pas accès à un traitement. En France, le nombre d’individus séropositifs atteindrait les 200 000, selon les chiffres communiqués par la présidente de l’Association Aides, Camille Spire, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre le Sida, le 1er décembre.

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