L’infantilisation des citoyens, une politique qui nous coûte cher, par Nicolas Bouzou

L’infantilisation des citoyens, une politique qui nous coûte cher, par Nicolas Bouzou

Le président de la République a annoncé lui-même que le “pass rail” serait expérimenté en juillet et en août 2024. Les jeunes âgés de moins de 27 ans pourront, pour 49 euros par mois, circuler sur les trains Intercités et les lignes de nuit, en dehors de l’Ile-de-France, seule région à être exclue du dispositif. Cette expérimentation importée d’Allemagne coûtera 15 millions d’euros (80 % payés par l’Etat, 20 % par les régions). Autant dire rien du tout, pour un dispositif écologique et franchement très sympa. Pourquoi s’en priver ?

Sauf que. Ce pass rail arrive après le bonus réparation, en place quant à lui depuis 2022. Ce bonus est déduit directement de la facture de la réparation d’appareils électroménagers, d’appareils de cuisine, de matériels de sport, de matériels hi-fi, de smartphones, de matériels de bricolage ou d’entretien du jardin… qui ne bénéficient pas d’une garantie. Depuis fin 2023, ce dispositif a été étendu aux vêtements. Le site du gouvernement nous apprend qu’il est possible de récupérer 8 euros pour la pose d’un patin à chaussures ou 7 euros pour le rapiècement d’un trou. Formidable ! Le bonus réparation est aux biens de consommation ce que MaPrimeRenov (qui permet par exemple de changer un système de chauffage) est au logement ou le bonus écologique pour les voitures électriques et à hydrogène, à l’automobile : une aide afin de diminuer l’empreinte écologique des dépenses des ménages et contribuer ainsi à la décarbonation de notre économie. Il s’agit d’amener les Français à aller vers un mode de consommation plus durable. Comment pourrait-on être contre cette louable intention de notre père l’Etat ?

Incohérence de la politique macroéconomique

Sauf que. Ces aides à l’écologie arrivent après le pass culture, qui permet depuis 2019 aux collégiens et lycéens entre 15 et 18 ans de bénéficier d’un crédit à dépenser pour une offre culturelle. C’est certes une dépense mais le pass culture, ça ne coûte que 200 millions d’euros par an. C’est davantage que le pass rail mais c’est à peine une goutte d’eau dans le budget de l’Etat. Le premier usage de ce pass réside dans les achats de livres. Un dispositif peu coûteux, qui aide les jeunes et la culture. Comment être contre ?

Mis bout à bout, ces dispositifs pèsent sur les finances publiques. En rajouter vient gâcher les efforts d’économies que l’Etat et la Sécurité sociale tentent laborieusement de faire par ailleurs. Le signal envoyé est celui d’une incohérence de notre politique macroéconomique. Mais surtout, ce management public de la consommation des ménages vient encourager trois des pires travers de notre pays : l’Etat comme solution à tout, le mythe de la gratuité et la passion redistributive. Tous ces bonus corroborent l’idée selon laquelle à chaque problème ou défi peut correspondre une dépense publique supplémentaire. C’est cette idée qui, fondamentalement, explique l’état dégradé persistant de nos finances publiques puisque les nouvelles dépenses se trouvent toujours une bonne raison.

Sentiment de gratuité

Que l’actuel gouvernement continue dans cette voie est inquiétant pour l’avenir. Toutes ces aides diminuent artificiellement le coût de la consommation des ménages voire alimentent un sentiment de gratuité (le pass culture) sous l’effet magique de l’action de l’Etat. Bruno Le Maire a raison d’avoir fait du combat contre l’illusion de la gratuité son nouveau cheval de bataille, mais l’adoption du pass rail ne l’aide guère dans cette noble tâche.

Enfin, il est curieux d’ajouter des mécanismes de redistribution dans le pays qui, d’après l’OCDE, est déjà le plus redistributif parmi les nations développées. Si l’on considère que cette redistribution lèse certaines catégories comme les jeunes par rapport, par exemple, aux retraités, n’est-il pas plus logique de mieux payer les enseignants ? Quoi qu’il en soit, il serait sage que cette majorité qui n’a pas été élue pour mener une politique socialiste fasse une pause dans cette coûteuse infantilisation du citoyen réduit à sa fonction de consommateur.

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *