Laurent Wauquiez : son plan (caché) pour les européennes et la suite

Laurent Wauquiez : son plan (caché) pour les européennes et la suite

Le cancre a retrouvé le chemin de l’école. Chaque mardi, Laurent Wauquiez se rend au nouveau siège des Républicains (LR), à deux pas de l’Assemblée nationale, pour une réunion stratégique autour des élections européennes. Lui, Laurent Wauquiez, si longtemps détaché des affaires de son parti. Dans ce huis clos hebdomadaire, le patron d’Auvergne-Rhône-Alpes (Aura) ne se contente pas de signer la feuille de présence. Il distille conseils et analyses à l’état-major de LR, sous le regard de la tête de liste François-Xavier Bellamy.

Le conclave commence souvent par une étude des derniers sondages. Laurent Wauquiez les dissèque devant ses pairs, s’intéressant aux seconds choix des électeurs d’Emmanuel Macron ou d’Eric Zemmour. “Il mène presque la réunion. Je sens que cela agace parfois Éric Ciotti”, sourit un participant aux agapes.

L’ancien ministre souffle des orientations stratégiques. Il appelle son camp à s’arroger le monopole de la “droite” et plaide pour la dénonciation d’un “plan caché” du gouvernement pour augmenter les impôts. “Maîtriser notre destin” : le slogan choisi par la droite n’est pas le sien. Laurent Wauquiez a suggéré d’autres propositions à soumettre à l’institut de sondage Cluster 17, prestataire de LR.

Avec François-Xavier Bellamy, les échanges sont quasi-quotidiens. Laurent Wauquiez l’a reçu en banlieue lyonnaise le 27 mars pour un déplacement autour du trafic de drogue et assistait trois jours plus tôt à son meeting d’Aubervilliers. “Il a l’expérience et du recul sur le quotidien de la campagne. Son regard est précieux”, salue l’eurodéputé. L’ex-ministre se garde de critiques sévères sur la campagne du chef de file de LR, encalminée à 8 % d’intentions de vote. Tout juste juge-t-il que le bilan de la délégation LR, brandie en étendard par le Versaillais, n’est pas un déterminant de vote. “Il aimerait que Bellamy soit moins conceptuel”, note un interlocuteur.

Montrer patte blanche, sans trop s’exposer

A bas bruit, Laurent Wauquiez raffermit son influence sur la droite. Celui qui a renoncé à conquérir la présidence de LR en 2022 nourrit une relation utilitariste à sa famille politique. Il s’en rapproche quand ses intérêts l’y inclinent, s’en éloigne quand cela sent le brûlé. Il en sèche les conseils stratégiques – interminables réunions où l’on palabre de l’actualité – mais se montre assidu aux réunions de la Commission nationale d’investiture, chargée de désigner les candidats aux élections.

Cette quête de la bonne distance l’a poussé à la faute, comme lors de la réforme des retraites. Laurent Wauquiez est resté éloigné d’un débat abrasif et n’a pas su contenir la fronde d’une partie des députés LR contre la direction du parti. Depuis, il s’emploie à corriger le tir. Lors de l’examen du projet de loi immigration, Laurent Wauquiez se rend à une réunion de groupe des députés LR pour calmer les tensions naissantes avec leurs collègues sénateurs. En pleine Commission mixte paritaire, Eric Ciotti et Bruno Retailleau se prennent le bec autour de la réforme des APL. L’ex-président de LR les appelle tour à tour pour éteindre un début d’incendie.

Montrer patte blanche, sans trop s’exposer. Laurent Wauquiez met en musique cette stratégie lors des européennes. Il donne des gages à son camp, mais reste fidèle à sa stratégie de discrétion médiatique. Il n’a pas pris la parole au meeting d’Aubervilliers et François-Xavier Bellamy ne l’imagine pas sortir du bois d’ici au 9 juin. “Il veut pouvoir dire qu’il a été présent en cas de bon score, mais ne pas avoir été vu en cas de mauvais, raille un conseiller LR. Il ne prend jamais de risques pour les autres.”

“On peut construire sur des ruines, pas sur des cendres”

Laurent Wauquiez sait combien des ambitions présidentielles peuvent se fracasser sur le mur des élections européennes. Nicolas Sarkozy a failli ne jamais se remettre de son échec de 1999. Lui-même a été contraint de quitter la présidence de LR – et de passer son tour pour 2022 – après la déroute de François-Xavier Bellamy en 2019. Cinq ans ont passé, la droite n’a pas enrayé sa chute. Alors, le camp Wauquiez s’emploie à décorréler le destin de la liste Bellamy et de son champion. Le scrutin prend des airs de vote sanction contre Emmanuel Macron, 2027 est si loin. “On ne saute pas l’échéance des européennes, mais ce scrutin n’annonce pas la présidentielle”, insiste un proche.

De l’avis général, une disparition de la droite du Parlement européen réduirait à peau de chagrin les chances de reconstruction de LR. Et hypothéquerait celles de l’ancien ministre. “Laurent a conscience qu’on peut construire sur des ruines, mais pas sur des cendres”, note l’eurodéputé Brice Hortefeux. “Si notre score est mauvais, tout le monde sera contaminé. Y compris Laurent Wauquiez, qu’il mouille sa chemise ou pas”, a confié Eric Ciotti à un proche il y a quelques mois.

En cas de déroute, la réforme des statuts de LR pour faciliter la désignation de Laurent Wauquiez comme candidat à l’Elysée – promesse de campagne d’Eric Ciotti – aurait du plomb dans l’aile. Les rivaux de l’ancien maire du Puy-en-Velay – Xavier Bertrand, David Lisnard – souligneront son illégitimité. Alors, autant s’investir. Mais en coulisses, bien sûr. Le patron d’Aura s’intéresse ainsi au sort de Reconquête, menacée de disparition en cas d’échec le 9 juin. “Il faut mettre Zemmour en dessous de 5 %”, a-t-il assuré à un cadre LR. Et ainsi limiter la dispersion des candidatures de droite en 2027.

“Si tu y vas pour te casser la gueule…”

2027, l’objectif d’une vie. Laurent Wauquiez a les yeux rivés sur cette échéance, et ne dévie pas de stratégie. Il compte rester en retrait durant la première phase du quinquennat, et promet d’accélérer le rythme lorsque les Français se projetteront sur la prochaine présidentielle. Quand Macron sortira du jeu, il dévoilera le sien. Absent des médias audiovisuels, Laurent Wauquiez multiplie pour l’heure les interviews à la presse écrite et tribunes dans lesquelles il esquisse son offre politique : une dénonciation de l’impuissance de l’Etat, entravé par la justice et les normes.

Qu’importent les sondages lui accordant 5 % d’intentions de vote. Qu’importent les sourires narquois du camp présidentiel quand son nom est prononcé. “Je suis totalement optimiste sur le fait que je gagnerai l’élection présidentielle de 2027”, confiait-il à l’Express en 2023. Cette détermination impressionne – ou inquiète – ses interlocuteurs. “Si tu y vas pour te casser la gueule, ce n’est pas la peine”, lui a soufflé un proche. Il a été renvoyé dans les cordes. L’homme veut croire en son destin, et multiplie les échanges avec des élus. Il a récemment déjeuné avec l’ancien député de l’Yonne Guillaume Larrivé. Le Conseiller d’Etat lui a conseillé de publier un livre sur le modèle de Libre, ouvrage confession écrit par Nicolas Sarkozy en 2001. L’ancien président s’était attelé à son écriture après… son crash aux européennes.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *