Langue française : êtes-vous un “hypercorrecteur” ?

Langue française : êtes-vous un “hypercorrecteur” ?

Vous connaissez, j’en suis sûr, l’hypermarché, l’hyperactif, l’hyperbole, sans oublier – je ne vous souhaite pourtant aucun mal – l’hypertension et l’hypermétropie. Mais connaissez-vous l’hypercorrection, cette attitude qui conduit celui ou celle qui cherche à s’exprimer de manière parfaite à… commettre des erreurs en appliquant des règles grammaticales de façon inappropriée ? Un piège qui, reconnaissons-le, guette chacun d’entre nous.

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Prenons quelques exemples :

– L’ajout de lettres muettes et/ou savantes superflues : l’éthymologie, le camps…

– L’ajout d’accents circonflexes inutiles : il fût, il dût, il eût, il faît, il s’est tû…

– La redondance dans les formules interrogatives : “Est-ce qu’en acceptant une mission si dangereuse ne va-t-il prendre trop de risques ?”

– La chasse abusive aux anglicismes : remplacer “trafic” par “circulation” alors que “trafic” est un emprunt à… l’italien “traffico”.

– La conjugaison erronée de certains verbes : par association avec “vous dites”, nous sommes parfois tentés d’employer “vous médites” et “vous vous contredites”. Il s’agit d’une erreur, car les dérivés de “dire” se conjuguent tout à fait normalement : “vous médisez”, “vous vous contredisez”. Il est vrai que la règle est particulièrement difficile à maîtriser, puisqu’elle comporte – évidemment – son exception. Avec “redire”, c’est “vous redites” qui est exigé au présent de l’indicatif (non, le Grevisse n’est pas offert avec cette chronique).

– L’emploi consécutif de “de” et de “dont” : on entend parfois : “C’est de cette voiture dont je parle.” Or “dont” peut être remplacé par “de qui” ou “de quoi”. Les formules correctes sont donc “c’est de cette voiture que je parle” ou “c’est cette voiture dont je parle”.

Le phénomène est si répandu qu’il amène certains, et non des moindres, à stigmatiser à tort des usages corrects qu’ils croient fautifs. Voltaire condamnait ainsi la locution “par contre” au profit d’”en revanche” sans réelle justification. Il en va de même pour “deuxième”, que l’on pense devoir remplacer par “second” lorsque l’énumération se limite à deux objets alors que l’Académie française elle-même reconnaît qu’il n’en est rien.

Comment expliquer cette tendance à l’hypercorrection ? Par un autre phénomène que les experts appellent “l’insécurité linguistique”. En clair : nous avons parfois le sentiment que notre façon d’écrire ou de parler n’est pas conforme à la norme de prestige. Soucieux d’imiter celle-ci, nous voulons si bien faire que nous finissons par nous tromper. C’est pourquoi ce genre d’erreurs se manifeste surtout dans des contextes un peu formels : entretien d’embauche, examen, lettre officielle, prise de parole en public…

Selon des sociologues et des linguistes comme Pierre Bourdieu et William Labov, cette attitude concerne de ce fait plus particulièrement certaines catégories de la population. La petite bourgeoisie. Les personnes cherchant à effacer un accent régional ou social. Les individus disposant d’un certain niveau culturel : enseignants, élus, journalistes, parfois les universitaires. Les femmes, également, et cela s’explique. Elles doivent en effet surmonter davantage d’obstacles pour s’élever socialement et cherchent donc plus que les hommes à adopter la norme présentée comme légitime.

Sachez enfin que l’hypercorrection a son exact inverse : l’hypocorrection. Une démarche qui consiste, pour un individu maîtrisant le “bon français”, à commettre des erreurs de manière volontaire. Peu de temps après sa nomination à Matignon, en 1984, Laurent Fabius, pourtant normalien et classé premier à l’agrégation de lettres modernes, avait ainsi déclaré à la télévision : “C’est des problèmes importants” (au lieu de “Ce sont des problèmes importants”). Une manière pour celui qui rêvait d’entrer à l’Elysée de tenter de “faire peuple”. Enfin, c’est du moins l’hypothèse dont à laquelle je peux avancer.

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Découvrez d’autres éléments sur l’hypercorrection avec cette vidéo très pédagogique du youtubeur Linguisticae. “L’hypercorrecteur veut montrer qu’il est socialement au-dessus des autres par sa maîtrise du code social de la langue normée, y explique-t-il notamment. Il craint de commettre des fautes de peur d’être stigmatisé.”

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