Le “private equity”, un placement rentable ?

Le “private equity”, un placement rentable ?

Investir au capital d’entreprises non cotées n’a jamais été aussi facile et pourtant, celles-ci ne représentent encore qu’une goutte d’eau dans le patrimoine des Français. Mais les choses changent : au premier semestre 2023, les investisseurs privés représentaient 26 % des levées de fonds du capital-investissement, selon France Invest, devenant la première catégorie de souscripteurs devant les fonds de fonds et les assureurs. En outre, la loi Industrie verte d’octobre 2023 prévoit d’instaurer une part minimale d’actifs non cotés dans les gestions pilotées en assurance-vie et en épargne retraite.

De quoi accélérer le mouvement de démocratisation du private equity, déjà entamé. “C’est une catégorie de placements qui suscite l’intérêt de mes clients aisés car elle est connectée à l’économie réelle et offre une meilleure visibilité sur la performance que les produits cotés en Bourse”, constate Vincent Coumans, conseiller en gestion de patrimoine chez Vaneau Gestion Privée, membre de la plateforme Neofa.

Des performances passées difficiles à reproduire

Elle présente en outre des perspectives alléchantes. Sur les dix dernières années, la rentabilité annualisée du private equity s’est élevée à 14,2 % net de frais. Mais il faut considérer qu’il s’agit de performances passées, qui pourront difficilement être reproduites, car l’environnement a changé. La banque Neuflize OBC table ainsi sur un rendement annuel de l’ordre de 9 % pour la classe d’actifs sur les cinq à dix prochaines années du fait de valorisations tendues et d’un coût du financement plus élevé.

En outre, “ce chiffre reflète la performance historique et sur longue période des fonds de capital-investissement à destination des investisseurs institutionnels, la clientèle historique de ces produits, et ne représente pas tout le non coté, en particulier la dette privée”, souligne Guillaume Cousseran, directeur associé en charge des relations investisseurs chez Seven2. Or, ces véhicules fonctionnent avec des appels de fonds : “A la souscription, l’investisseur s’engage sur une mise mais il ne verse pas l’intégralité de la somme immédiatement, explique Vincent Coumans. Il apporte 10 % chaque semestre pendant cinq ans par exemple.” Ce qui va laisser le temps au gérant d’identifier les dossiers porteurs et d’investir au fil de l’eau. Dans l’intervalle, les capitaux non appelés peuvent être placés sur des comptes à terme ou des fonds monétaires ou obligataires. Or, les produits les plus grand public – en particulier ceux référencés au sein de l’assurance-vie – ne s’encombrent pas de cette contrainte et prévoient un seul versement immédiat… quitte à laisser l’argent dormir avant de l’investir.

Risque de déception

Autre différence notable : certains supports pour clients particuliers prévoient une poche de trésorerie pour faire face aux éventuelles demandes de sortie. “L’Autorité des marchés financiers impose de conserver un pourcentage significatif de liquidités dans les véhicules pour les produits semi-liquides à destination de l’assurance-vie ou du grand public, ce qui a forcément un effet dilutif sur la performance”, précise Guillaume Cousseran. Certains font aussi le choix d’intégrer une part d’actifs cotés, pour plus de souplesse. “La démocratisation implique souvent de tordre les principes fondateurs de la classe d’actifs et de ce fait, la performance risque de décevoir les investisseurs”, craint Estelle Dolla, présidente de Private Corner.

Les particuliers peuvent certes accéder à des offres similaires à celles des institutionnels, mais il faut alors être en mesure de débourser au minimum 100 000 euros pour y accéder. Et quoi qu’il en soit, les frais seront toujours plus élevés, principalement car il faut rémunérer un réseau de vente et de conseils. Les pratiques divergent beaucoup d’un acteur à l’autre, donc il est indispensable de se renseigner. Si une commission de performance (carried interest) est prévue, il faut vérifier à partir de quel niveau elle se déclenche. “C’est inacceptable de prévoir du carried dès le premier euro de gain”, prévient Estelle Dolla. Mis bout à bout, tous ces éléments peuvent coûter 30 à 40 % de performance.

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