L’étonnant succès de Philippe Boxho, médecin légiste et auteur de best sellers

L’étonnant succès de Philippe Boxho, médecin légiste et auteur de best sellers

Son nom est inconnu, sa maison d’édition modeste et les titres de ses ouvrages Les morts ont la parole et Entretien avec un cadavre laissent pensif. Pourtant, dans le cœur de l’hiver, Philippe Boxho s’est glissé en catimini dans les hauteurs du palmarès des livres de L’Express. Dans la catégorie “Essais et documents”, l’homme, médecin légiste en Belgique, a doublé de bien plus célèbres que lui, Bernard-Henri Lévy, Gilles Kepel ou François Sureau. Mi-avril, son premier ouvrage s’était vendu à 45 000 exemplaires, le deuxième à 50 000, selon Edistat. Et ce, uniquement dans l’Hexagone. Outre-Quiévrain, il revendique 100 000 exemplaires de chaque opus et ses conférences – une par semaine en moyenne – attirent 600 amateurs et font 400 déçus, faute de place.

Avant lui, d’autres, comme Michel Sapanet et son En direct de la morgue (Plon), se sont essayés au genre – raconter de l’intérieur le métier de légiste – mais aucun n’a atteint sa notoriété née sur les réseaux sociaux. Son décollage subit en janvier tient pour beaucoup à sa présence sur la chaîne YouTube Legend. Ses entretiens avec Guillaume Pley, star du réseau, font un carton : 4,4 millions de vues pour le premier épisode, 3,3 pour le deuxième. Le troisième, qui vient d’être mis en ligne, a été vu 500 000 fois en vingt-quatre heures. Depuis, Philippe Boxho, 58 ans, intervient aussi en format court sur TikTok, répond volontiers à Cyril Hanouna sur C8 et vend toujours un peu plus de livres.

Il faut dire qu’avec ses chemises fleuries et ses lunettes en plastique transparent qui lui donnent un petit air de Laurent Voulzy, son tutoiement facile, l’homme n’a rien du docte professeur. Même son CV sur le site de l’Université de Liège le décrit comme “professeur ordinaire” en médecine légale et criminalistique. Son premier livre Les morts ont la parole est une succession de cas rencontrés au cours de sa carrière, le deuxième, Entretien avec un cadavre, est centré sur le rôle de chacun dans le travail d’enquête. Son léger accent lui donne l’air nonchalant, il parle beaucoup, avec passion, mais sans élever la voix, il raconte les pires horreurs sans se démonter, voire avec une pointe d’humour. Sans abuser du spectaculaire, Philippe Boxho n’épargne rien à ses lecteurs. En conférence, il n’hésite pas à montrer des photos, tout en prenant soin d’anonymiser les corps et, plus généralement, de ne travailler que sur des affaires anciennes et “ordinaires”.

“Soit il devenait légiste soit il devenait tueur en série”

Il revendique faire de la pédagogie, refuse d’être payé pour ses conférences : “Je fais ça pour expliquer ce qu’est mon métier. Je ne fais pas du spectacle.” Il insiste sur le fait que, s’il romance ses histoires pour qu’elles ne ressemblent pas à un PV de police et s’il change les noms, “tout le reste est vrai, pas comme dans les séries télé”. Il déteste l’image que ces dernières renvoient de son métier, manière aussi de montrer que lui propose du vrai, du réel. L’homme n’est pas dupe. Il sait que la matière qu’il traite – le meurtre, le fait divers, les enquêtes de police – fascine les gens. Et qu’ils viennent chercher chez lui un frisson d’horreur pour mieux conjurer un tel sort.

Il en joue parfois, comme lorsqu’il raconte comment, un jour, alors qu’il intervenait sur un suicide ferroviaire, il a montré un bout de peau retrouvé sur le rail à un policier. Il s’agissait du visage du mort, lui a ri, le policier a tourné de l’œil. De telles anecdotes lui valent des commentaires doux-amers comme cette phrase lue sur YouTube : “J’ai jamais vu un mec lacher (sic) d’aussi grandes dingueries avec autant de calme et de sérénité ! Soit il devenait légiste soit il devenait tueur en série lui.”

Il prend soin de ne pas aller trop loin, met en garde lorsque des enfants trop jeunes assistent à ses conférences, est intervenu sur BFM TV après la découverte des ossements d’Emile au Haut-Vernet, mais n’entend pas devenir expert télévisuel. Il continue de donner entre 150 et 250 heures de cours par an à l’université et termine aujourd’hui un troisième livre qui paraîtra avant l’été. Pour le plus grand bonheur de son éditeur, Kennes Editions, que son succès a sorti de très grosses difficultés financières il y a un an. Fort de ça, Philippe Boxho espère le convaincre de publier, enfin, son livre sur le saint suaire, son autre passion.

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