Face au crash du multiculturalisme britannique, réaffirmons la force du modèle français

Face au crash du multiculturalisme britannique, réaffirmons la force du modèle français

Les répliques du 7 octobre au sein des sociétés occidentales révèlent l’ampleur des fractures identitaires qui lézardent nos pays. Royaume-Uni, Etats-Unis, Allemagne, Pays-Bas, France… Si nos lignes de failles présentent des similarités, leur nature et leur profondeur divergent d’une société à l’autre ; d’un modèle à l’autre. Et l’on pourrait dire, en détournant Tolstoï, que les nations qui vont mal vont mal chacune à leur façon.

Au Royaume-Uni, par exemple, les choses ont pris un tour spectaculairement grave – à un niveau que l’on ne mesure pas assez depuis l’Hexagone. Dernier choc en date, cette manchette du Daily Telegraph (l’équivalent du Figaro) constatait, le 8 mars, avec une pointe de sidération : “Londres est devenu une no-go zone pour les juifs”. Depuis le 7 octobre, les haines identitaires d’où qu’elles viennent sont galvanisées. Un islamisme virulent s’exprime dans les rues de la capitale anglaise, notamment à travers de très nombreuses manifestations prenant prétexte de la tragédie au Proche-Orient pour déverser un flot mêlé de slogans haineux, de promesses vengeresses, et de prêches radicaux. Une manière de se compter, d’échauffer les uns et d’intimider les autres. Une marnière, aussi, de “tenir la rue” : le 21 février, le slogan From the River to the Sea, qui promet une Palestine du Jourdain à la Méditerranée – c’est-à-dire excluant de facto la survie d’un Etat israélien –, a été projeté sur Big Ben sans que la police, démunie, n’intervienne. L’extrême droite britannique fait feu de tout bois – antisémitisme, racisme antimusulman… Et une partie de la gauche, égarée, souffle sur les braises de l’”antisionisme” le plus radical.

La société britannique, bateau amiral du multiculturalisme, résiste mal au “crash test” du 7 octobre 2023. Et la tension risque de monter d’un cran encore ces prochains mois. Un rapport publié le 11 mars par des chercheurs indépendants montre que les mobilisations pro-palestiniennes ont été infiltrées par un parti extrémiste pakistanais, qui entend radicaliser l’enjeu du blasphème au Royaume-Uni, et multiplie les promesses de mort pour tout ce qu’il qualifie d’insulte à la religion. Plusieurs députés de la chambre ont été menacés après ne pas avoir voté la demande d’un cessez-le-feu à Gaza. “L’omniprésence d’idéologies extrémistes est devenue de plus en plus évidente et pose un risque réel à la sécurité de nos citoyens et de notre démocratie”, a déclaré Michael Gove, secrétaire d’Etat mandaté en urgence pour redéfinir la notion d’”extrémisme”.

En France, la situation ne donne guère l’envie de fanfaronner non plus. Ici, comme partout en Occident, le 7 octobre a fait pleuvoir le sel sur nos plaies identitaires. Notre nation assiste à un essor des actes antisémites, à de fortes montées de tension sur les campus, et à l’électrisation du débat public qui ne présage rien de bon, pour personne. Mais, même dans le marasme et l’inquiétude, il faut garder la tête froide pour l’analyse et pour l’action : notre modèle résiste mieux. Il faut en tirer des leçons.

Assumons une laïcité de légitime défense

Jusqu’à maintenant, le débat entre le multiculturalisme anglo-saxon et l’universalisme à la française était essentiellement théorique. Chacun défendait sa philosophie, sa façon de voir. Les Anglo-Saxons : l’exaltation du choix individuel, le respect absolu des différences et des cultures. Jusqu’à tolérer depuis les années 1980 – en ce qui concerne le Royaume-Uni – que des “conseils locaux de la charia” disent la loi religieuse, essentiellement en matière d’affaires familiales, en parallèle de la loi britannique – ce que nous voyons, depuis la France, comme un “deux poids deux mesures” indéfendable, notamment en matière de droits des femmes. La façon de voir “à la française” est, il est vrai, moins large envers les cultures d’origine dans la Cité : son creuset assimilationniste suppose la discrétion des particularismes, et le principe de laïcité va jusqu’à interdire les signes ostentatoires de religion à l’école – ce que les Anglo-Saxons jugent liberticide, voire hostile aux minorités. Débats philosophiques ; héritages historiques. Nous en étions-là de nos débats, avec une avance de fait pour le modèle anglo-saxon, qui bénéficie notamment du soft power américain (que peut Montesquieu face à Instagram ?). Après tout, disaient certains, si leur modèle était plus efficace ? S’il permettait une plus grande fraternité ; s’il garantissait une société plus apaisée… Mais les derniers mois montrent l’inverse.

Saurons-nous tirer les leçons des répliques du 7 octobre ? Notre modèle produit davantage d’anticorps face aux tensions identitaires. Mais il est affaibli par des années de progression du multiculturalisme. Il faut d’urgence réaffirmer l’universalisme, garant de la fraternité républicaine. Il nous faut assumer une laïcité de légitime défense. Pour cela, cessons de tout attendre de l’école. Notre modèle ne se défendra que par la mobilisation des Français de toutes origines et de tous bords, qui peuvent s’affronter sur d’autres sujets, mais doivent se retrouver autour de ce que nous voulons transmettre à nos enfants, pour construire l’avenir.

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