IA, espace… La France se prépare aux guerres du futur

IA, espace… La France se prépare aux guerres du futur

Il est loin le temps où l’utilisation de l’intelligence artificielle dans des combats relevait de la science-fiction. Depuis le début de la guerre en Ukraine, l’IA s’est invitée dans le conflit et offre à ses utilisateurs un nouveau panel de stratégies. L’Ukraine est “le meilleur terrain d’essai pour toutes les technologies les plus récentes, parce qu’ici, vous pouvez les tester dans des conditions réelles”, assure Mykhailo Fedorov, ministre ukrainien de la Transformation numérique, dans les colonnes du Time Magazine.

En deux ans de guerre, de nombreuses entreprises venues des quatre coins du globe ont cherché à s’implanter en Ukraine, devenue un véritable laboratoire pour les nouvelles technologies. A commencer par la société d’analyse de données Palantir Technologies qui, aujourd’hui, a conquis “plus d’une demi-douzaine d’agences ukrainiennes, y compris les ministères de la Défense, de l’Economie et de l’Education”, est-il précisé dans le magazine américain.

S’y ajoutent des géants américains comme Microsoft, Amazon, Google et Starlink qui ont aidé les forces de Kiev à lutter contre les cyberattaques russes et à protéger des données gouvernementales. En outre, la société de reconnaissance faciale Clearview AI a permis d’identifier 230 000 soldats russes qui ont participé à l’invasion militaire en Ukraine, “ce qui a permis de les lier à des preuves de crimes de guerre présumés”, souligne le Time Magazine.

Mais les Etats-Unis sont loin d’être les seuls à avoir mis le grappin sur le potentiel ukrainien en matière de défense. Le fabricant turc de drones armés Baycar a affirmé en février dernier qu’un site de production allait être construit en Ukraine. L’usine, qui devrait être achevée dans un an, emploiera jusqu’à 500 personnes et assurera la production de 120 drones chaque année. Par ailleurs, le producteur allemand de drones Quantum Systems a récemment annoncé qu’il ouvrirait un centre de recherche et de développement а Kiev.

L’armée française doit “prendre le virage” de l’IA

Côté français, l’investissement en Ukraine passe par l’amélioration de son matériel militaire, et notamment de son canon Caesar, dont trente exemplaires ont été envoyés à Kiev depuis le début de la guerre. En janvier, lors du lancement de la coalition “Artillerie pour l’Ukraine”, le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, a annoncé que le perfectionnement de cet engin allait être confié à la start-up allemande Helsing, spécialisée en intelligence artificielle militaire.

Créée en 2021, la société est aujourd’hui valorisée 1,5 milliard d’euros, après une nouvelle levée de fonds de plus de 200 millions d’euros à l’automne dernier. Helsing est ainsi devenue la première et la seule licorne de l’IA de la défense en Europe, comme le rapporte L’Usine nouvelle. L’équipe de cette start-up s’est par ailleurs enrichie de quelques grands noms français de l’aéronautique et de la défense. A commencer par l’ancien patron du digital chez Airbus, Marc Fontaine, mais également Antoine de Braquilanges, passé par Palantir France, respectivement président et directeur général d’Helsing.

Pour le ministre français des Armées, la défense ne peut plus se passer de l’intelligence artificielle. “Soit l’armée française prend le virage de l’IA, soit elle décroche”, a-t-il déclaré aux Echos ce vendredi 8 mars. La loi de finance pour 2024 consacre d’ailleurs 130 millions d’euros à l’IA Défense, est-il indiqué sur le site du ministère des Armées. Ce budget sera doublé d’ici la fin de la loi de programmation militaire 2024-2030.

Et pour concrétiser cet objectif, Sébastien Lecornu a présenté la nouvelle agence pour l’IA de défense, baptisée “Amiad”. “L’enjeu est ni plus ni moins que de garantir la survie du modèle souverain et autonome de la défense française”, explique le ministre aux Echos. Amiad verra ainsi le jour en juillet prochain, sera dotée de 300 millions d’euros par an et doit employer, d’ici à fin 2026, quelque 300 experts, civils, vacataires ou militaires. L’identité de son futur dirigeant est déjà connue : il s’agit de Bertrand Rondepierre, polytechnicien et normalien de 34 ans qui a notamment participé à l’écriture de la stratégie française pour l’IA dans l’équipe de Cédric Villani.

Un pôle recherche sera établi à Palaiseau, sur le site de l’Ecole polytechnique, tandis qu’un pôle technique sera situé près de Rennes, à Bruz, sur le site spécialisé dans la maîtrise de l’information et la cyber de la Direction générale de l’armement (DGA). Par ailleurs, un “super calculateur classifié” – “le plus gros dédié à l’IA et classifié en Europe”, assure le ministère des Armées dans son communiqué – sera installé au Mont-Valérien, à Suresnes (Hauts-de-Seine).

La guerre de l’espace avec AsterX

Outre l’intelligence artificielle, l’espace fait partie des enjeux majeurs en matière de défense, constituant un lieu de potentiels conflits commerciaux et militaires. La guerre de l’espionnage spatial a connu ses prémices en 2018, alors qu’un satellite russe Loutch-Olymp avait essayé d’espionner le satellite de télécoms militaire franco-italien Athena-Fidus. “Tenter d’écouter ses voisins, ce n’est pas seulement inamical. Cela s’appelle un acte d’espionnage”, avait alors déploré l’ancienne ministre des Armées, Florence Parly.

Des menaces qui ont encouragé la France à créer le Commandement de l’espace (CDE), né en 2019. Puis, à partir de 2021, à organiser chaque année un exercice militaire spécial, baptisé AsterX – en référence au premier satellite français lancé en 1965, nommé Astérix. La quatrième édition de cet exercice se déroule depuis le 4 mars et jusqu’au 15 mars, dans les locaux du Centre national d’études spatiales (CNES), à Toulouse.

“En 2024, l’entraînement reprend le contexte géopolitique de l’exercice “Orion” – exercice interarmées majeur visant à un entraînement au combat à grande échelle impliquant tous les milieux et champs de conflictualité”, explique le ministère de l’Armée de l’Air et de l’Espace sur son site.

Cyberattaques, rapprochements hostiles, largages de nanosatellites… Les quelque 140 participants, militaires et civils, issus d’une quinzaine de nations, sont confrontés “à l’ensemble du spectre de la guerre de l’espace”, précise le ministère. Des partenaires industriels du domaine spatial (Agenium, ArianeGroup, Crisotech, Exotrail, Safran, Sopra Stéria, MBDA) participent également afin de se confronter aux menaces émergentes “pour développer une culture commune des opérations spatiales militaires, fondement d’une solidarité stratégique renforcée”.

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