La Grèce, nouvelle terre d’opportunités pour les entreprises françaises

La Grèce, nouvelle terre d’opportunités pour les entreprises françaises

Dans le respect de la tradition antique, sous le soleil du Péloponnèse, la flamme olympique sera allumée le 16 avril, avant de rallier Athènes. Le début de son long périple vers Marseille, puis Paris. Aux premières loges de ce cérémonial, le gratin de la représentation française, ministres compris, se pressera à Olympie et sur le port du Pirée. L’ambiance s’annonce d’autant plus joyeuse qu’une autre flamme se rallume en Grèce, celle de la reprise économique.

Après des années d’efforts pour assainir ses finances et défendre sa place en Europe, le pays connaît une croissance bien plus rapide que celle de la zone euro. La dette publique reflue. Le taux de chômage aussi. Et les investisseurs reviennent. Depuis sa nomination comme Premier ministre en 2019, Kyriákos Mitsotákis, un ancien financier francophone, s’est attaché à redorer le blason de l’Etat hellène. A l’appui, un plan “Grèce 2.0” décliné en 108 investissements et 68 réformes. “Elaboré avec des économistes de renom, ce programme lui a permis d’obtenir 36 milliards d’euros de l’Union européenne, dans le cadre du plan de relance post-Covid. Il a donc été jugé crédible”, insiste Laurent Thuillier, le président de la Chambre de commerce franco-grecque. Une manne qui s’ajoute aux 90 milliards de fonds structurels européens.

“Un retournement de situation extraordinaire”

Toutefois, si les Français se déplacent volontiers pour bronzer en Crète ou convoler à Santorin – 1,8 million de touristes au total en 2022, sur les 30 millions accueillis -, ils sont plus timorés lorsqu’il s’agit de business. On recense seulement 165 filiales tricolores en Grèce, dont celles d’Alstom, EDF, Bouygues. Ou Vinci Concessions. Son directeur général, Nicolas Notebaert, se félicite que la société ait tenu bon, malgré deux contrats de concession autoroutière conclus… en 2008. L’année de la déflagration financière mondiale. Et deux ans avant la crise des dettes souveraines européennes. “En nous appuyant sur notre modèle de concession, nous avons pu nous battre pour trouver des solutions de financement, ce qui a permis de lancer les travaux de modernisation et de sécurisation et de démarrer l’exploitation. Entre 2013 et 2017, nos chantiers étaient quasiment les seuls en Grèce, se souvient-il. Nous sommes aujourd’hui titulaires de ces contrats dans un pays qui se porte mieux, nous avons eu raison de prendre de risques et de croire en la Grèce, dont le gouvernement est un partenaire fiable.” Un symbole : sur sa route pour Athènes, la flamme olympique empruntera fin avril le pont Rion-Antirion, l’ouvrage qui relie le Péloponnèse au nord de la Grèce, livré par Vinci quelques mois avant les JO de 2004.

Reste qu'”il n’y a pas assez d’entreprises françaises qui s’intéressent au marché hellénique”, déplore Laurent Thuillier, également directeur général adjoint de Groupama. “Le retournement de situation sur place est extraordinaire, elles n’en tirent pas assez profit, appuie le président du conseil d’administration de L’Oréal, Jean-Paul Agon. La France n’est que le 9e investisseur en Grèce. Pourtant, les relations entre nos deux pays sont excellentes, les Grecs considèrent la France comme un partenaire privilégié”.

Lui-même peut témoigner de cette proximité. Alors qu’il n’avait que 24 ans et à peine trois ans d’expérience dans le groupe, Jean-Paul Agon s’est vu confier la direction de la division des produits grand public de L’Oréal en Grèce. Il y officiera de 1980 à 1985. Quatre décennies plus tard, il discute toujours couramment en grec, passe ses étés dans sa maison, “sur une île”. Et suit encore les ventes de près. “C’est l’une des plus belles filiales de L’Oréal en termes de part de marché. L’an dernier, elle a réalisé 220 millions d’euros de chiffre d’affaires, en croissance de 19 % par rapport à 2022. Elle est, de plus, très rentable”, se félicite-t-il.

Si on imagine mal les banques françaises repartir à l’assaut de l’Acropole, après la déroute des années 2010 qui les a contraintes à plier précipitamment bagage, les opportunités ne manquent pas ailleurs. Dans les énergies renouvelables, en plein boom. Dans les transports. Ou encore dans la marine marchande. Laurent Thuillier a créé à la Chambre un comité maritime pour que se rencontrent les deux mondes : “Le poids des armateurs grecs est majeur dans le transport mondial de marchandises et nos entreprises ont les compétences pour accompagner la décarbonation des bateaux : nouveaux modes de propulsion, nouveaux carburants, etc.”.

Rafales et frégates

Pour l’heure, c’est dans la défense que la France joue une carte maîtresse, géostratégie oblige. “Frontière sud-est de l’Europe, la Grèce est un débouché du canal de Suez et de la mer Noire, très exposée aux tensions liées à la guerre en Ukraine, au conflit au Moyen-Orient, aux flux de migrants…”, résume un dirigeant du secteur. Paris a noué avec Athènes un partenariat stratégique en septembre 2021, suivi par des commandes de Rafale chez Dassault Aviation et de frégates chez Naval Group. Des contrats qui bénéficieront à un autre français, le groupe Thales, présent dans le pays depuis un demi-siècle, mais aussi à des fournisseurs locaux – la demande d’Athènes en ce sens est pressante.

Thales prévoit de poursuivre ses développements dans la défense et le contrôle aérien, mais aussi dans le numérique. Réputé pour sa bureaucratie, “le pays se transforme rapidement sur ce point”, assure Patrick Defranoux, double casquette de patron de Thales Hellas et de président des conseillers du commerce extérieur de la France en Grèce. D’aucuns saluent le travail du précédent ministre de la Gouvernance numérique, Kyriákos Pierrakákis, qui a automatisé les procédures administratives dès le début du confinement et basculé les déclarations fiscales en ligne.

Au-delà de la sphère publique, “ce qui se passe dans le secteur technologique en Grèce est impressionnant, s’enthousiasme Guy Krief, fondateur de deux jeunes pousses dans l’IA et président de la French Tech Athens, créée l’an dernier. Plusieurs licornes ont émergé. Meta et Microsoft ont racheté des start-up locales, Amazon et Google ont investi. La Grèce forme de très bons ingénieurs, dont le coût reste compétitif pour des entreprises américaines ou ouest européennes”. Quelques spécialistes français de la tech commencent d’ailleurs à tâter le terrain. Mieux vaut ne pas tarder : la forte demande en codeurs fait déjà grimper les salaires.

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