Expulsion de migrants au Rwanda : la presse britannique prédit de longues “batailles judiciaires”

Expulsion de migrants au Rwanda : la presse britannique prédit de longues “batailles judiciaires”

Il a déjà déclenché un tollé auprès de nombreuses instances internationales. Dans la nuit du lundi au mardi 23 avril, le Parlement britannique a approuvé le projet de loi permettant l’expulsion vers le Rwanda de demandeurs d’asile entrés illégalement au Royaume-Uni.

Après trois semaines de débats houleux, la presse britannique souligne dans son ensemble la fin d’un “interminable ping-pong”, entre la chambre basse et la chambre haute, réticente. Un projet de loi “source de controverses et qui continuera de l’être”, pointe la chaîne de télévision publique BBC. Tandis que le journal conservateur The Daily Telegraph, note “un coup majeur pour Rishi Sunak et en théorie un pas de plus vers son objectif d’arrêter les bateaux” qui traversent la Manche. De son côté, Kigali s’est dit “satisfait” par l’adoption du texte, la porte-parole du gouvernement Yolande Makolo ajoutant que les autorités étaient “impatientes d’accueillir les personnes relocalisées au Rwanda”.

Le Rwanda, un “pays sûr” ?

Annoncé il y a deux ans par le gouvernement conservateur de Rishi Sunak et présenté comme une mesure phare de sa politique de lutte contre l’immigration clandestine, ce projet vise à envoyer au Rwanda les demandeurs d’asile – d’où qu’ils viennent- entrés illégalement au Royaume-Uni, notamment en traversant la Manche sur des canots pneumatiques. Cette loi prévoit notamment la détention “sans préavis” de migrants pour éviter tout risque de fuite, avant de les envoyer vers les centres de rétention administrative au Rwanda, et ce “tant qu’il existe une perspective raisonnable de les expulser dans un délai raisonnable”, explique The Daily Telegraph.

Cette nouvelle législation est censée être en phase avec un traité signé par Kigali, qui prévoit notamment des compensations financières en échange de l’accueil des migrants. Le texte débattu au Parlement visait à répondre aux conclusions de la Cour suprême, qui avait jugé le projet initial illégal en novembre dernier.

Parmi les points de crispation figurait la reconnaissance du Rwanda comme “pays sûr”. “Kigali est plus sûr que Londres”, a déclaré le conservateur Andrew Mitchell, membre du secrétariat aux Affaires étrangères. “Vraiment ?”, questionne le quotidien de centre droit The Times. Car si le Rwanda se présente comme l’un des pays les plus stables du continent africain, son président Paul Kagame est accusé de gouverner dans un climat de peur, étouffant la dissidence et la liberté d’expression.

“Complices de violations”

Le projet de loi devrait recevoir l’approbation royale mardi. Des sources du ministère de l’Intérieur citées par le journal The Guardian (centre gauche) ont par ailleurs indiqué avoir d’ores et déjà identifié un groupe de demandeurs d’asile (environ 150 personnes) ayant de faibles prétentions légales à rester au Royaume-Uni et qui feront partie de la première tranche qui sera envoyée en Afrique de l’Est en juillet.

Rishi Sunak l’a dit lui-même : le premier avion pourrait décoller d’ici 10 à 12 semaines, soit dans le courant du mois de juillet. Mais d’après un journaliste spécialiste des questions judiciaires auprès de la chaîne publique BBC, “le décollage d’un avion de migrants à destination du Rwanda ne devrait pas se faire de sitôt” car “longues batailles judiciaires sont à venir”. “Il est possible que l’ensemble du principe de la législation soit contesté devant les tribunaux”.

Le quotidien The Times, relève de son côté que les compagnies aériennes qui se prêteront à cette activité pourraient s’exposer à “des critiques de la part de l’ONU”, en tant que “complices de violations” des droits humains internationaux.

Les Nations unies ont d’ailleurs demandé mardi au gouvernement britannique de “reconsidérer son plan” d’expulsion de migrants vers le Rwanda, l’accusant de créer “un dangereux précédent dans le monde”. Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Volker Türk, et son homologue en charge des réfugiés, Filippo Grandi, appellent le gouvernement “à prendre plutôt des mesures pratiques pour lutter contre les flux irréguliers de réfugiés et de migrants, sur la base de la coopération internationale et du respect du droit international des droits de l’homme”. Michael O’Flaherty, le patron des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a aussi réclamé au gouvernement britannique de revenir sur son projet. “Le gouvernement du Royaume-Uni doit s’abstenir d’expulser des gens aux termes de son plan Rwanda et revenir sur l’atteinte à l’indépendance de la justice que constitue ce projet de loi”, a-t-il déclaré.

Un peu plus tôt lundi, lors d’une conférence de presse juste avant le vote, Rishi Sunak avait promis qu'”aucune cour étrangère ne nous empêchera de faire décoller les avions”, alors que de premières expulsions vers le Rwanda avaient été bloquées par la justice européenne quelques mois plus tôt.

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