Européennes : le temps de parole, un casse-tête pour les candidats (et les médias)

Européennes : le temps de parole, un casse-tête pour les candidats (et les médias)

Voilà ouverte la saison des nœuds au cerveau ! Depuis le début de la semaine – jusqu’au 7 juin prochain à minuit – le temps de parole des candidats aux élections européennes est scrupuleusement décompté par l’Arcom, l’autorité de régulation des médias. Un casse-tête pour les 27 chaînes de télévision et de radio, sommées de respecter un équilibre des candidats dans leurs grilles de programmes, mais surtout pour les différentes écuries, chargées d’organiser les huit prochaines semaines de campagne en conséquence. Dans ce marasme électoral, la gauche s’est réunie pour saisir avec précision les règles édictées par le gendarme de l’audiovisuel. “On s’est concertés avec les autres listes pour voir si on avait compris la même chose”, explique un conseiller presse. Premier bilan : “Franchement, chacun avait son interprétation.” Ensemble on va plus loin.

L’Express s’est donc plongé avec minutie – aidé de quelques aspirines – dans la recommandation du 6 mars 2024 de l’Arcom, relative à l’élection européenne du 9 juin prochain. Contrairement aux élections présidentielles, où la stricte égalité des temps de parole est de rigueur, le régulateur préconise aux éditeurs de veiller “à ce que les listes de candidats et leurs soutiens bénéficient d’une présentation et d’un accès équitables à l’antenne”, évalué au regard du poids politique de chaque liste. Poids politique lui-même évalué en fonction des sondages d’opinion, des résultats aux dernières européennes, ainsi qu’aux “plus récentes élections”.

“Quelle est la pondération entre les différentes échéances ?”, questionne un stratège écolo. “Jusqu’où vont-ils remonter ? !”, fulmine au téléphone un député insoumis. Autre critère retenu par le gendarme de l’audiovisuel : “L’Arcom tient également compte de la contribution de chacune des listes et de leurs soutiens à l’animation du débat électoral.” Quintuplement des décibels dans le combiné : “Clairement, on ne comprend absolument rien au contenu concret de ces règles.” Des règles de bon sens qu’il faudrait lire dans leur ensemble, plaide l’Arcom.

Changer les règles

Dans d’autres partis, on semble avoir globalement saisi la chose. À l’instar de cet eurodéputé Les Républicains – mué le temps d’un coup de fil en Pasionaria – qui soupire : “On ne prête qu’aux riches…” Les fortunés en question sont Jordan Bardella (RN) et Valérie Hayer (Renaissance) forts de leurs derniers résultats nationaux et européens, et en tête dans les sondages. Pas de quoi s’éprendre du système en place donc, pour l’équipe de François-Xavier Bellamy, dont le champion, testé à 8 % des intentions de vote, a réalisé le faible score de 8,48 % aux précédentes élections européennes (4,78 % des voix à la présidentielle de 2022).

“Les règles sont les règles…” philosophe ce même eurodéputé avant de se ressaisir : “Enfin, il faut quand même les changer. Moi par exemple, j’indexerais le temps de parole sur des scrutins comparables. Et j’interdirais surtout les sondages dans les 15 derniers jours. Sinon, c’est de la démocratie d’opinion !” C’est clair ? Un porte-parole PS se résigne, malgré la popularité grandissante du candidat (12 % dans les sondages), conscient du faible score moyen de la maison rose aux deux précédentes élections (6,19 % aux européennes de 2019, 1,8 % à la présidentielle de 2022) : “Dommage, ça va réduire notre exposition alors qu’on est en période de dynamique.”

Ces revenants médiatiques, toujours encartés, pas toujours très sympathiques avec les têtes de liste… Coup de chance, il paraît que François Hollande, à jour de cotisation, apprécie plutôt le candidat Place Publique Raphaël Glucksmann. Ségolène Royal, parmi les plus critiques envers son ancienne famille politique, n’a pas renouvelé son adhésion au PS, comme le racontait Le Figaro, désormais comptabilisée au titre de “divers-gauche”. Chez les écologistes on se rassure aussi : les vieilles gloires du parti soutiennent toutes Marie Toussaint, certains comme Yannick Jadot figurent même sur sa liste.

Sueurs froides, en revanche, dans les familles politiques puissantes localement… Raphaël Glucksmann et François-Xavier Bellamy n’arrêtent pas de faire des cauchemars : imaginez, à quelques semaines du scrutin, qu’un incendie ou une inondation ravage une municipalité dirigée par leur parti, dont le maire soutient l’une des candidatures. Une chaîne d’information nationale se rend sur place et fait réagir l’édile. Ce dernier s’arrogera le temps de parole du candidat de sa formation politique ? “On a pris un rendez-vous avec l’Arcom il y a trois semaines pour évoquer ce cas de figure, ils ont dit qu’ils réfléchiraient à la question”, explique un cadre de droite. Mieux vaut l’équité que l’autorégulation. Mais s’il vous plaît, dessine-moi l’équité…

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