Finances publiques : l’écologie reste une variable d’ajustement

Finances publiques : l’écologie reste une variable d’ajustement

Avec déjà quatre budgets verts à son actif, on croyait la France à jour en matière de comptabilité environnementale. Las, c’est loin d’être le cas. Dans une note récente, des hauts fonctionnaires du réseau Le Lierre fustigent la direction prise par les finances publiques nationales, qu’ils jugent déconnectées des enjeux climatiques. “Les mauvaises pratiques ont la vie dure”, signale l’un des auteurs. En témoigne la séquence récente qui a vu l’Etat reculer sur la taxation du gazole non routier destiné aux agriculteurs puis raboter d’un milliard d’euros le dispositif MaPrimeRénov. Il n’y a toujours personne à Bercy pour dire stop lorsqu’il s’agit de sabrer dans des mesures écolos, déplore ce collectif.

“Pis, c’est l’ensemble du cadre général qu’il faut revoir au plus vite”, estime l’expert. L’estimation de la dette, qui sert de boussole à la programmation des finances publiques, ne reflète ni notre passif écologique au regard de la préservation ou de la restauration des écosystèmes, ni l’ardoise liée à notre inaction face au réchauffement climatique. Or cette “dette grise” s’accroît d’année en année, constate la note.

Sortir du déni

“En matière d’adaptation, il nous faudrait anticiper des coûts de dépollution des sols, ou provisionner des ressources pour le déplacement de certaines activités humaines menacées par les inondations, pour ne citer que deux exemples”, détaille un auteur. Le tri entre dépenses vertes, neutres et brunes ne satisfait pas non plus ce haut fonctionnaire. De nombreuses dépenses publiques – subventions, masse salariale ou dépenses liées à la commande publique – demeurent classées comme “neutres” au regard de leur effet, ce qui n’est pas toujours justifié. Par ailleurs, les dépenses “brunes” de carburant, d’achat de véhicules thermiques ou de gaz sont en augmentation et ne sont pas intégrées aux débats budgétaires.

Enfin, “l’État doit cesser d’ignorer le fait que la majeure partie des dépenses nécessaires à cette trajectoire relèvent de la maîtrise d’ouvrage des collectivités locales”, souligne le document. “Prenez les obligations vertes, ces emprunts émis sur les marchés pour financer un projet environnemental. Pour y avoir accès, une collectivité doit identifier précisément les projets écolos correspondants. Mais que gagne-t-elle à effectuer cette tâche ? Rien, à part des tracas pour circonscrire le périmètre de l’opération et y affecter le bon montant. Il n’a jamais été question de valoriser ce travail spécifique en proposant, par exemple, des taux d’emprunt privilégiés aux collectivités. La question demeure taboue”, explique un haut fonctionnaire.

Ce n’est pas le seul problème lié à ce dispositif. Les banques rapportent désormais ces emprunts verts séparément dans leurs comptes, valorisant ainsi leur image. Mais ce faisant, elles peuvent aussi faire passer, sous le manteau, d’anciens financements auparavant noyés dans la masse pour de nouvelles actions en faveur de la planète, alimentant une forme de greenwashing. “Il va falloir que la France sorte du déni”, préviennent les experts du Lierre. La transition n’est pas qu’une affaire de gros sous.

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