Européennes : Valérie Hayer, les coulisses d’une préparation éclair

Européennes : Valérie Hayer, les coulisses d’une préparation éclair

Elle était pourtant prévenue. Ce 29 février, Valérie Hayer discute avec Gabriel Attal, au terme d’une réunion du bureau exécutif de Renaissance. La nouvelle tête de liste du parti présidentiel aux européennes est attendue quelques minutes plus tard sur le plateau du JT de TF1. Le Premier ministre, habitué aux joutes médiatiques, se fend de quelques conseils. L’entretien est court. Il faut être vif, avoir son propos en tête. “Et ne fais pas comme moi ! J’ai appelé Gilles Bouleau “Gilles Bourreau” lors de ma première interview avec lui”, s’amuse le chef de gouvernement.

Loupé. “Bonjour Gilles Boyer”, lance Valérie Hayer au présentateur, confondant son patronyme avec celui de l’eurodéputé Renew. Une parlementaire européenne s’amuse de ce lapsus dans un SMS à ce proche d’Edouard Philippe. “T’es une star”, lui écrit-elle en substance. La séquence prête à sourire. Les réseaux sociaux, eux, ne loupent pas la prestation poussive de la candidate. Le vice-président de LR Guilhem Carayon raille un “crash”. Son élocution et ses quelques erreurs de syntaxes sont moquées. Sa prédécesseure Nathalie Loiseau l’a mise en garde : “Ne perds pas une seconde à regarder les commentaires sur Internet, ils sont faits pour te blesser.”

“Rodage médiatique”

Voilà Valérie Hayer plongée dans le grand bain. Chaque mot y est disséqué, l’indulgence n’existe pas. L’entrée dans la cour des grands est à ce prix. “Je suis en plein rodage médiatique, pour ne pas dire bizutage”, lance-t-elle mardi lors de la réunion de groupe des députés Renaissance. L’élue de 37 ans a pourtant un CV bien fourni : conseillère départementale de 2015 à 2021, elle a été élue en janvier présidente du groupe Renew, troisième force politique au Parlement européen.

Cette ascension s’est faite dans l’ombre, loin des Français. Place à la lumière. Quand Valérie Hayer observe son affiche de campagne, c’est avec le regard étonné de celle qui a surtout passé du temps à en coller. Elle enchaîne les médias et envahit les foyers. BFM, France Inter, France 5… “Elle a déjà parlé à 10 millions de personnes”, note-t-on dans l’état-major de campagne. La tête de liste prononcera samedi un discours à Lille lors du premier meeting de Renaissance. “C’est ma semaine des premières”, confie-t-elle, admettant ressentir “un peu de pression”.

“Elle doit asseoir sa légitimité”

Cette journée revêt un enjeu intime. “Elle doit asseoir sa légitimité et assumer sa nouvelle fonction, note le porte-parole de Renaissance Loïc Signor. Après ce meeting, on ne doit plus lui demander : ‘êtes-vous un choix par défaut ?'” Cette question est invariablement soumise à Valérie Hayer, un peu lasse d’y répondre. Il y a urgence à se défaire de l’image de candidate de substitution, extirpée du banc de touche après une cascade de forfaits.

Le camp présidentiel n’est pas étranger à cette image. Plusieurs noms – Bruno Le Maire, Jean-Yves Le Drian, Julien Denormandie… – ont circulé pour mener la liste Renaissance. Certaines personnalités ont été sondées par l’exécutif, d’autres noms plus folkloriques ont fuité dans la presse. Au risque d’installer un récit néfaste : celui d’une candidate qui part à l’abattoir face à un RN tout-puissant, dans un combat perdu d’avance que personne n’a voulu mener. “C’est un peu de notre faute, confesse un stratège macroniste. Quand on lance des ballons d’essai, cela crée de la rumeur. Maintenant, il faut passer à autre chose.”

C’est une leçon du scrutin de 2019. Les européennes se gagnent dans les médias, pas dans les réunions publiques remplies d’électeurs convaincus. Valérie Hayer se plie à des exercices de “média training” avec Loïc Signor, ancien journaliste politique. Nathalie Loiseau lui fournit des conseils, tirés de la campagne de 2019 : poser sa voix, parler à son rythme, ne pas trop écouter les communicants. Après son passage sur TF1, l’ex-ministre s’est montrée rassurante : “La personne qui ne te connaît pas retient quoi ? Que c’est impressionnant d’être au 20H. On s’identifie à cela.”

Amateurs de punchlines, s’abstenir

Par petites touches, Valérie Hayer esquisse son style. Elle insiste sur son bilan à Strasbourg et mise sur sa connaissance des dossiers européens pour tenir tête au Rassemblement national. Pas question de nationaliser le scrutin comme le souhaite l’extrême droite. Elle cible l’inutilité des eurodéputés RN et tente d’asphyxier Raphaël Glucksmann en insistant sur leurs votes communs au Parlement européen.

Cette mise en valeur des enjeux européens a pour écho un style sobre. Amateurs de punchlines, s’abstenir. “Je ne vais pas singer Bardella, nos électeurs n’attendent pas cela”, confie-t-elle en privé. L’ancien ministre chargé de l’Europe et député de Paris Clément Beaune confirme : “Pour rassembler notre socle, il faut être crédible. Le fait d’avoir une tête de liste plus technique, moins Instagram que Bardella, est un avantage auprès de nos électeurs.” Là réside la mission de la candidate. Dans une élection frappée par l’abstention, chaque camp doit mobiliser les siens. Appréciée des militants Renaissance, Valérie Hayer doit convaincre le socle d’Emmanuel Macron de se déplacer le 9 juin. Un électorat plus âgé et diplômé que la moyenne, aux attentes différentes de celles des partisans de Marine Le Pen.

“Hayer doit être en majesté”

Elle ne mènera pas cette bataille seule. De l’avis général, Emmanuel Macron va s’engager dans l’une de ses dernières batailles électorales. Gabriel Attal aussi, lui qui a été présenté comme “l’arme anti-Bardella” lors de son entrée à Matignon. “Une idiotie, s’agace un cadre Renaissance. Hayer doit être en majesté malgré l’implication de Macron et Attal.” Cet attelage interroge sur le poids réel d’une tête de liste du parti présidentiel aux européennes. Les sondages réalisés avant la désignation de Valérie Hayer accordaient à tous les potentiels candidats Renaissance un score entre 19 et 22 %. Valérie Hayer sera-t-elle écrasée par le duo exécutif ? Peut-elle montrer sa singularité lors de la campagne ?

“Il y a une interchangeabilité relative à trois mois du scrutin, note Gilles Boyer. Il est impossible de savoir si cela dure jusqu’au bout. Nathalie Loiseau a fait plus de 22 % en 2019, alors qu’elle avait été injustement critiquée. Quelqu’un aurait-il fait mieux ? J’en doute mais on ne le saura jamais.” Un député Renaissance analyse : “Une tête de liste ne vous fait pas perdre ou gagner 10 points. Mais elle a un rôle de mobilisation. Sa capacité à créer de l’enthousiasme ou à l’inverse à être un repoussoir joue un rôle sur quelques points.” A Valérie Hayer d’arracher ces précieuses voix.

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