L’inexorable ascension du RN aux européennes entre 1979 et 2024

L’inexorable ascension du RN aux européennes entre 1979 et 2024

Le Rassemblement national arrivera-t-il en tête des élections européennes en France le 9 juin prochain ? C’est en tout cas ce qu’annoncent jusqu’ici la plupart des sondages, qui placent la liste du RN, menée par le président du parti, Jordan Bardella, largement devant celle du parti présidentiel Renaissance.

Voir le RN en tête du scrutin européen n’est pourtant plus vraiment une surprise : en 2014 et en 2019 déjà, le parti à la flamme avait déjà devancé toutes les autres listes. Le résultat de près de quarante ans de percées du Front national au Parlement européen, avec l’euroscepticisme et le rejet des institutions européennes comme axe de campagne central, que ce soit d’abord par l’intermédiaire de Jean-Marie Le Pen, puis de Marine Le Pen et Jordan Bardella.

La concurrence eurosceptique et souverainiste

Si le Front national ne parvient pas à présenter une liste aux élections européennes en 1979, les scrutins suivants sont l’occasion des premières percées électorales du Front national de Jean-Marie Le Pen. Axant une grande partie de son programme politique sur un fort euroscepticisme et la défense d’une “Europe des nations”, il obtient ainsi 10,95 % en 1984 – soit la première élection nationale où le FN dépasse la barre des 10 % -, puis 11,7 % en 1989.

En 1994, le Front national dépasse encore une fois les 10 %, en menant toujours une campagne très agressive sur la question européenne. Le contexte y est alors favorable, alors que deux ans plus tôt, le référendum sur le traité de Maastricht – et la création de l’Union européenne telle qu’on la connaît aujourd’hui – avait largement clivé la France. Jean-Marie Le Pen, au slogan de campagne assez explicite, (“Contre l’Europe de Maastricht, allez la France !”), prône notamment une sortie de l’UE soit… un programme très similaire à celui du Mouvement pour la France (MPF) de Philippe de Villiers, qui obtient quant à lui plus de 12 % des voix. Soit près de 23 % au total pour les deux listes eurosceptiques.

En 1999, c’est néanmoins la dégringolade, avec des querelles internes qui viennent largement perturber la campagne du Front national. Bruno Mégret, ancien numéro 2 du parti à la flamme, a alors quitté le FN quelques mois plus tôt en dénonçant ouvertement les choix stratégiques de Jean-Marie Le Pen. Emportant avec lui une grande partie des cadres du parti, il décide de mener sa propre liste aux élections européennes avec sa nouvelle force politique, le Mouvement national républicain (MNP). Résultat : 5,7 % seulement pour le FN, et 3,3 % pour le MNP. Mais le vivier de voix souverainiste et eurosceptique n’a pas pour autant disparu : le tandem Charles Pasqua – Philippe de Villiers arrive ainsi en deuxième position du scrutin avec 13 % des voix, devançant le RPR alors mené par Nicolas Sarkozy.

De nouveau autour des 10% au scrutin de 2004, le Front national connaît un nouvel échec cuisant en 2009. Dans un pays en pleine crise économique, l’élection européenne mobilise alors très peu d’électeurs (60 % d’abstention). Le FN n’obtient que 6,3 % des suffrages exprimés, subissant notamment la fuite d’un bon nombre de ses électeurs vers l’UMP du président de la République Nicolas Sarkozy.

Le tournant de 2014

Cinq ans plus tard, la situation s’inverse pourtant totalement, et les élections européennes sont celles d’un tournant majeur dans l’histoire politique du Front national. Jean-Marie Le Pen n’est plus le président du parti depuis 2011, et a depuis passé la main à sa fille Marine Le Pen, qui est arrivée en troisième position à l’élection présidentielle de 2012.

Dans une France présidée par François Hollande, dont la popularité chute très vite, le Front national se hisse alors pour la première fois de son histoire en tête d’une élection nationale. Obtenant près de 24,9 % des suffrages, soit 10 points de plus que la liste du Parti socialiste, et quatre points de plus que l’UMP, le succès est sans appel pour le FN, qui multiplie par six son résultat par rapport à 2009.

Le signe d’un fort enracinement du FN (devenu Rassemblement national en 2018) dans la vie politique française, qui se poursuivra en 2019 avec un nouveau candidat : le désormais président du RN Jordan Bardella. Sa liste arrive là aussi en tête du scrutin, devançant d’un peu plus d’un point La République en Marche d’Emmanuel Macron.

Si ces dernières années, le Rassemblement national a cherché à réduire la voilure dans ses attaques sur l’Union européenne, en ne prônant désormais plus le “Frexit” ou encore la sortie de la France de l’euro, son euroscepticisme reste un axe majeur de sa campagne. Et alors qu’un partout en Europe, les forces d’extrême droite pourraient obtenir des résultats historiques lors du scrutin du 9 juin prochain (le parti Fratelli d’Italia de Georgia Meloni en Italie, l’AFD en Allemagne, le PVV de Geert Wilders aux Pays-Bas…), cela pourrait profiter au Rassemblement national pour nourrir son récit de dédiabolisation et de banalisation. Avec en ligne de mire, déjà, la présidentielle de 2027.

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